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Le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, et le ministre adjoint des petites et moyennes entreprises, Alain Griset, assistent à une vidéoconférence avec des représentants de détaillants et de commerçants.
Le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, et le ministre adjoint des petites et moyennes entreprises, Alain Griset, assistent à une vidéoconférence avec des représentants de détaillants et de commerçants.
©ERIC PIERMONT / AFP

Atlantico Business

Le déconfinement ouvre la porte à la reprise économique. Tant mieux. Si les facteurs de rechute dans une 4e vague sont évités grâce à la vaccination et la défaite du virus, tant mieux. Mais ce qu’on n’évitera pas, c’est de retrouver nos bons et vieux problèmes...

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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En plein déconfinement, en plein début de redressement qui annonce une sorte d’hystérie estivale et compensatrice de toutes les frustrations accumulées, parler maintenant des vieux problèmes qui vont refaire surface parce qu’ils n’ont pas été résolus va paraître incongru, politiquement incorrect et pourtant, on n’y échappera pas.

A peine digérée cette perspective du déconfinement, les Français ouvrent les yeux après ce coma artificiel et s’apprêtent à vivre une reprise économique qui devrait normalement être très forte. Les historiens de l’économie n’ont jamais été très inquiets sur l’ampleur du rebond possible. Les causes de la crise étaient complètement exogènes à la France. Si les causes disparaissent, la crise disparaitra aussi et on va même bénéficier d’un effet de rattrapage. Les actifs de production n’ont pas été détruits; les contrats de travail ont été préservés et les besoins sont énormes, avec des moyens financiers en épargne ou en pouvoir de dépenser gigantesques. Théoriquement, on pourrait retrouver une sorte d’optimisme presque historique, comme au lendemain de la Première guerre mondiale avec les années folles ou après la Seconde guerre mondiale en 1944, avec le début des Trente glorieuses. Le revers de la médaille, c’est qu’on va aussi retrouver nos chers, bons et vieux problèmes qu’on a complètement niés en les mettant sous les tapis du Covid et en espérant les embarquer à la décharge. C’était chouette, finalement, de jouer les autruches. Eh bien, qu’on le veuille ou non, ces chers vieux problèmes n’ont pas disparu.

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On va passer sur toutes les difficultés liées à la sécurité, au terrorisme et à l’islamo gauchisme. Elles sont connues et rabâchées par la classe politique et médiatique, parce qu’en se réveillant du coma Covid, les Français se retrouvent confrontés à toute cette violence issue des quartiers défavorisés, une violence exacerbée par les confinements qui sont loin d’avoir été confortables pour beaucoup.

Mais il y a d’autres problèmes liés aux structures économiques et sociales qui vont resurgir. L’Etat a soutenu les acteurs de l’économie pendant cette année 2020 et un peu après, l’Etat va maintenant accrocher des plans de relance structurels pour accompagner les mutations digitales, industrielles ou environnementales et c’est à ce moment-là qu’on va s’apercevoir que la France est piégée par ses erreurs et ses lourdeurs, additionnées depuis les années 1980. Pour y voir clair, nous sommes confrontés à quatre séries de problèmes qu’on avait enterrés et qui vont s’imposer :

1ère source de problèmes : le poids des dépenses publiques de fonctionnement et les dépenses sociales qui représentent près de 60 % du PIB. Si ces dépenses étaient efficaces et produisaient un service public satisfaisant, on pourrait se dire que la France géniale a inventé, dans cet univers dominé par le capitalisme international et l'économie de marché, un modèle nouveau de fonctionnement fondé sur l’action publique et sociale, ce serait acceptable. Mais le résultat est lamentable. La pandémie a d’ailleurs marqué au fer rouge nos difficultés. Le système de santé le plus cher du monde, l’Education nationale la plus arrogante du monde, notre justice, notre police, nos équipements sociaux, l’ensemble de la sphère publique n’a pas été capable de répondre aux besoins. On va se rendre compte que c’est le secteur privé qui nous a sauvés de la catastrophe. L’enseignement privé a parfaitement fonctionné, l’hôpital privé aussi, les masques ont été achetés par le privé qui savait, lui, que c’était utile et où on pouvait les trouver. Les tests, idem. Comme pour les vaccins, le public a fait naufrage et c’est le secteur privé qui nous a trouvé et approvisionnés avec des vaccins mis au point en un temps record. Passons sur la flexibilité du digital, l'expertise des entreprises privées, le e-commerce et même Amazon qui a permis à des milliers d’entreprises françaises de s’offrir une vitrine et une marketplace sans laquelle beaucoup auraient sombré.

