Bernard Tapie avait choisi la gauche, mais l’establishment de gauche a fomenté une redoutable machination pour l’éliminer<!-- --> | Atlantico.fr
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L'ancien président de l'OM, Bernard Tapie, le 26 mai 2013, lors des festivités marquant l'anniversaire du titre de l'OM en UEFA Champions League 1993.
L'ancien président de l'OM, Bernard Tapie, le 26 mai 2013, lors des festivités marquant l'anniversaire du titre de l'OM en UEFA Champions League 1993.
©GERARD JULIEN / AFP

Atlantico Business

On parle là de l’affaire Adidas. Il a fallu que Bernard Tapie cède face au cancer pour que la société française se rassemble enfin pour lui rendre un hommage quasi-unanime et lui tisser des couronnes. On oublie que, pendant 30 ans, l’establishment parisien lui a pourri la vie.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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C’est bizarre quand même. Il a fallu que Bernard Tapie disparaisse pour qu’une unanimité se forme, lui tresse des couronnes et l’inonde d’hommages.

Il n’en a pas toujours été ainsi. Bernard Tapie a, au cours de ses multiples vies, cristallisé beaucoup de critiques et même de la haine. Au point d’être trahi par ceux qu‘il pensait être de ses amis. Des hommes de gauche notamment, qui n’acceptaient pas que cet homme fût « trop ». Il était trop beau, il avait trop de talent pour se lancer dans toutes les aventures possibles et imaginables : le bateau, le football, le Tour de France, le show-biz, le business, la télévision, le cinéma et le théâtre, sans oublier la rénovation des quartiers. C’était trop, pour une administration française qui a toujours le temps de prendre son temps et finir par admettre qu’il est trop tard.

Bernard Tapie était un homme extraordinaire, hors du commun. Il avait de l’énergie et de l’ambition que tout le monde connaît et lui reconnait. Donc, quand on lui a offert de rentrer en politique, la gauche s’y est mise. François Mitterrand est allé le chercher, le supplier de mettre son énergie au service du régime pour faire bouger les lignes, déplacer les rentiers de la fonction publique. Mais quand on déplace des dinosaures, les dinosaures ne se laissent pas faire. Alors on a découvert que, parfois, il franchissait une ligne jaune et oui, parfois aussi parce qu’il fallait aller vite, il bousculait les situations conservatrices, il ouvrait les niches dans lesquelles beaucoup de privilèges étaient stockés et gardés par des chiens.

Le jour où la meute de l’establishment s’est dresséeest le jour où Bernard Tapie est entré au gouvernement. Ce jour-là, tout le monde a compris qu’il pouvait renverser la table. Le président de la République lui avait donné carte blanche pour sortir le pays de son embourgeoisement et libérer l’économie. Bernard Tapie proposait de relancer l’ascenseur social par l’école, mais surtout par la libération de la création de richesses.  Tout était possible dans tous les quartiers. Lui avait réussi, pourquoi pas les autres.

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Ce jour-là, la bourgeoisie politique formée, élevée au lait de mai 1968, puis à Sciences Po, et boostée par l’Ena, s’est braquée. Ce jour-là, cette bourgeoisie techno-politique s’est aperçu que Bernard Tapie dessinait un nouveau paradigme très libéral mais fléché au bénéfice du plus grand nombre, terrain qui appartenait aux socio-démocrates.

C’est alors qu’une machination redoutable s’est mise en place pour conduire Bernard Tapie à sa perte ou presque.

Acte 1, la gauche, relayée par la presse, va obliger Bernard Tapie à choisir entre la politique et les affaires. Or, dans les affaires, Tapie a de bonnes raisons de penser qu‘il a réussi le coup du siècle en rachetant Adidas et en commençant à préparer le groupe pour aborder la concurrence mondiale.

Acte 2, le Crédit Lyonnais va lui proposer pour « lui rendre service », de racheter Adidas pour 2 milliards, parce qu‘il a un acheteur à ce prix. Bernard Tapie va accepter. Son avenir, c’est la politique. Les 2 milliards vont lui permettre de rembourser les emprunts qu‘il avait contractés pour acheter Adidas. Au passage, il rembourse le Crédit Lyonnais qui lui avait avancé les fonds.  La réalité est que l’acheteur est une société qui dépend du Crédit Lyonnais.

Acte 3, quelques semaines plus tard, on apprend qu’Adidas va être revendu et acheté par Robert-Louis Dreyfus pour 4 milliards d’euros; soit deux fois plus. Et c’est le Crédit lyonnais qui va avancer l’argent, une fois de plus.

Acte 4, quelques mois plus tard, Adidas est introduit en bourse pour une valeur de 10 milliards d’euros.

Bernard Tapie n’en revient pas mais sait, comme tout Paris, que toute l’affaire a été montée par le Crédit Lyonnais (banque nationalisée par la gauche, dirigée par des hommes proches du pouvoir). Quand le Crédit Lyonnais sera officiellement en difficulté, on découvrira tous les montages financiers qu’aura fait le Crédit Lyonnais et dont beaucoup mèneront la banque à la faillite.

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Chez Tapie, on ne décolère pas, parce que sous la pression politique, il a, par naïveté sans doute, accepté de vendre Adidas pour 2 milliards d’euros, alors que ça en valait 4 milliards et que la bourse le chiffrait à 10 milliards.

A partir de là, Bernard Tapie va se lancer dans une bataille juridique de 25 ans, dont il a pensé sortir qu’à l’issue d’une médiation proposée par la gouvernance de Nicolas Sarkozy. Bernard Tapie a donc récupéré une partie de la plus-value qui avait été empochée par le Crédit Lyonnais, 400 millions d’euros. Une décision qui fut attaquée par le parquet et qui donna lieu à nouveau à des procès en chaine. 
Au terme de ces procès, on sait que Bernard Tapie a été blanchi de tout abus de bien social ou d’organisation mafieuse et il a été exempté de toute condamnation au pénal.

Bernard Tapie est mort en ayant été blanchi. Son honneur a été reconnu.

Reste le volet civil. Le CDR, c’est à dire Bercy, lui réclamait de rembourser l’indemnité de dédommagement. Le jugement sera rendu mercredi. Bernard Tapie aurait voulu vivre jusqu'à ce moment-là. La machination va donc le suivre jusque dans sa tombe.

En attendant, cette affaire mériterait que toute la lumière soit faite. Robert-Louis Dreyfus avait confirmé en partie la plausibilité de la manipulation, sans pouvoir la prouver. La vérité se cache dans les archives du Crédit Lyonnais ou du CDR, la structure qui avait été crée pour liquider les affaires de la banque. La vérité se cache aussi dans les archives de Bercy.

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