Avec Mélenchon, les chefs d’entreprises ne craignent pas le chaos mais l’impuissance, la soumission à l’Etat fort et une sortie de l‘économie de marché<!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Luc Mélenchon veut réunir une majorité parlementaire dans le cadre des élections législatives.
Jean-Luc Mélenchon veut réunir une majorité parlementaire dans le cadre des élections législatives.
©Emmanuel DUNAND / AFP

Atlantico Business

Après son score au premier tour de la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon veut réunir une majorité parlementaire, à condition que tout le monde s’aligne sur son programme. Pour les chefs d’entreprises, c’est la chronique d’une catastrophe annoncée.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Depuis le début de la campagne pour la présidentielle, les dirigeants d’entreprise ont été d’une extrême discrétion par rapport à l’extrême gauche.

Pas question d’intervenir dans le débat, sauf à défendre les fondamentaux de l’entreprise qui sont parfois mis à mal, alors qu‘on leur demande des résultats.

Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, a été très prudent et il a fallu un face à face avec Jean-Luc Mélenchon pour tracer des lignes rouges à ne pas franchir, ce dont le président de la France insoumise s’est moqué complètement en rappelant les axes forts de son programme, qui décrètera la fin de l’ultralibéralisme, la fin du nucléaire et la généralisation d’une assistance sociale quasie universelle, une sortie programmée de l’Union européenne et un changement de Constitution qui donnera enfin le pouvoir au peuple, au vrai, celui qui trime, qui souffre.

Le président du Medef avait pourtant, avec beaucoup de courtoisie, dit au président de la France insoumise, qu’il le pensait « prêt à gouverner » en cas de victoire mais l’avait prévenu que ce jour-là, les chefs d'entreprises n'embaucheront et n'investiront plus". Selon lui, les chefs d’entreprises attendraient le passage de la "tempête", et la situation profitera aux "industriels allemands et italiens".

"Ce que vous voulez faire, c'est ni plus ni moins qu'un dirigisme généralisé sur l'entreprise, avait dit le patron du Medef. Vous allez nous obliger à augmenter les salaires, à travailler pour la commande publique, mais les entrepreneurs sont des citoyens libres et ils le feront s'ils ont envie de faire. Ils ne sont pas obligés de travailler, d'investir, d'embaucher. Vous ne réussirez pas votre futur quinquennat sans les entreprises."

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En réponse, Jean-Luc Mélenchon a dit, tout aussi calmement qu'il pensait « le contraire". Selon lui, les efforts massifs qu'il prévoit pour développer la commande publique permettra de remplir le carnet de commandes des entreprises. Avec quel argent, selon quelles stratégies ? Les milieux d’affaires n’ont obtenu aucune précision. Tout cela est resté très flou. Il faut dire que les uns comme les autres ne croyaient guère à de tels résultats au premier tour. L’attention était surtout concentrée sur l‘extrême droite et la montée en puissance de Marine Le Pen. 

Aujourd’hui que la campagne pour les législatives est lancée, les perspectives sont très différentes. Jean -Luc Mélenchon, à défaut d’être président de la République, rêve d’être Premier ministre de la France, à la tête d’une majorité parlementaire capable d’imposer une sorte de cohabitation et il fait tout ce qu’il faut pour réunir cette majorité de gauche avec en force d’appoint les écologistes, les dissidents, les radicaux et même les socialistes socio- démocrates qui sont en déshérence après l’échec de Anne Hidalgo.

Les Insoumis négocient donc à tour de bras avec les socialistes, dont le parti a besoin d’argent. Mais pour en avoir, il lui faut quand même quelques députés.  Jean-Luc Mélenchon négocie avec les écologistes pour les mêmes raisons. Il va essayer de convaincre les communistes etc…

Bref, le président des Insoumis va fagoter tous ceux avec lesquels il a ferraillé et s’est même injurié pendant la campagne présidentielle pour tenter de constituer un groupe de députés majoritaires. Une sorte de ratatouille politique. D’autres parlent de macédoine faite de protestataires, de populistes, d’anti-tout, y compris et même anti-vax de gilets jaunes, s‘il en reste, avec des islamo-gauchistes convaincus, des socialistes enracinés dans leur circonscription, et des écolo-dissidents ou pas, vont se mêler les ADN de Sandrine Rousseau et celle de Yannick Jadot qui ne peuvent pas se supporter mais qui veulent siéger. Le seul point fort de cette macédoine législative sera dans le programme écrit et porté par Jean-Luc Mélenchon personnellement. Le leader de la France Insoumise a un talent fou.

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Le seul problème est que nous ne sommes pas au théâtre et la pièce qui pourrait se jouer ne relève pas de la fiction mais doit s‘inscrire dans la réalité.

Et la vision de la réalité sur laquelle il a réuni tous ses partenaires a gommé tout ce qui pouvait leur déplaire.

Le Medef, prudent au départ, n’a pas encore réagi mais il laisse les fédérations professionnelles et les groupes un peu plus turbulent, comme Ethic, faire le travail d’inventaire. Sa présidente, Sophie de Menthon, ne s’en prive pas.  Cette présidentielle ne l’emballait pas mais l’éventualité d’avoir un Mélenchon responsable du gouvernement la met hors d’elle.  Ses adhérents aussi. La conclusion est très simple avec le programme de Mélenchon, l’économie ne peut pas fonctionner parce que les chefs d’entreprises n’ont aucun intérêt à participer à ce jeu de massacre.

Le programme reprend les fondamentaux des Insoumis. Après une phase de protestations contre les abus, et le comportement de Macron, parce qu’il faudra bien désigner les coupables, le diagnostic justifie la mise en place d’une économie d’assistance, avec une priorité de l’intégration, une priorité à la défense de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique. Donc pas de nucléaire et si pas de nucléaire moins de croissance donc plus d’emplois publics et de marchés publics.

Ce type d’économie administrée n’a jamais fait ses preuves dans aucun pays du monde, pas même la Russie. Parce que la croissance a besoin de l’investissement des entreprises et que l’investissement ne se déclare que si et seulement s’il y a des perspectives de croissance et de développement. Il n’y a de perspective de croissance que si et seulement s’il existe une concurrence de marché qui sélectionne les meilleures forces de progrès.

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L’Etat ne peut pas tout. La situation française d’aujourd’hui le démontre. Avec plus de 60% du PIB en dépenses publiques de fonctionnement, on a le système de santé le plus cher du monde mais qui ne fonctionne pas, on a le système d’éducation le plus cher et soi-disant le plus égalitaire, mais qui ne donne pas de résultat. Quoi faire dans un pays où il faut attendre six mois pour obtenir un passeport? Quoi faire sinon transférer au privé beaucoup de ces tâches quotidiennes?

Mais le plus inquiétant n’est pas là. Le plus inquiétant, c’est l'omniprésence égocentrée de Jean-Luc Mélenchon. Le plus grave, c’est que beaucoup d’exemples dans le monde le prouvent quand ces économies administrées ne produisent pas de résultats, les gouvernances glissent vers l’autoritarisme. Et dans le cas de la France, la première conséquence sera de sortir de l’Europe. L’Union européenne a beaucoup de défaut, liée à son administration, ses normes, ses contrôles et ses coordinations, mais l’Union européenne a un avantage, elle fédère les forces et les énergies, elle élargit l’assise qui permet d’organiser la solidarité. Quel pays, en Europe, pourrait dire que son adhésion a freiné son développement. Aucun, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle peu de pays envisagent sérieusement de sortir de l'Europe et beaucoup de peuples frappent à la porte.

L’Union européenne a enfin une qualité, celle de devenir un contrepouvoir.

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