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Quant à l’explosion de la livraison des biens essentiels ou pas, elle a profité à des entreprises privées qui ont su répondre à la demande. Et comme par hasard, ce sont des entreprises privées étrangères qui ont pris le gros du marché : Deliveroo et Uber. Corsetées dans des systèmes de normes et de contraintes administratives, les Françaises qui se sont lancé dans la bagarre sont peu nombreuses à en être sorties vivantes, mais celles-là ont bien du mérite.

Du mérite, parce que quand dans un pays, on dépasse les 60% de PIB en dépenses publiques et sociales, ça veut dire que l’acteur économique de base a plus intérêt à consacrer son énergie à chercher des subventions plutôt qu’à créer de la valeur pour la réaliser sur un marché. En termes crus, l’homo economicus a plus intérêt à devenir fonctionnaire ou agent de l’Etat que chef d’entreprise capitaliste.

Alors au cœur de la crise, il fallait survivre. Une fois la crise passée, on reviendra aux vieilles habitudes. Un pays qui accepte et revendique que 60 % de son PIB soient des dépenses publiques de fonctionnement est techniquement un pays foutu.

2e source de problème, c’est évidemment lié au poids de l’Etat qui se nourrit des dépenses publiques et sociales. Quand l’Etat se met à faire tout et n’importe quoi, que ces décisions partent de Paris sans un radar qui lui donnerait des signaux des marchés locaux, quand cet Etat dépasse ses fonctions régaliennes, il aura du mal à poursuivre son expertise et atteindre les objectifs pour lesquels il existe. C’est ce qui ne passe actuellement en France : l’Etat se mêle de tout alors que ses fonctions régaliennes ne sont pas ou très mal remplies. Plus grave, ce déséquilibre décourage l’investissement privé et créateur de richesses et d’emplois, qui va continuer de partir à l’étranger vivre dans des écosystèmes plus accueillants au niveau fiscal et règlementaire.

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3e source de problème, on va donc s’apercevoir au lendemain du déconfinement qu’il existe un tas d’entreprises zombies, c’est à dire d’entreprises qui n’ont pas trop d’utilité autre qu’à maintenir artificiellement des revenus correspondant à des emplois artificiels. Les grandes entreprises publiques archaïques et désuètes qui étaient incapables avant la crise d’assumer la concurrence et de satisfaire leur marché, vont continuer d’en être incapables après la crise. Il va donc falloir continuer à les aider. Dans les transports, SNCF, Air France... Dans l’énergie où EDF va avoir besoin de se recentrer sur le nucléaire en disant pour calmer les écolos que sa priorité sera l’énergie verte. Perfusions financières et hypocrisie dans l’expression de la stratégie sont les deux axes du discours officiel sur l’avenir des grandes entreprises de l’économie française.

4e source de problème, les faiblesses structurelles de l’Europe. Certains ont cru bon d’expliquer que l’Europe n’avait pas fait son travail que par conséquent, elle avait perturbé le travail des Etats membres. La réalité du diagnostic est inverse. L’Europe a raté son chemin faute de pouvoir, d’imagination et de réalisation.

Il n'y a pas trop d’Europe, au contraire, il n’y en a pas assez. Pas assez dans la santé, l’éducation, les transports etc...

L’Europe est comme une chaine de solidarité, la résilience de cette chaine dépend finalement de la résistance de son maillon faible. La pandémie a montré une chose qu’on savait déjà, c’est que l’Europe a finalement deux maillons faibles : l’Italie et la France. Ce sont deux grands pays où la force de l’Etat est sanctuarise pour un résultat qui n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Deux grands pays où le poids des dépenses publiques et sociales est surdimensionné, mais où les États ont dû s’endetter pour donner l’impression au peuple qu‘ils avaient les moyens de leur train de vie.

Cette supercherie va éclater au grand jour avant la fin de l’année. Mario Draghi a compris cela, il lui faut réformer sa maison pour pouvoir défendre ses droits à Bruxelles et faire en sorte que les factures soient payées.

La France est un peu dans la même situation, avec des structures un peu plus solides mais ancestrales. Il lui faut se reformer pour pouvoir tenir son rang. Emmanuel Macron sait tout cela évidemment. N’avait-il pas été élu sur cette ambition ? Mais aujourd’hui, après les gilets jaunes et cette pandémie qui a projeté une lumière assez crue sur nos réalités, il ne pourra guère rouvrir de grands chantiers. Ce que les créanciers internationaux demandent, mais ce que l’opinion publique a peu de chance de réclamer. Tout cela a quelques mois de l’élection présidentielle !

Tous ces problèmes existaient avant. Il faudra donc les régler après, c’est à dire demain. Ils sont vieux, ils sont chers (très chers). Ça va être très chouette, les débats !

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