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Ce que la France a à craindre du retour d'Abou Bakr al-Baghdadi, le "Calife" de l'Etat Islamique
©Thomas SAMSON / AFP

Daech

Une attaque au couteau dans la vile de Trappes a fait deux morts ce jeudi 23 juin. Elle a été revendiquée par l'Etat islamique.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Atlantico : Selon vous à quel point le message diffusé par Baghdadi appelant à continuer le djihad peut-être annonciateur d'une reprise des attentats sur le territoire national ? 

Alexandre Del Valle : Il peut y avoir une reprise des attentats tout simplement car il y a conjonction de deux facteurs. D'abord car il y a une cinquantaine de personnes qui ont été relâchées dans la nature ces derniers temps et qui sont formées au combat. Ensuite il y a l'effet Werter du fameux ouvrage de Goethe, repris par les psychologues pour montrer que quand il y a un acte suicidaire ou total qui bénéficie d'une large couverture médiatique, cela créé un effet d'imitation ou même une identification de manière conscience ou inconsciente.  Lorsqu'il y a un message d'Abou Bakr al-Baghdadi qui appelle à continuer le djihad, à ne pas faiblir malgré le recul en Syrie ou en Irak, c'est un encouragement hiérarchique avec un chef du califat (qu'on lui reconnaisse son titre ou pas) qui donne la légitimation religieuse et la légitimation de l'acte. Sur ce point là on peut parler de l'effet Milgram. On sait que des gens peuvent commettre des choses atroces du moment qu'ils ont un aval hiérarchique qui les déresponsabilise et le légalise. On a tous les ingrédients donc pour qu'il y ait plus de violences dans les prochains temps. Un appel hiérarchique qui légitimise et l'effet d'imitation provoqué par la médiatisation de chaque attentat. 

Ce qui compte pour l'Etat islamique c'est le rendement. Qu'importe si un attentat n'a pas été fructueux, l'objectif est qu'on en parle, que les médias en parlent et que cela donne des idées à d'autres et de susciter des vocations.  Et cela marche, il suffit de regarder l'augmentation des attaques au couteau. 

Comment vraiment interpréter la revendication de l'attaque au couteau qui s'est produite ce 23 août à Trappes par l'agence Aamaq considérant la perte de crédibilité médiatique de l'agence de propagande, notamment depuis la mort de son fondateur Rayan Mishaal il y a plus d'un an ? 

Cela revient à corroborer ce que j'ai dit plus tôt. Une structure terroriste qui est en perte de vitesse sur le terrain mais qui a encore beaucoup de sympathisants à travers le monde a tout intérêt à revendiquer des attaques qu'elle n'a pas forcément fomenté car cela va permettre de faire parler d'elle. Le simple fait que nous nous posions la question "Est-ce que l'Etat islamique a vraiment orchestré cette attaque?" suffit à répondre aux objectifs de Daech. Une fausse revendication ne serait pas une première il suffit de citer le cas de casino de Manille ou même plusieurs actes aux Etats-Unis qui n'avaient rien à voir avec le djihadisme et qui ont été revendiqués par l'Etat islamique. Le fait même que l'on en parle, déjà, c'est de la publicité.

Ce que n'ont pas compris beaucoup d'analystes c'est que l'objectif de l'EI n'est pas un territoire précis qu'ils veulent récupérer ou d'exiger la libération de prisonniers. Eux ont vocation à faire du terrorisme idéologique. Le seul but du terrorisme islamiste n'est pas de tuer des gens pour tuer, susciter l'indignation afin que l'on en parle et que l'idée de la soumission à l'islam progresse.  Ils ne font parler d'eux par la violence que pour que plus de personnes aient le mot "sharia" en tête. C'est le même principe que la publicité, marteler un message jusqu'à l'ancrer dans les esprits. On peut faire là un parallèle avec les travaux de Bourdieu avec l'habitus et l'intériorisation. 

Pourtant, même si l'assaillant avait "plus le profil d'un déséquilibré que d'un terroriste" selon Gérard Collomb, on sait bien que les deux ne sont pas incompatibles?

La tendance en Europe de l'Ouest est d'écarter au plus vite la qualification d'acte de terrorisme islamiste pour ne pas stigmatiser. Pour essayer une sorte de pax islamica dans les quartiers difficiles. Mais Gérard Collomb s'est un peu trahi. Cet homme ne sort pas d'un hôpital psychiatrique, ce n'est pas un fou furieux, il a déjà eu des problèmes avec la justice en 2016 où il a été condamné pour apologie d'acte de terrorisme, son employeur l'avait licencié. 

Mais certes cet homme n'était pas un grand pratiquant, un homme "pieux" mais ce ne sera pas le premier à afficher un profil atypique, il suffit de se rappeler du profil du terroriste de Nice. Il n'empêche que cet homme avait des idées djihadistes. Ce qui compte c'est l'adhésion à un projet totalitaire et visiblement c'était le cas.

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