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Cette France à qui on ne cesse de diagnostiquer une crise aigüe d’ultra-libéralisme alors qu’elle se meurt d’un abus chronique de socialisme
©Reuters

Aux abois

Ce dont la France souffre d'abord, c'est de l'aveuglement de ses élites intellectuelles. Et si le pays ne veut pas "crever" du socialisme, il serait temps de retrouver le chemin de quelques vérités élémentaires.

Drieu Godefridi

Drieu Godefridi

Drieu Godefridi est docteur en philosophie (Sorbonne), juriste, et dirigeant d'entreprise. Il est notamment l'auteur de Le GIEC est mort, vive la science ! (Texquis, 2010), La réalité augmentée (Texquis, 2011) et De la violence de genre à la négation du droit (Texquis, 2013).

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J'ai toujours détesté l’esprit de meute et de lynchage : le dernier crachat sur un homme à terre est le plus vil. Quand je lis les analyses du débat entre Mme Le Pen et M. Macron, je suis surpris de constater que s’agissant de Marine Le Pen — pourtant une femme ! — il n’existe virtuellement aucune limite dans l’injure. Si je ne l’avais pas regardé, je croirais que le débat était entre un Rottweiler et un jeune prince souriant.

Ce débat, je l’ai regardé. La forme ne m'intéresse pas. En revanche, j'ai été supris par l’impréparation de Mme Le Pen. Bien sûr son programme de sortie de l’euro, nationaliste et protectionniste au sens strict s’inspire directement des thèses de ses conseillers économiques d’extrême gauche dans la ligne de Jacques Sapir et, plus haut, J. Stiglitz et P. Krugman. Mais après tout ces critiques de l’euro ont une thèse, partagée du reste par des libéraux qui ont de ces questions une intelligence réelle (je pense à Charles Gave et Henri Lepage). Encore faut-il être capable de la soutenir, ce qui n’était pas son cas.

Pour le reste, le programme économique de Mme Le Pen est socialiste au sens strict : retraite à 60 ans, maintien des 35h, “évitement” de la concurrence entre entreprises même françaises (sic), protection des Français “contre” l’économie, aucune remise en cause de l’hyperinflation législative ni des 57% de PIB en dépense publique annuelle, soit le record mondial et dans l'histoire de France.

Cette doctrine est la doctrine française depuis 40 ans, transcendant les clivages et partis. En ce sens Mme Le Pen est tout autant un produit du “système” que l’est M. Macron — et sans doute l’est-elle, sur le plan idéologique, encore davantage que lui.

La France tombe, tout le monde le "sent" et — plus signifiant — les chiffres (chômage, dette, exode des Français qui s'en vont créer de la richesse à l'étranger) désormais en attestent. Mais ce dont la France souffre d'abord, c'est de l'aveuglement de ses élites intellectuelles.

Il y a toujours eu, sinon en fait, du moins en théorie, une hostilité française à l'égard du libéralisme et du libre-échange. Cette hostilité est liée au positionnement géopololitique historique de la France, plus autonome économiquement que ne l'a jamais été l'Angleterre ouverte aux vents du large.

Mais les précédentes générations d'intellectuels étaient capables de faire la part de l'atavisme et du fait. Ce n'est plus le cas. Triomphent aujourd'hui dans la droite et l'extrême droite intellectuelles les thèses d'un Jean-Claude Michéa, selon lequel c'est du libéralisme — ou du "modèle libéral-libertaire" — que souffre la France. Il n'est pas jusqu'aux éditorialistes les plus en vue de la presse de droite qui ne se définissent comme socialistes, anti-libéraux et décroissants (sic).

On peut être ce que l'on veut, c'est la beauté des idées et des valeurs. Mais si la France ne veut pas "crever" du socialisme en étant persuadée que c'est la liberté qui la tue, il serait temps de retrouver le chemin de quelques vérités élémentaires.

Jamais, dans l'histoire de France, les prélèvement obligatoires n'ont été aussi élevés. Jamais, dans l'histoire de France, l'individu n'a été soumis à un volume de normes, lois et règles ne serait-ce que vaguement comparable à celui qui s'abat sur le Français dès le pas de sa porte — et jusque dans sa chambre. Je dirige actuellement une équipe internationale de chercheurs sur ce sujet, et nos recherches montrent que la France produit désormais davantage de normes chaque année — dans les 50 à 60.000 pages par an — qu'il s'en est produit entre Saint-Louis et 1789 ! Cela sans même tenir compte des 150.000 pages du droit européen. Un grand nombre de ces lois — le principe libéral de l'Etat neutre ayant été sacrifié depuis beau temps — sont désormais morales au sens strict, aussi vrai que la domination, le harcèlement, la violence psychologique, la discrimination, etc. sont moralement insupportables ! Tout se mesure désormais à l'aune du critère de l'inégalité matérielle comme mal en soi, et tout est bon pour y remédier.

La France crève du socialisme. Depuis l'URSS, modèle du socialisme dur, la France constitue l'expérience la plus aboutie de socialisme appliqué.

(*) Auteur et venture capitalist. À paraître : La passion de l'égalité — Essai sur la civilisation socialiste.

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