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Ces larmes de crocodile versées à gauche sur la montée du FN
©BERTRAND GUAY / POOL / AFP

Déjà-vu

Le premier tour de l'élection présidentielle approche, et le Président François Hollande a décidé non pas de soutenir Benoit Hamon, mais de combattre à nouveau le FN. Et alors que la gauche se divise, ce genre de cri d'orffraie à un goût de déjà-vu.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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François Hollande est très inquiet. Il a même saisi l’occasion d’un entretien avec plusieurs grands journaux européens pour le faire savoir. Fort légitimement, un lecteur peu averti aurait pu croire que notre président s’angoisse, chaque soir, quand il s’endort, en raison de l’état de délabrement économique et social dans lequel il laisse le pays. Pas exactement : ce qui l’alarme, c’est la menace que constitue le Front national. Il en a même fait même son "ultime devoir" avant de quitter l’Elysée !

Soyons clairs : s’il était appliqué, le programme de Marine Le Pen serait un désastre, un saut dans l’inconnu dans lequel nous nous précipiterions lestés de tous les pires instruments étatistes, sans le parachute parfois peut-être inconfortable mais bien utile de l’euro. François Hollande a donc raison de s’en inquiéter. Mais pourquoi cette prise de conscience soudaine (à 50 jours de l’élection présidentielle) ?

Cette mobilisation est d’autant plus troublante qu’elle intervient fort opportunément au moment même où Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du parti socialiste, se sent également profondément concerné par cette problématique. A tel point qu’il a ordonné à François Fillon de répondre à une question qui ne pose pas ailleurs que dans son esprit déterminé à créer des polémiques, lui intimant de dire s’il appellerait ou non à faire battre Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle s’il n’y était pas.

Comment ne pas voir derrière ces postures un jeu de tartuffes ?

Car après tout, qui est responsable de la montée du Front National ?  De son succès aux élections régionales de 2015, municipales ou européennes de 2014 ? Au pouvoir pendant tout ce quinquennat, la gauche n’est pas seule fautive ; mais elle devrait prendre le temps de s’observer avec un peu plus d’attention : elle n’est pas pour rien dans la montée de la colère sociale dans le pays. Depuis cinq ans, elle a laissé le chômage croître comme jamais et la réalité, comme la crainte, de la misère et du déclassement prospérer. Elle a été incapable d’apporter une réponse aux angoisses, parfois irrationnelles, que suscite l’immigration ; pire, François Hollande a montré son incapacité à gérer politiquement le sujet, s’inclinant dans une humiliation complète face à Leonarda. Elu en 2012 sur la promesse de réaliser un "rêve français", le président quitte le pouvoir sur un désastre cauchemardesque. Plus encore, l’inaptitude du gouvernement à moderniser l’action publique a accru dans l’opinion publique le sentiment que l’Etat était impuissant et incapable de les protéger. Les fonctionnaires eux-mêmes sont désemparés et se précipitent dans les bras de FN !

Si l’on sait qui est le complice, à qui profite le crime ?

Aux candidats de gauche évidemment : Benoît Hamon comme Emmanuel Macron. Pour ce dernier, le pari est simple : plus le FN monte, plus il espère que Marine Le Pen prendra des voix à des électeurs de droite malheureusement tentés d’exprimer ainsi leur colère. Mieux encore : plus on parle de la menace de la victoire du FN (réelle au demeurant), plus il peut prétendre incarner le sauveur (christique) de la République et rassembler derrière lui un maximum d’électeurs de gauche, qui se précipiteront dans un réflexe de "vote utile". Ce n’est pas un hasard si, ces derniers jours, le discours d’un soutien comme Bertrand Delanoë a été de prétendre que voter Macron, c’est la meilleure chance d’empêcher Marine Le Pen d’accéder au pouvoir. Outre que cela pourrait se débattre, ce n’est pas vrai : François Fillon aussi, par exemple, est donné gagnant face à la candidate FN au second tour.

Cette posture tactique n’est pas saine, car elle prive les Français d’un vrai débat politique. En se posant comme le seul et dernier rempart qui protègerait la Démocratie, la Gauche interdit le débat d’idées. Son objectif est qu’ainsi on ne confronte pas son bilan et les programmes de ses candidats à ceux de la Droite. Son but est que tous les électeurs attachés à la Démocratie se sentent obligés de voter à gauche, quelles que soient leurs opinions réelles, pour empêcher le succès de Marine Le Pen.

La gauche fait mine de pleurnicher face à la montée du FN, elle n’a rien fait pour la ralentir : ni réformes structurelles, ni discours politique cohérent. En réalité, elle rit sous cap et régulièrement, elle s’offre un petit plaisir provocateur : en excitant les pieds-noirs, en agitant les sujets migratoires, en attaquant Marine Le Pen pour remobiliser son électorat, etc.

La gauche ne cesse d’agiter le chiffon rouge du FN. Elle n’a pas créé la menace, mais elle l’alimente sciemment. Depuis 30 ans au moins, le même scénario bien huilé se répète à chaque élection. En 2017, le même stratagème est sur le point de faire une nouvelle fois son effet, permettant au candidat d’En Marche de consolider les derniers points qui lui assureront définitivement la victoire. Et à la prochaine élection, la Gauche remettra le couvert, appliquant le vieil adage qui veut que "les ennemis de mes ennemis sont mes amis".

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