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Boris Johnson, pour le pire....et pour le meilleur ?
©Tolga AKMEN / AFP

Disraeli Scanner

Il y a toujours eu un côté comédien chez Boris. Mais que se passe-t-il quand réussir le Brexit fait partie du rôle que l’on s’apprête à jouer ?

Disraeli Scanner

Disraeli Scanner

Benjamin Disraeli (1804-1881), fondateur du parti conservateur britannique moderne, a été Premier Ministre de Sa Majesté en 1868 puis entre 1874 et 1880.  Aussi avons-nous été quelque peu surpris de recevoir, depuis quelques semaines, des "lettres de Londres" signées par un homonyme du grand homme d'Etat.  L'intérêt des informations et des analyses a néanmoins convaincus  l'historien Edouard Husson de publier les textes reçus au moment où se dessine, en France et dans le monde, un nouveau clivage politique, entre "conservateurs" et "libéraux". Peut être suivi aussi sur @Disraeli1874

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Londres, 

Le 16 juin 2019
Mon cher ami, 
Dans une semaine, cela fera trois ans que le peuple britannique a voté le Brexit. Vous rendez-vous compte de ce que signifie cet anniversaire? Bertold Brecht avait proposé au régime de RDA, après l’insurrection ouvrière du 17 juin 1953, de « dissoudre le peuple » pour en avoir un plus docile. Dans la Grande-Bretagne de 2019, c’est le peuple britannique qui hésite à « dissoudre » ses élites politiques, pour en changer. Le vote écrasant pour le Brexit Party aux élections européennes et l’éviction possible du Labour Party par les Libéraux-Démocrates sont deux épées de Damoclès pesant sur les grandes forces politiques du XXè siècle. Survivront-elles à l’épreuve actuelle? Laissons de côté les travaillistes: je risquerais d’être excessif à l’égard de Jeremy Corbyn, à qui je reproche d’avoir été encore plus lamentable que Theresa May depuis ces trois ans. Il est loin le temps où Enoch Powell pouvait, de désespoir devant la mollesse de son propre parti, se mettre à voter Labour ! Non, revenons-en au parti de Benjamin l’Ancien, aujourd’hui menacé d’être supplanté par le parti du Brexit. 
Depuis quelques jours, les médias et tous les filets possibles de la Toile (qu’avez-vous besoin, amis français, de parler franglais? C’est beaucoup plus pittoresque d’utiliser les mots français appropriés) ne cessent de’annoncer que Boris Johnson sera le prochain chef du parti conservateur et donc le prochain Premier ministre. Vous connaissez mon aversion pour le personnage. Non pas qu’il n’ai fait un héros possible d’un roman de Benjamin l’Ancien. Avoir un arrière-grand-père ministre du gouvernement turc, être le cousin de bien des altesses européennes, se rêver en Churchill parce qu’on est à moitié américain? Benjamin l’Ancien aurait en fait campé Boris comme un aventurier de salon. Car on trouve chez le sauveur du parti conservateur beaucoup de paroles et peu d’actes - sauf quand il fut maire de Londres. 
Ses ennemis accusent Boris d’être un Donald Trump britannique. Si seulement ! Averc toute sa vulgarité, Trump est quelqu’un qui fait ce qu’il a dit. Je continue à avoir des doutes sur la fiabilité de Boris, par contraste. Je ne pense pas au célèbre épisode du tract d’avant-campagne, en 2016, où Boris appelait à voter Remain, avant de devenir, quelques jours plus tard, le chef du camp du Leave. Je lui reproche surtout d’avoir contribué à l’échec de ces trois dernières années en acceptant d’entrer au Foreign Office en 2016 (avant de démissionner deux ans plus tard) sans avoir prise aucune sur les négociations bruxelloises et en sollicitant le pire de son côté hableur. Je sais comme les diplomates du Foreign Office sont compassés et, souvent, couards, mais était-ce bien utile d’alimenter le moulin de leur mépris de classe en jouant l’histrion populiste ? 
Mon cher ami, j’ai les plus fortes réserves concernant Boris. Et pourtant, je ne vois pas comment le parti ne voterait pas pour lui. Mon amis David Davis voudrait me convaincre de voter Dominic Raab. J’ai beaucoup d’estime pour l’ancioen secrétaire au Brexit, pour son sériueux et pour sa capacité à être l’une des personnalités clés du prochain gouvernement. Mais la démocratie est ainsi faite qu’il existe des personnalités charismatiques, vers lesquelles se tournent tous les regards, qui cristallisent les aspirations de l’électorat. Nous ne pouvons pas nous opposer au fait que Boris aujourd’hui voit aujourd’hui converger tous les espoirs vers lui. Max Weber a justement souligné comme le « pouvoir charismatique » tient autant aux projections des citoyens vers le chef qu’aux qualités intrinsèques du chef. Il y a Boris et toutes ses faiblesses, en même temps que sa faconde, sa drôlerie, son sens de la répartie sa capacité à être où on ne l’attend pas. Peut-être demain y aura-t-il Boris Johnson, Premier ministre de Sa Gracieuse Majesté, capable de mettre en oeuvre le Brexit, d’endosser le rôle que les conservateurs attendent de lui. Nous avons un espoir: Boris Johnson fut un bon maire de Londres, capable de faire gagner le parti conservateur dans une ville majoritairement «Remain ». Cette fois nous allons avoir besoin d’ un Boris Johnson sortant définitivement de la mise en scène un peu bouffonne qui l’a souvent caractérisé. 
Nous avons plusieurs raisons de penser que nous ne faisons pas un saut dans l’inconnu. Premièrement, le parti Tory joue sa survie. Comme le disait justement Dominic Raab lors du premier débat des prétendants à la présidence du parti, les électeurs ne pardonneront pas aux conservateurs un délai du Brexit au-delà du 31 octobre. Ensuite, toutes les énergies, frustrées, des Brexiteers bloqués par Theresa May, vont pouvoir se déployer. Enfin, je suis prêt à faire le pari, comme Benjamin l’Ancien, que Boris, tenant le rôle de sa vie, ne le laissera pas passer: être à la hauteur de l’Histoire. Jouer le rôle de celui qui réussit le Brexit? Donc mettre en oeuvre le Brexit. Tel est le piège vertueux dans lequel Boris est en train de sauter à pieds joints
Bien fidèlement
Benjamin Disraëli

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