Ces menaces insidieuses qui rognent la liberté de penser en France<!-- --> | Atlantico.fr
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Le penseur de Rodin.
Le penseur de Rodin.
©Flickr / dalbera

Vous n'aurez pas ma liberté de penser

Une presse muselée, les déclarations toujours plus acerbes de la gauche des gauches, des syndicats vindicatifs et autre morale du gouvernement : c'est le climat français que semble avoir accepté le citoyen puisqu'il se tait. Radiographie d'une démocratie qui se délite.

Hash H16

Hash H16

H16 tient le blog Hashtable.

Il tient à son anonymat. Tout juste sait-on, qu'à 37 ans, cet informaticien à l'humour acerbe habite en Belgique et travaille pour "une grosse boutique qui produit, gère et manipule beaucoup, beaucoup de documents".

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La France, terre de liberté ? Rassurez-vous : ça n’était plus franchement vrai depuis un moment, et ça va devenir pire dans les mois qui viennent. Le gouvernement, les parlementaires, l’opinion publique elle-même s’emploient à dissoudre consciencieusement cette idée ridicule dans un gros baril de sécurité d’état, d’outrance et d’égalitarisme…

Pour s’en convaincre, il suffit de regarder quelques éléments d’actualité qui s’enchaînent dans une relative indifférence des médias. Il faut dire à leur décharge que le tableau d’ensemble brossé par ces morceaux de bravoure n’est visible qu’en prenant un peu de recul. Chacun, pris séparément, n’est qu’un point de cette couleur brune ou d’un vert-kaki douteux supplémentaire à une toile déjà chargée sur laquelle le nez des médias est constamment scotché au point d’en avoir sur le bout.

Cependant, lorsqu’on s’éloigne un peu, le doute n’est pas permis : la France n’est plus si loin d’une République Soviétique traditionnelle au point que ceux qui y reviennent de temps en temps ne peuvent que constater l’effondrement en cours.

Prenez le cas de Mélenchon. Ce dernier, épuisé (politiquement, physiquement et financièrement) après ses vestes mémorables à la présidentielle et aux législatives de l’année dernière, ne faisait plus guère parler de lui. Progressivement, une fois ses blessures (d’amour-propre) léchées et refermées, le voilà qui montre à nouveau le bout de son gros nez et qui profite de l’amateurisme consternant d’un gouvernement de clowns et de branleurs pour venir poser sa petite crotte dans des médias toujours aussi complaisants. Il profite de la proposition de loi ahurissante d’amnistie (déjà discutée dans un précédent billet) pour se poser, une fois de plus, en défenseur de la veuve, de l’orphelin et du syndicaliste injustement pourchassé en France, comme chacun le sait.

Pour rappel, cette proposition consiste à amnistier les faits commis à l’occasion de mouvements sociaux et d’activités syndicales et revendicatives jusqu’au 6 mai dernier, autrement dit à passer l’éponge sur toutes les destructions d’outil de travail, les séquestrations de patron, les tabassages syndicaux, les intimidations et autres faits parfois mafieux qui caractérisent assez bien la vie syndicale dans ce pays. Évidemment, un tel projet ne peut qu’enchanter toute l’extrême-gauche (qui rêve encore, de nos jours, à de grands soirs et des petits matins qui chantent), les écolos (la version bio des précédents) et même une bonne partie de la gauche dite parlementaire (la version molle et pateline des précédents). D’ailleurs, mercredi, le Sénat devra voter pour (ou contre) cette proposition d’amnistie.

Et là, Mélenchon attend les sénateurs au tournant. Ça va charcler :

« On va voir quel est le degré d’indépendance des parlementaires socialistes et d’Europe Ecologie-Les Verts. Ceux qui ne voteront pas avec nous, on ne les lâchera pas. On les pourchassera jusque dans le dernier village de France. »

Poutine aurait ajouté « jusque dans leurs chiottes », mais on comprend l’idée générale : ceux qui auront la désagréable idée pas républicaine d’être en désaccord avec cette loi d’amnistie rencontreront Boris et Igor, les copains lituaniens de Mélenchon, qui leur péteront un genou ou deux et l’affaire sera réglée, à l’amiable comme il se doit en démocratie. Eh oui : la liberté d’opinion passe aussi par ce genre d’arrangements.

On pourrait croire que j’exagère, mais cette façon de penser, ces expressions, ces menaces même pas voilées contre ceux qui ne pensent pas, ne votent pas comme il faut, c’est la suite logique de la déliquescence démocratique qui s’est emparée de la France depuis déjà un bon moment et dont la presse, le nez collé à la micro-actualité quotidienne, n’a absolument rien à faire.

Prenez Aurélie Filippetti. Si, avec Jean-Luc l’aigri, on avait droit aux remugles du trotskisme assumé et des méthodes d’intimidations habituelles des phalanges communistes, bref, du muscle et du poing bien concret, avec la ministre de la Culture, on retombe dans l’oppression administrative feutrée, la clef de bras discrète par l’utilisation habile de tous les moyens qu’offrent la fiscalité et l’opinion publique.

Et là encore, c’est d’autant plus facile qu’à force de tordre le sens des mots, les citoyens eux-mêmes se rangent aux analyses foireuses des politiciens. Les contribuables ne fuient plus l’enfer fiscal français, ils fraudent la solidarité nationale pour se réfugier dans des paradis fiscaux. Dernier en date : l’animateur Arthur qui, malgré ses nombreux amis et ses propres penchants de gauche sociale, solidaire et bisou compatibles, a dû juger dans un moment d’égarement que se faire ramoner l’intégralité du colon par les services fiscaux pour financer les soirées petits-fours d’Aurélie, ça commençait à bien faire.

La ministre a donc, très calmement, expliqué qu’il y aura rétorsion : puisque le contribuable ne veut pas cracher au bassinet, pas question que les chaînes publiques emploient à nouveau ses services. D’un certain point de vue, c’est de bonne guerre : on pourra objecter qu’il n’y a aucune raison que le service public (qui vit des deniers de l’État, donc de tous) accepte de reverser une partie de son argent à quelqu’un qui fait tout pour échapper aux impôts punitifs du pays. Mais ce serait aussi aller un peu vite en besogne et oublier que l’animateur ne fait rien d’illégal en l’occurrence.

De ce point de vue, on pourrait considérer que la loi est trop permissive, ce qui tend à montrer, une fois encore, que la Prison Fiscale France va se renforcer. Youpi. Ou on peut estimer qu’il s’agit d’une pure obligation morale (cette morale dont les socialauds se gargarisent et se barbouillent les babines à longueur de temps), celle de participer à la faillite fiscale française, y compris jusqu’à en déposer le bilan le cas échéant. Dans ce cas, pourquoi l’assortir de menaces ? Aurélie, si ton combat est moral, juste, grand, il n’y aura pas besoin de faire plier par la force l’animateur : son public lui fera très bien sentir qu’il a dépassé les bornes. Et si tu en viens à utiliser ce genre de procédés, Aurélie, c’est précisément parce que tu sais que ce combat n’est qu’un énième avatar de ce besoin inextinguible de pognon par l’État, qu’il n’est pas moral, mais motivé par la cupidité.

Et à ces bons procédés d’une gauche totalitaire qui n’hésitera pas à fermer le poing, à cette autre gauche de fer dans un gant de velours administratif létal, il faudra ajouter la gauche gluante du sécuritaire, de la République du Bisounoursland qui ne s’est jamais autant acharnée à distribuer du câlin, du réconfort et des édredons moelleux pour atténuer les angles saillants de la vie. Prenant toujours prétexte des méchants pédophiles, des vilains nazis et des abominables racistes qui hantent les interwebs par paquet de douze comme la mauvaise bière qu’ils boivent, on apprend, atterré mais pas surpris, que le gouvernement prépare encore une réforme de loi de 1881 sur la liberté de la presse, afin de mettre en coupe réglée cet espace de libre expression qu’internet était encore à peu près.

Bien que la plupart des Français soient maintenant majoritairement convaincus que les médias traditionnels sont biaisés et tous dans le même sens (à gauche, donc), Internet constitue pour eux le seul média garantissant la liberté d’expression. Heureusement, l’intervention musclée des politiciens, à force d’ajouter des lois sur des dispositions, des circulaires, des commissions et des Hautes autorités (HADOPI en premier), va permettre de revenir bien vite sur cette situation d’autant plus scandaleuse qu’elle échappait jusqu’à présent pas mal au contrôle de ces petits saprophytes.

Encore une fois, chacun de ces éléments, aussi ridicules qu’agaçants, ne constitue pas en soi une preuve irréfutable que ce pays est foutu. L’avalanche de ces éléments, en revanche, pris dans leur funeste ensemble, ne laisse aucun doute : chaque jour qui passe, une petite liberté est gommée, un coup de canif est fiché au contrat républicain et démocratique. Chaque jour qui passe, les collectivistes font assaut d’imagination pour tordre le sens des mots et prétendre travailler pour notre bien à tous, et, sans que le citoyen ne s’en rende vraiment compte, chaque jour qui passe, un nouveau clou est planté dans le cercueil confortable et capitonné qu’ils nous ont réservé.

Et un cercueil, aussi confortable et capitonné soit-il, finit toujours par être enterré

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