Bunkerisé : François Hollande a-t-il encore des interlocuteurs capables de le maintenir en lien avec la réalité ?<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande ne confie à personne ses pensées profondes.
François Hollande ne confie à personne ses pensées profondes.
©Reuters

Et à part les écoutes ?

Depuis quelques temps, François Hollande semble totalement déconnecté de la réalité. Son entourage a-t-il encore les moyens de faire en sorte qu'il ait de nouveau les pieds sur terre ?

Atlantico : François Hollande apparaît comme totalement déconnecté de la réalité. A quoi cela est-il dû ?

André Bercoff :François Hollande n’est pas déconnecté de la réalité, il est dans l’incapacité de la formuler. C’est-à-dire qu’il a cru longtemps, et croit encore, que sa bonne étoile le protège du réel, un réel qu’il connait. Il n’est pas du tout inconscient ni aveugle, mais dans le déni. Il ne veut pas nommer la réalité car il ne veut pas déplaire. C’est évident que son impopularité découle de ça. Comme tout président, il avait l’état de grâce au début de son mandat. Sauf qu’il y a 30 ans, Mitterrand pouvait avoir entre un an et demi et deux ans d’état de grâce et aujourd’hui, pour Hollande, ça s'est réduit à quelques semaines. Il ne voulait pas changer de registre tout de suite et il le paye assez cher. Il estime cependant qu’il a encore le temps constitutionnel. Un de ses conseillers a dit "de toute façon, il va enjamber le scrutin et poursuivre" mais il ne faudrait pas que ce scrutin l’enjambe, lui. Il est protégé par la Constitution jusqu’en 2017. Mais le fossé est là et s’accentue.

Claude Askolovitch : Votre question est une affirmation hasardeuse! Je ne suis pas persuadé que Hollande soit "déconnecté de la réalité" – pas plus que n'importe quel politicien professionnel s'entend ! On peut considérer que sa politique est bonne ou mauvaise, sur le fond. On peut voir que la gauche gouverne de façon hasardeuse, sur la forme au moins. Ce président est éminemment  impopulaire et la gauche perd des élections municipales de manière très brutale, il y a donc un désaveu. Mais ce n’est pas parce que l’on est désavoué et impopulaire que l’on ne comprend pas la réalité. On est rejeté sur ce que l’on est ou sur ce qu’on a promis et pas tenu, ou pour la dureté des politiques qu’on met en place... mais qu'on ne veut pas changer par conviction... En revanche, la campagne en 2012 n’était pas en adéquation avec la réalité de la crise... 

Quel rôle joue l’entourage de François Hollande, à savoir ses enfants, Ségolène Royal, ses amis, etc., dans ses décisions politiques ?

André Bercoff : A mon avis personne d’autre que lui-même ne joue un rôle dans ses décisions politiques. Il reçoit et écoute beaucoup de gens, mais c’est lui qui décide, c’est lui qui tranche et il ne confie à personne ses pensées les plus profondes. Tous ses amis l’ont dit et répété. Il faudrait que dans la dualité Dr. Hollande et Mr. François, les deux se mettent d’accord et décident d’acter ensemble les choses. Ce serait aussi bon pour lui que pour le pays. Il a mis ses pas dans les pas de son père spirituel François Mitterrand, qui lui, écoutait beaucoup de monde mais tranchait seul. Le problème est que Hollande n’est pas Mitterrand. Trancher ne revient pas à simplement dire qu’on est social-démocrate et qu’on fait des pactes de responsabilité. Trancher, c’est dire la vérité, aller au fond. On dit effectivement que les membres du gouvernement sont coupés de la réalité. Mais les députés socialistes la voient, cette réalité, et lui racontent. Cela change-t-il quelque chose ? On ne le saura pas. Il est à la fois ouvert, il reçoit des gens, il est urbain et agréable, mais également fermé et secret. Ça se voit depuis presque deux ans. Seul un supplément violent de réalité peut le ramener à la réalité.

Claude Askolovitch : A mon avis, politiquement  aucun. Tous les Présidents de la Vème République ont eu beau recevoir et écouter énormément de gens, et pas uniquement la famille, des députés, des ministres, des conseillers, des chefs d’entreprise, des amis, etc., tous ont décidé seul. C'est notre monarchie. Le fonctionnement de ces institutions est insatisfaisant d’un point de vue démocratique : l’arbitrage ne se fait pas au Parlement mais dans la tête du souverain, comme ça l’a été sous Sarkozy, Chirac ou Mitterrand. On a donc une interrogation non pas sur François Hollande, mais sur un système politique qui repose sur une seule personne. Les questions d’influence deviennent donc à la fois fantasmatiques et cruciales. Reste à savoir si François Hollande modifie sa perception des choses ou sa décision par ses interlocuteurs. Je ne pense pas que cela fonctionne comme ça. Le souverain républicain dans la constitution emmagasine, sous-pèse et décide en fonction de son sens politique, de sa légitimité de monarque élu. On peut caractériser Hollande par le fait qu’il ne parle pas. Lorsqu’il reçoit des gens, il écoute mais ne répond pas, ou vaguement, il ne laisse rien paraître. C’est un mode de gestion des relations humaines et politiques qui n’a rien à voir avec celui de Sarkozy par exemple, qui, lui, parlait beaucoup. On est donc avec Hollande dans un sentiment de flou et de mystère qui, en réalité, ne concerne que le microcosme. Mais en aucun cas, il n’est soumis à un quelconque jeu d’influence personnelle et affective: nous parlons d'un pur politique. Sa seule boussole, avant même la réalité sociale, est politique -un monde de règles et de codes qui est le sien.

Pensez-vous que les municipales peuvent jouer un rôle dans ce retour à la réalité ?

André Bercoff : Probablement. Je ne pense pas qu’il s’attendait à un tel choc. L’échec de Marseille a été vécu comme un mini 21 avril 2002 par le Parti socialiste. Reste que François Hollande est un fin connaisseur de la géographie politique et je pense que ce qui s'est passé le 23 mars le fera peut-être, enfin, bouger.

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