Irresponsables
Budget 2015 : des ajustements budgétaires qui sacrifient l’avenir
En rognant constamment les dépenses liées à la politique familiale et à l'entretien de l'armée, le gouvernement prouve son manque d'imagination et de vision. Ainsi, il brade les deux derniers atouts de la France.
Roland Hureaux
Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.
Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.
Malgré la récession et son incapacité à résorber son déficit budgétaire, la France conserve, en termes de puissance, deux avantages sur l'Allemagne.
D'abord une armée qui fonctionne encore. Certes, les coupes budgétaires sont drastiques, l'obsolescence du matériel s'aggrave, les programmes s'allongent mais, on le sait, la situation est encore pire en Allemagne. S'aventurant sur tous les fronts, la France démontre sans doute des insuffisances criantes mais son appareil militaire demeure, bon an mal an, en état de marche. Hors la Grande-Bretagne et encore, peu de pays en Europe peuvent en dire autant.
Ensuite, dans une démographie européenne en chute libre, la fécondité française se maintient juste au-dessous du seuil de renouvellement : 2,01 pour un seuil de 2,10. Ce ne serait que 1,7 sans l'apport des immigrés mais les autres pays sont, à et égard, logés à la même enseigne. Comparons avec l'Allemagne : une fécondité de 1,43, soit un déficit d'un tiers à chaque génération.
On ne peut ainsi que se féliciter de voir que, malgré ses performances économiques plus faibles que son voisin d'outre-Rhin, la France a depuis 2006 doublé l'Allemagne quant au nombre de naissances annuel : 811 000 pour nous, 685 000 pour elle. Cela n'était jamais arrivé depuis 1870.
Or ces atouts, le gouvernement socialiste, pressé par l'Union européenne (et précisément par l'Allemagne !) et incapable de faire preuve d'imagination pour couper les dépenses publiques, s'en prend par facilité à eux.
- Les dépenses militaires d'abord passées de 65 milliards en 2010 à 61 milliards en 2013 et qui continuent à stagner en dépit de nombreuses opérations extérieures.
- Mais, plus grave encore, le même gouvernement s'en prend aussi à la politique familiale. Cette dernière, déjà ponctionnée de 16 milliards depuis 1995, a encore été privée de 1,1 milliard par Ayrault (qui s'ajoute à 1,5 milliard, effet de la baisse du plafond du quotient familial) et encore de 1,1 milliard par Valls.
Sans aller, comme le suggèrent certains députés, jusqu'à moduler les allocations en fonction du revenu ( en fait elles le sont déjà à hauteur de la moitié de leur montant) , il diminue la prestation pour mode de garde (qui, selon lui, profite surtout à ceux qui peuvent s'offrir une garde à domicile) et la prime à la naissance du troisième enfant . Surtout, il porte atteinte au congé parental d'éducation déjà réduit par Ayrault de 6 mois (de 36 à 30 mois) et qu'il est question de ramener, parité oblige, à 18 mois pour la mère et 18 mois pour le père - non simultanément bien entendu. Comme ce congé était pris à 97 % par les mères, il y a là la perspective d'une réduction de fait qui sera dure aux familles modestes, principales bénéficiaires de ce dispositif. Mais, dans cette affaire, en sus des considérations financières, perce aussi une implacable idéologie qui ne veut pas que les femmes se détournent trop longtemps du travail professionnel pour s'occuper de leurs enfants ! Le néo-féminisme leur veut tellement de bien qu'il a peur quelles se reposent trop.
Quoi qu' on prétende, l'existence depuis 1945 d'une politique familiale relativement généreuse (même si elle l'est aujourd'hui de moins en moins) a permis à notre pays de conserver une vitalité démographique qui fait aujourd'hui sa force.
L'allocation parentale d'éducation avait eu un impact particulièrement significatif sur le taux de natalité français, permettant sa remontée au cours des années 90. C'est dire que sa réduction - et peut-être plus tard, sa suppression - , pourrait être catastrophique pour un pays qui, même s'il est moins mal loti que les autres en Europe, se maintient tout juste au-dessous de la ligne de flottaison du renouvellement des générations.
Défense et démographie : dès que l'on n'est plus le nez dans le guidon de la cuisine budgétaire, il y a là deux éléments de puissance fondamentaux et même deux signes forts que nous existons encore sur la scène mondiale. La politique à courte vue du gouvernement Hollande-Valls les affaiblit dangereusement, risquant ainsi de nous faire perdre un des rares "avantages comparatifs" que nous avions encore.
Ce faisant, nous donnons aussi le mauvais exemple au reste de l' Europe. Car les deux déficits, celui de dépenses militaires (dans un monde où elles augmentent de tous côtés sauf en Europe occidentale) et celui des naissances (la population européenne, est vouée, si la tendance n'est pas inversée à la disparition !) sont un problème encore plus grave pour le contient européen pris dans son ensemble que pour nous. En maintenant contre vents et marées le "minimum vital", la France montrait l'exemple d'une volonté de vivre qui fait aujourd'hui défaut à la plupart de nos partenaires. Son devoir est de continuer sur cette voie.
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !