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Blocage de Fleury-Mérogis : pourquoi la situation dans les prisons est explosive
©AFP

Taubira, le bilan c'est maintenant

Lundi soir, la prison de Fleury-Mérogis a été bloquée, pendant quelques heures, par ses surveillants qui protestent contre leurs conditions de travail. La situation dans les prisons françaises est très préoccupante.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Le 26 janvier 2017, BFMTV annonce : "l'action de la justice est peu ou pas satisfaisante pour deux-tiers des Français". Dans cette enquête de l'INSEE auprès de 15 000 Français de 15 ans et plus, 64% d'entre eux sont mécontents de la justice ; seul un Français sur 5 approuve Mme Taubira. 4e année de suite à plus de 60% de mécontents - qui voient juste, car depuis des années, par petites touches, des informations méconnues et vite oubliées montrent que la justice française s'effondre. En voici la chronique.
• Pénitentiaire 1 - le calvaire des surveillants
Aujourd'hui, les surveillants sont insultés, rossés, menacés de mort et traqués sur les réseaux sociaux. Hors des prisons, on file les gardiens jusqu'à domicile. "Je sais où tu habites, sifflent des détenus... où travaille ta femme, à quelle école vont tes enfants". On les intimide par vengeance, ou pour qu'ils laissent passer la drogue et les portables. 
Désormais, les agressions : en avril, un surveillant de Fresnes est lynché devant chez lui par trois ex-détenus (dents cassées, 21 jours d'ITT). Peu avant, devant la prison de Bois-d'Arcy, une surveillante est molestée ; des voyous lui crachent dessus et la menacent. En avril toujours, un détenu plante une fourchette dans le cou d'un gardien du Val de Reuil. En janvier, un détenu de la prison d'Orléans-Sarran menace d'égorger une gardienne et une infirmière avec un couteau. 
Suite à l'assassinat, en janvier, d'un prisonnier (meurtrier lui-même), étranglé et le crâne fracassé par deux tueurs récidivistes, des gardiens de Vendin-le-Vieil, d'Annœullin, Sequedin, Arras, Fleury-Mérogis et du Havre, dénoncent les meurtres et prises d'otages en prison.
A Strasbourg, en novembre passé, des surveillants alertent : "La population pénale est toujours plus vindicative... les radicalisés sont mélangés aux autres... Notre quotidien : agressions, tuberculose, punaises, cafards, souris..." En septembre, des gardiens bloquent la prison de Maubeuge : un détenu violent a voulu étrangler un de leurs collègues. 
Ainsi de suite, du fait de voyous grisés par les propos du candidat socialiste, M. Benoît Hamon, qui veut "sortir de la culture de la détention" et par ceux de la "contrôleuse des lieux de privation de liberté", Mme Adeline Hazan, angoissée par "des lois de plus en plus restrictives" (pour les bandits) et par "le recul des droits fondamentaux" (des criminels).
• Pénitentiaire 2 - chaos dans les prisons
Récemment, le directeur de l'administration pénitentiaire claque la porte : la pétaudière-pénitentiaire devient plus ingérable encore du fait des constantes interférences des idéologues entourant (encerclant ?) le Garde des sceaux. Ces derniers mois en effet :
- Deux mutineries à Valence dans une prison neuve, explosion de violence et meutes de voyous cagoulés ravageant et incendiant tout, surveillants molestés et caméras de surveillance détruites (2 millions d'euros de dégâts...),
- A la prison de Vivonne, les syndicats déplorent que "l'autorité est en partie détruite" car "l'administration donne tout aux détenus".
- Emeutes aussi aux prisons de Vivonne, d'Osny, de Saintes, de Longuenesse, avec incendies, ravages et "détenus ivres" (l'alcool est interdit en prison...).
Ainsi, dans les prisons françaises, en 2017 : 
On se fait la guerre : "Poissy : guerre de territoires à la prison centrale" ; idem à Condé-sur-Sarthe : embuscades entre gangs, détenus lynchés, etc.
On s'évade : "Un passeur irakien s'évade de la prison de Béthune" (il escalade un grillage durant sa promenade). A Perpignan "Un détenu se fait passer pour un autre et sort par la grande porte".
On trafique des stupéfiants - "Le boss dirigeait le trafic depuis sa cellule" ("important trafic de stupéfiants" au centre pénitentiaire de Vezin).
On se fait livrer par drone - Deux portables livrés par drone à la prison d'Annœullin (Nord),
On escroque - "Val d'Oise : le détenu escroque 136 personnes âgées depuis sa cellule d'Osny". Il dispose (en prison...) de "13 téléphones portables en quatre mois".
On fait son cinéma - "Il tourne un clip de rap en prison avec un téléphone".
• Justice 1 - l'écœurant laxisme
- En décembre 2014, trois bandits séquestrent et molestent un couple de Créteil, les couvrent d'injures antisémites. Les voyous sont inculpés de "vol en réunion et avec arme", "séquestration et extorsion suivie de violences, en raison de l'appartenance à une religion, etc." : on va droit à la Cour d'assises. Or en décembre 2016, le juge d'instruction supprime toute référence à l'antisémitisme.
- Nîmes : "Le duo avait fracturé 230 voitures". Il reconnaît les faits, mais est laissé en liberté.
- "Condamné pour le braquage de la boulangerie". Tulle, vol avec violence... 2 ans avec sursis. Le braqueur sort libre du tribunal.
- Deux rues de Juvisy-sur-Orge ravagées par une horde sauvage portant barres de fer, machettes et marteaux. Pour un motif obscur, l'expédition fracasse 25 véhicules, saccage halls d'immeubles, appartements et terrifie les habitants du lieu : sursis et "travaux d'intérêt général". Les voyous sortent libres du tribunal.
- "Bobigny : il attaque des policiers au couteau et ressort libre du tribunal". Dealer notoire, poignard à lame de 20 cm., tentative caractérisée d'homicide : 8 mois avec sursis.
- Alfortville "deux bandes s'affrontent à la batte et au couteau" un jeune "se fait massacrer" de 8 coups de couteau. Paniquée, sa mère déménage. Les voyous arrêtés "ont été relâchés".
Désormais, de sabotage de la loi en érosion des peines, la justice applique la "composition pénale" à des braquages. Rappel : cette procédure vise les contraventions et délits de moins de cinq ans de prison : menaces verbales, abandon de famille, vol simple, outrages, sévices contre animaux, etc. Dispensé de prison, le coupable fait un travail non rémunéré et rétribue la victime. Là, on l'applique à des crimes voués à la Cour d'assises ! 
• Justice 2 - la pétaudière judiciaire
Les médias parlent de "couacs". Mais ce sont moins des fausses notes, que des craquements d'un échafaudage qui croule. Exemples.
- Janvier 2017 à Nantes : "des magistrats boycottent l'audience de la rentrée solennelle" : manque de moyens... vacances de postes... délais à rallonge... justiciables frustrés : les magistrats n'en peuvent plus. Peu après, à Fleury-Mérogis, les juges d'application des peines sont en révolte, pour les mêmes motifs. On les comprend car :
- En décembre à Créteil, un détenu s'évade du tribunal en sautant du box après sa condamnation (3e évasion de ce type à Créteil en 3 ans, car "les salles d'audience ne sont pas aux normes de sécurité"). Peu avant (Cour d'assises du Loiret) "l'accusé comparaissait libre : il s'enfuit avant le verdict".
- Violences : au tribunal d'Evry en février, une jeune enragée assène deux coups de tête au procureur, après avoir roué la plaignante de coups.
- Pire encore : "De plus en plus de détenus relâchés devant l'impossibilité de s'expliquer devant un juge"... "L'absence d'escorte pénitentiaire vire au feuilleton ubuesque". En France, "20% des détenus ne peuvent être présentés au juge faute de moyens humains". Là bien sûr, la loi exige de libérer le prévenu. En France, en 2015, "Un tribunal sur six a dû libérer un détenu non jugé" selon la procédure prévue. 
Cela résulte de l'échec, la décennie passée, de la réforme des extractions de détenus, de la prison au tribunal. Ainsi, des individus parfois dangereux sont élargis et peuvent persévérer dans le crime. Tel Nassim, 20 ans, incarcéré en février 2016 pour "tentative d'assassinat" (un blessé grave) et libéré en janvier 2017 suite à (encore) une bavure judiciaire.
Comment sauver la justice ? Que les candidats à la présidentielle scrutent le modèle du Vaucluse. "Ces dernières années, tous les braquages ont été renvoyés aux Assises". Tarif, 10 ans de réclusion. Résultat en 2016 ? 23% de braquages en moins dans le département.

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