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Bercy : le Top 5 des (plus grosses) niches fiscales d’entreprise, mais elles sont intouchables, certaines sont même protégées par les gilets jaunes.
©Reuters

Impôts

Emmanuel Macron aura bien du mal à financer la baisse d’impôts pour les ménages parce que les niches sont impossibles à fermer.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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En annonçant que la baisse d’impôts aux particuliers serait financée par la suppression de quelques niches fiscales dont bénéficient les entreprises, Emmanuel Macron a semé la panique au Medef, qui ne s’attendait pas à devoir payer cette nouvelle facture, mais surtout, le président de la République n’a pas facilité la tache de ses ministres de l’économie et du budget, Bruno Le Maire et Gérald Darmanin.

Pour trouver les 5 milliards de baisse, il va falloir faire chauffer les ordinateurs sans être surs d’y arriver, parce que les niches fiscales d’entreprise n’ont pas été installées par hasard, ni pour satisfaire quelques intérêts individuels. Alors certaines sont certes le résultat de la pression de quelques lobbies, mais l’essentiel des aides fiscales aux entreprises répond à des nécessités d’ordre économique que le président du Medef n’aura aucun mal à détailler.

« Les niches fiscales ont été installées pour amortir l’effet des impôts qui pèsent sur les activités économiques ». Et Geoffroy Roux de Bézieux d’ajouter que la suppression des niches reviendra à augmenter l’impôt, alors qu’on le dise clairement.

Il y a tout juste un an, Gérald Darmanin, qui cherchait déjà 5 milliards d’économie, avait bien tenté de tailler dans la jungle des aides aux entreprises. Il avait très vite renoncé devant la fronde de toutes les fédérations professionnelles. Le total des aides aux entreprises dépasse 140 milliards d’euros.

Alors si on veut arracher 5 milliards, il va falloir y aller à la pince à épiler et affronter les chiens de garde qui veillent dessus. Bruno Le Maire et Gérald Darmanin vont s’y épuiser et hypothéquer leur carrière.

Les grosses niches sont tellement importantes qu'elles seront impossibles à déplacer ou à fermer.... Le top 5 des niches est impressionnant mais intouchable, certaines niches qui bénéficient aux entreprises sont aussi protégées par les gilets jaunes. On croit rêver  !

1ère niche : le CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, 20 milliards d’euros, était le plus gros des crédit d’impôts. La plus grosse niche offerte par Manuel Valls et François Hollande. Le CICE n’existe plus, il a été remplacé pour le même prix, par une baisse des charges sur salaires depuis le 1er janvier.  Donc juridiquement, ce n’est plus une niche fiscaleet la suppression de ces baisses de charges ne paraît pas envisageable car ces baisses de charges sont désormais le principal moyen pour améliorer la compétitivité des entreprises par l'allègement du cout du travail. Le CICE a déjà eu un impact sur les secteurs qui emploient beaucoup de main d’œuvre, cette baisse de charge va prolonger cet effet. Donc avec encore 9% de chômage, on ne voit pas le gouvernement toucher à cette mesure.

2ème niche : le crédit d’impôt recherche, qui représente 6 milliards d’euros. Bercy s’est immédiatement penché sur ce poste de dépenses fiscales en imaginant trouver là de quoi financer la baisse d’impôt promise par Emmanuel Macron sur le revenu des ménages. Bruno Le Maire a stoppé très rapidement la spéculation en rappelant que grâce au crédit impôt recherche, toutes les grandes entreprises françaises ont localisé leurs bureaux de recherche et développement en France. On peut même dire que la France est désormais un paradis fiscal pour la recherche et ça marche très fort. La France est le troisième pays du monde au classement des investissementsde recherche. Alors on pourrait toujours faire mieux et moins cher, mais personne ne commettra l’imprudence de changer un process fiscal qui marche. Conclusion, le crédit d’impôt recherche paraît intouchable.

3ème niche : le mécénat, 1 milliard par an.  Alors cette niche fiscale qui représente donc 1 milliard d’euros par an permet aux entreprises de distribuer de l’argent pour les activités culturelles et pour le patrimoine,qui viennent en déduction des impôts à payer à concurrence de 60%, dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires ou 10 000 euros. Ce qui veut dire concrètement que, quand une entreprise donne 100 euros à un théâtre ou à un musée, elle peut déduire 60 euros de son impôt, si ces 60 euros n’excède pas 0,5% du chiffre d’affaire. Alors cette niche fiscale était condamnée il y a encore un mois. Le principe de sa fermeture était acquis. Depuis l’incendie de la cathédrale deParis, il n’en est plus question. 

4ème niche : le régime de TVA à taux réduit et le gazole non routier. Au total, un cout fiscal de 2 milliards. Bruno Le Maire a déjà lancé des travaux pour supprimer les taux réduits de TVA qui représentent une grande partie de 70 milliards de manque à gagner. Actuellement, le taux normal de TVA est de 20% mais il existe plein de secteurs où le taux appliqué est plus bas : dans les DOM-TOM, la restauration, l’hôtellerie, les travaux dans les logements, les services d’aide à la personne sans parler des 5,5% dans l’alimentaire, l’édition et la presse où le taux est tombé à  2,1%. Alors l’impact de ces taux favorables est parfois très discutable (dans la restauration), il n’empêche que les gilets jaunes qui réclament la suppression de la TVA sur beaucoup de produits de première nécessité pour améliorer le pouvoir d’achat font le jeu des entreprises qui ont rarement répercuté les baisses. Le gouvernement ne touchera pas à ce secteur très inflammable en remontant les taux.

Par ailleurs, beaucoup d’entreprises du BTP bénéficient d’un taux réduit de taxe sur le gazole. Le gouvernement envisageait de supprimer cette niche qui coute elle aussi plus d’un milliard d’euros par an à l’Etat. Mais les gilets jaunes ont fait le job et ont rendu un grand service aux entreprises du bâtiment. Les taux réduit sont désormais sanctuarisés.

5ème niche : le régime d’intégration fiscal français couterait 5 milliards d‘euros à l’Etat. Pour faire simple, une société peut réduire ses impôts en déduisant de ses profitsles pertes faites par ses filiales. C’est de l’optimisation fiscale. Mais c’est un système qui a permis d’attirer beaucoup de sociétés holding sur l’Hexagone, alors que les activités industrielles et commerciales sont ailleurs. Bercy a ouvert un chantier pour éventuellement commencer à réduire cette liberté et même à la supprimer. Autant dire que le risque est grand de voir des holdings déménager vers Rotterdam ou Londres. Il y a beaucoup de pays en Europe plus généreux.

Les grosses niches fiscales offrent des gisements de récupération importants, sauf que si Bercy se lance dans ce type de travaux, il va avoir fort à faire avec les organisations patronales qui n’ont pas encore toucher l’avantage de la baisse des impôts sur les sociétés.

Et cela à un moment où la conjoncture dans les grandes entreprises se redresse sur les investissements et sur l’emploi. A un moment aussi où les investisseurs étrangers ont retrouvé la route pour rentrer en France. Et si les étrangers reviennent en France, ça n’est pas forcément pour gouter au soleil, c’est plutôt grâce à une perspective de météo fiscale plus favorable qu‘autrefois.

Le comble dans cette affaire, c’est que beaucoup de ces niches fiscales d’entreprises sont aussi protégées par les gilets jaunes. 

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