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CDS : pire que la dette, le produit financier qui pourrait provoquer la faillite des banques françaises...
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Crise grecque, etc.

François Fillon a taxé "d'irresponsables" mardi les propos de DSK qui avait assuré au 20h de TF1, qu'il fallait "prendre sa perte" de la dette grecque. Et si la restructuration de cette dette déclenchait un risque majeur "caché" pour les banques françaises ?

Philippe Herlin

Philippe Herlin

Philippe Herlin est chercheur en finance, chargé de cours au CNAM.

Il est l'auteur de L'or, un placement d'avenir (Eyrolles, 2012), de Repenser l'économie (Eyrolles, 2012) et de France, la faillite ? : Après la perte du AAA (Eyrolles 2012) et de La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? chez Atlantico Editions.

Il tient le site www.philippeherlin.com

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Une lourde interrogation pèse sur le système bancaire européen, et plus spécialement français. Comment en effet comprendre l’obstination des autorités françaises à refuser toute restructuration de la dette publique grecque ? Le ministre allemand de l’Économie, Philipp Rösler, l’évoque ouvertement, son collègue des finances, Wolfgang Schäuble, de façon plus elliptique, mais François Fillon et François Baroin ne veulent pas en entendre parler. Dominique Strauss-Kahn la considère comme inéluctable (il faut « prendre ses pertes ») lors de son passage au 20h de TF1, le Premier ministre juge ces propos « irresponsables ». Pourquoi cette polarisation ?

L’engagement total des banques françaises s’élève à une quarantaine ou une cinquantaine de milliards d’euros, suivant les estimations. Donc si la Grèce restructurait sa dette à hauteur de 50%, la perte de 20 ou 30 milliards serait absorbable par les banques, à tout le moins avec une aide de l’État, qui au passage lui coûterait moins cher que les multiples plans d’aide à ce pays à la dérive.

La bombe des CDS, produits dérivés dangereux

Mais un élément de l’équation reste dans l’ombre : le montant des CDS, et surtout qui les a vendus. Un CDS (Credit Default Swap) est un produit dérivé qui permet de se protéger contre un risque de crédit, d’une grande entreprise ou d’un État. Si vous possédez des emprunts grecs, vous pouvez acheter des CDS auprès d’une banque qui propose ce produit. Vous lui versez à échéances régulières une prime (d’autant plus élevée que le risque de défaut est grand), et si la Grèce fait effectivement défaut sur tout ou partie de sa dette, la banque compense la perte.

Vu comme cela, ça à l’air rassurant, mais il y a deux éléments qui rendent ce produit extrêmement dangereux :

  • Vous pouvez acheter des CDS sur la Grèce… même si vous ne possédez pas d’emprunts grecs ! Simplement pour jouer, pour spéculer, et toucher le jackpot en cas de faillite du pays. C’est comme si vous pouviez acheter une assurance incendie sur la maison de votre voisin…
  • Ce produit n’est pas négocié sur un marché organisé et surveillé par les régulateurs, comme la bourse, mais « de gré à gré » c'est-à-dire dans une opacité totale. Et en plus il ne figure pas au bilan des banques, mais dans le « hors bilan », c'est-à-dire que les banques ne communiquent pas dessus et ne publient aucun chiffre.

Ce produit diabolique a été inventé dans les années 1990 par Blythe Masters de la banque JP Morgan (on lira sa très intéressante biographie écrite par Pierre Jovanovic), et connaît un succès foudroyant avec des volumes mondiaux qui dépassent les 50 000 milliards de dollars ! (pour vous donner un ordre d'idée, la dette publique des USA est de 14 500 milliards de dollars).

Si une société vend trop de CDS sans avoir les fonds propres suffisants, elle se met en danger de mort : c’est ainsi que l'importante société d'assurance AIG a fait faillite en septembre 2008, et a du être renflouée de 100 milliards de dollars par Washington, après avoir vendu quantité de CDS sur Lehman Brothers, convaincue que l’une des principales banques d’affaires américaines ne pouvait pas faire faillite…

Les banques françaises touchées par la crise grecque via les CDS ?

Revenons à la France : déjà lors de la négociation du plan d’aide à la Grèce signé le 21 juillet, il fallait éviter tout « événement de crédit » (restructuration de la dette) susceptible de déclencher les CDS. Depuis la situation de la zone euro a encore empiré. Alors soyons clairs : oui ou non les banques françaises ont-elles vendue des CDS sur la Grèce au point qu’un défaut total ou partiel de ce pays les mettrait en situation de faillite ? Voilà qui expliquerait l’obstination du gouvernement ! Le fait que la BNP, la Société Générale, le Crédit Agricole soient autant massacrés en bourse signifie-t-il que les investisseurs savent ou se doutent que c’est le cas ?

Il devient urgent de faire la lumière sur les engagements en CDS des banques françaises et européennes, et de rendre public cette information. Sinon les rumeurs continueront leur travail se sape, jusqu’à une faillite qui prendra tout le monde de court.

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