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Ce que le projet de loi Dussopt sur la fonction publique indique des renoncements d’Emmanuel Macron
©SYLVAIN THOMAS / AFP

Gouvernement

Le gouvernement profond peut dormir sur ses deux oreilles. La présentation du projet de loi sur la fonction publique, par Olivier Dussopt, cette semaine, marque la fin de toute volonté de s’attaquer à ses prérogatives et à son fonctionnement. Les dépenses publiques ne sont pas près de diminuer! Sauf à ce que le pouvoir exécutif opte finalement pour un encadrement drastiques des aides sociales, comme l’a suggéré Édouard Philippe lors d’un débat en province.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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On le sait, il existe en France une technostructure qui forme un gouvernement profond. Celui-ci a la faculté d’agir la place du gouvernement élu, dans la mesure où il détient les clés de la machine administrative et réglementaire. Après avoir songé à en réformer les règles, Emmanuel Macron a finalement renoncé à s’attaquer à lui. 

Un projet de loi Dussopt qui en dit long sur les renoncements de la macronie

Comme nous l’indiquions dans nos éditions précédentes, Emmanuel Macron négocie actuellement un puissant virage dépensier. Sous la férule de Philippe Grangeon, qui a pris les rênes de sa communication, il s’entoure progressivement de sociaux-démocrates qui devraient donner un tour plus hollandiste à son quinquennat. Les promesses qu’il avait réservées pour 2019 de diminution des dépenses publiques (3 points de PIB selon le programme de Macron) en font les frais.

Ainsi, alors que Macron avait annoncé durant sa campagne qu’il supprimerait 120.000 emplois publics, il ne fait plus aucune mention de ce sujet désormais. Cette idée est totalement absente du projet de loi sur la fonction publique présenté par le ministre ad hoc, le timide Olivier Dussopt (ex-PS). 

Des mesures modestes pour réformer la fonction publique

Alors que, le 1er février 2018, le gouvernement avait annoncé un « big-bang » du statut, la montagne a, un an plus tard, accouché d’une souris. Les mesures présentées par Dussopt sont d’un rasoir techniciste qui souligne l’absence de vision sur le sujet. 

Par exemple, les changements d’échelon ne seront plus soumis, sauf sur appel, aux commissions paritaires où siègent les organisations syndicales. Mais ces commissions ont depuis longtemps un rôle purement formel de validation de décisions prises automatiquement (puisqu’elles suivent des grilles d’ancienneté très contraignantes) et sans véritable marge de manoeuvre. 

On ne dira pas mieux de la rémunération au mérite, annoncée en moyenne tous les 5 ans et dont les syndicats obtiennent la peau dans les six mois qui suivent. Quant aux recrutements de contractuels… ils sont aussi vieux que le statut et débouchent cinq ans plus tard sur des grands plans de titularisation au nom de la lutte contre la précarité. 

Tout ceci est parfaitement connu, parfaitement ancien, et ne répond absolument pas au défi de la modernisation de la fonction publique dont la France a besoin. 

Balayer l’escalier par le haut ou par le bas? 

Au demeurant, toutes ces mesures visent essentiellement les petites catégories et épargnent soigneusement le noeud du problème: la haute fonction publique. D’ailleurs, sur ce point, Emmanuel Macron semble avoir définitivement enterré toutes ses ambitions. Alors que l’énarchie est au coeur des critiques adressées par les Français, le gouvernement s’offre le luxe de l’épargner et de n’avoir aucune idée sur sa modernisation ou sur sa réforme. D’où le sentiment qu’Olivier Dussopt prône une démarche où le balayage de l’escalier commence timidement par le bas et n’envisage pas de gravir les marches dans un futur proche. 

Autant dire que la démarche est à peu près mort née. 

Tir de barrage des syndicats

Sans surprise, les organisations syndicales de la fonction publique (qui occupent des fonctions dominantes dans les confédérations, sauf peut-être à la CGC) ont vertement protesté contre ce plan pourtant modeste. 

Après avoir participé aux discussions lancées depuis un an, sans rupture mais non sans heurts, sept organisations sur neuf ont quitté prématurément, mercredi, la réunion lors de laquelle le texte était présenté.

Pourtant le projet de loi a soigneusement évité les mesures de dégagement des cadres évoquées l’an dernier. On mesure tout de suite l’immobilisme dans lequel le gouvernement va sombrer pour éviter d’ouvrir un nouveau front social. On attend de voir si la promesse d’imposer 1.607 heures de travail effectif annuel à tous les fonctionnaires sera tenue (ce qui est bien le moins au regard de ce qui existe dans le secteur privé).

Taper sur les pauvres plutôt que sur les fonctionnaires?

En France, il existe presqu’autant de pauvres que de fonctionnaires. D’où l’idée qu’Édouard Philippe a commencé à glisser, selon laquelle on pourrait inventer des contre-parties aux aides sociales. Cette idée est vieille comme le monde et plaît à la droite de l’opinion. 

Nous réitérons ici notre pronostic d’un départ d’Édouard Philippe en mars. C’est pour cette raison qu’il soigne sa droite: il a besoin de retrouver un électorat à sa sortie de Matignon pour assurer son avenir. 

Mais sa « sortie » sur les pauvres correspond aussi à une autre logique. Dès lors que, par crainte du gouvernement profond et de son pouvoir de nuisance, on ne touche plus à la fonction publique (en tout cas dès lors qu’on y évite un big bang), une solution pour moins dépenser consiste à diminuer les aides sociales. On attend avec impatience de voir la réaction de l’opinion à cette alternative commode. 

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