Ces signaux qui montrent que la fin de l’inflation pourrait bien être déjà en vue <!-- --> | Atlantico.fr
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Quels sont les signes des marchés liés à l'inflation ?
Quels sont les signes des marchés liés à l'inflation ?
©INA FASSBENDER / AFP

Stabilisation

Alors que l'inflation a battu un record en juin, certains indicateurs sur les biens ou services suggèrent que le pic de l'inflation sous-jacente pourrait bien être déjà passé.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : Alors que la BCE durcit sa politique monétaire face à l’inflation, y a-t-il des signes qui nous signalent un début de cette perte du pouvoir d’achat de la monnaie ?

Alexandre Delaigue : L’inflation est une augmentation constante. Lors de ce phénomène, chaque année, le niveau général des prix croît. Or si les choses augmentent et restent à un niveau de seuil élevé, par définition les prix sont plus importants qu’initialement, mais il n’y a plus de hausses des prix. C’est alors que l’on peut se demander si nous ne sommes pas arrivés à un rééquilibrage des prix après les chocs que nous avons connus. Dès lors, que nous avons pris en compte durablement le choc du prix du carburant, il n’y a plus aucune raison à continuer à augmenter les prix. Et pour un certain nombre de prix, nous avons atteint un nouvel équilibre.

Aujourd’hui, nous nous engageons dans cette direction pour certains domaines. Dans celui des transports, les tarifs semblent se stabiliser. En matière de prix du carburant aussi on peut espérer une stabilisation. D’autres facteurs pourraient jouer dans cette stabilisation comme une remise en oeuvre de capacité de production. Il va donc y avoir un ajustement, mais sans diminution. Du côté de l’offre, pour toute une gamme de produits qui ont connu une augmentation, on commence à voir une sorte de stabilisation.

Du côté de la demande, le consommateur s’adapte. S’il n’est pas facile de réduire sa consommation dans un certain nombre de domaines, de nombreuses personnes s’ajustent. Ils font par exemple un peu plus de trajets à vélo et investissent dans un vélo électrique pour aller au travail. Cette série d’ajustement va jouer à la baisse sur cette demande. Si l’on prend la situation des deux côtés, on en est dans un nouvel état qui tend vers une stabilisation.

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Il s’agit d’une hypothèse qui nous permet d’envisager un ralentissement de la hausse des prix. Et c’est quelque chose que l’on observe déjà aux États-Unis ou en Europe où l’augmentation s’arrête. Mais attention car les prix ne reviennent pas à un niveau pré-crise car ce n’est pas la définition de l’arrêt de l’inflation.

Y a-t-il tout de même des secteurs où les prix vont au-delà d’une simple stabilisation ?

Oui il y a des secteurs où cela va au-delà d’une simple stabilisation. Il s’agit de toute une série de domaines dans lesquels il y avait des pénuries dans des productions manufacturés. La distribution s’était arrêtée à cause de la crise sanitaire. Aujourd’hui, la production a repris, mais comme une partie de la population s’est appauvrie à cause de la hausse du prix du pétrole, ils n’augmentent pas leurs achats dans ces domaines.

De ce fait, on a d’un côté une capacité de production qui a pu se remettre en marche et de l’autre plein de produits manufacturés. Les entreprises ont énormément de stocks et ne savent pas quoi en faire. Cette situation est une réalité aux États-Unis et si l’on veut y acheter un écran plat, il y a des promotions partout. À l’heure actuelle, on peut seulement conjecturer car il n’y a pas assez d’informations pour savoir ce qu’il en est.

Les économistes pensaient, il y a un an, que l’inflation qui survenait était un choc et que ce serait temporaire. Petit à petit, l’inflation a continué et elle a duré plus longtemps que prévu. Comme les anticipations ont été différentes on pense que la situation est différente alors qu’en pratique nous allons peut-être avoir une inflation seulement temporaire. Ce serait juste une erreur de timing des prévisionnistes et non de timing.

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Le fait que l’on observe des baisses de produits au coeur de la problématique d’inflation comme le pétrole, le blé, les métaux nous apprend-il quelque chose en particulier ?

Il y a forcément des ajustements. Est-ce un signe avant-coureur que l’inflation va ralentir, ce n’est pas si facile que cela à dire. Le pétrole atteint un seuil d’augmentation, voire est en baisse car la demande baisse. Il y a des décalages entre les ajustements et les hausses. Pour que l’inflation continue, il faut qu’il y ait un phénomène où cela fonctionne en boucle à cause des anticipations. Le mécanisme est le suivant : « il y a une hausse des prix dans de nombreux secteurs, du coup tout le monde augmente les prix et on augmente les salaires ». C’est ce qu’on appelle la boucle prix-salaire. Le choc initial devient une espèce de déclencheur et l’inflation s’auto-entretient, c’est le scénario des années 70. On se demande maintenant si la stratégie des banques centrales vont fonctionner.

Est-ce qu’il y a d’autres signes qui pourraient nous donner des éléments de réponse ?

Ce qu’il faut regarder c’est la situation de l’évolution des salaires. À l’heure actuelle les salaires, même s’ils augmentent en valeur nominale, ils diminuent en terme réel et les hausses de salaire ne compensent pas l’inflation. De ce point de vue-là, nous ne sommes pas dans un système où les prix et les salaires s’entraînent vers un contrôle. C’est la situation du salaire et des coûts qui devient déterminante plus que les déclencheurs initiaux.

Économiquement, une inflation survient lorsque tous les prix montent. Si l’augmentation survient uniquement sur certains prix, c’est parce que nous devenons plus pauvres qu’avant car certains biens sont plus cher. Lorsque l’on devient plus pauvre qu’avant, on s’ajuste, on trouve des substituts et on consomme moins.

Quels sont les signes des marchés ?

Pour l’instant, les marchés tablent sur une inflation qui durera un peu plus longtemps que prévu. Les Banques centrales vont monter les taux d’intérêt, mais les marchés ne nous disent pas que nous allons avoir du 10-15% d’inflation pendant les 10 prochaines années. Ce que les marchés indiquent c’est que nous allons vers une hausse des taux. Les inquiétudes viennent du fait que certains pays pourraient se trouver en difficulté si les taux d’intérêts montent. Notons qu'il n’y a pas d’anticipation d’inflation galopante sur les marchés.

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