Arnaud Montebourg envoie une carte postale du Mont Beuvray : mais qui l’attend au PS ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Arnaud Montebourg pense déjà à demain
Arnaud Montebourg pense déjà à demain
©Reuters

I will survive !

Suivant les pas de Mitterrand sur le chemin de sa randonnée au Mont Beuvray, Arnaud Montebourg semble signer son come-back en politique, replongeant dans le bain médiatique. Reste à savoir s'il lui reste encore des soutiens au Parti socialiste.

Maud Guillaumin

Maud Guillaumin

Journaliste à Europe 1, BFM, ITélé, Maud Guillaumin suit pour le service politique de France-Soir la campagne présidentielle de 2007. Chroniqueuse politique sur France 5 dans l’émission Revu et Corrigé de Paul Amar, puis présentatrice du JT sur LCP, elle réalise également des documentaires : « Les Docs du Dimanche », « Les hommes de l’Élysée » sur les grands conseillers de la Ve République et « C’était la Génération Mitterrand » transposé de son livre Les Enfants de Mitterrand (Editions Denoël, janvier 2010). Elle écrit également dans la revue littéraire Schnock. Elle est l'auteur de "Le Vicomte" aux éditions du Moment (2015).

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Atlantico : Arnaud Montebourg effectue ce lundi sa désormais traditionnelle ascension du Mont Beuvray. Alors qu'il a annoncé son retrait de la vie politique, comment interpréter cet événement ?

Maud Guillaumin : Déjà le Mont Beuvray c'est vraiment pour lui un rapprochement avec Mitterrand. Vous savez que Mitterrand, lui aussi, avait ses habitudes d'escalade. Lui aussi faisait une ascension avec ses fidèles, et bien Arnaud Montebourg a eu la même idée.Et ça marche, parce que généralement, il y a pas mal de fidèles. J'aimerais bien savoir si cette fois les frondeurs seront là. Ce sont eux qui étaient là, l'an dernier, à Frangy, ce sont souvent eux qui viennent au Mont Beuvray. Mais le fait qu'il continue de faire son ascension est quand même symptomatique du non-retrait de la vie politique d'Arnaud Montebourg. Il a deux grands événements médiatiques : Frangy, qui est une fête socialiste qui existait avant lui puisque c'est Pierre Joxe qui l'a instituée. Qui en a fait un événement phare avant l'université d'été du PS ? C'est Arnaud Montebourg. En plus de Frangy, il crée le Mont Beuvray, c'est symptomatique. Qu'il y retourne cela signifie qu'il ne veut pas fermer la porte aux médias. Même sans actualité politique directe, c'est un moyen d'être au centre du jeu. Depuis qu'il s'est retiré de la vie politique, des piqûres de rappel, il en a faites plusieurs. Certes, le miroir qui lui tombe dessus, il ne l'a pas fait exprès. Mais il était parti exprès donner des cours dans une grande université américaine avec force médias puisque dans la salle il n'y avait que des médias français. Au moment des attentats, il faisait parti des manifestants immortalisant ça d'un selfie avec Aurelie Filipeti, et il a fait la une de GQ. Sans parler de cette grande interview qu'il a donnée récemment dans les Echos où il fracasse la politique du gouvernement en disant que le chômage va exploser.

Quelles ambitions politiques lui reste-t-il ? Quelle sont ses chances de les atteindre ?

Aujourd'hui, il est dans une situation difficile, les militants du PS ont soutenu la motion de Cambadélis, c'est-à-dire celle soutenue par Manuel Valls et donc la politique du gouvernement. Certes, les frondeurs ont obtenu un joli score mais ils ne sont pas derrière Arnaud Montebourg. Il espérait devenir le leader des frondeurs, mais ce n'est pas du tout ce qui s'est passé. Il attend vraiment de voir ce qui peut se passer. Le PS est dans une situation d'attentisme, on n'attend pas de grande révolution au moment du congrès. Le PS ne sait pas trop comment solutionner. Arnaud Montebourg ne peut pas trop critiquer car les militants viennent de soutenir la politique du gouvernement en soutenant la motion de Cambadélis. C'est un camouflet pour Arnaud Montebourg, les militants ne veulent pas la révolution. Dans cette interview des Echos, il était très véhément à l'égard de François Hollande et de Manuel Valls. C'est la première fois qu'il était directement véhément à l'encontre du Premier ministre. Auparavant ces attaques étaient dirigées contre le Président de la république. N'oubliez pas que Montebourg et Valls avaient fait un pacte pour évincer Ayrault. Là on sent que depuis cette interview dans les Echos, il n'y a plus d'amitié qui tienne, il s'oppose à la politique de Manuel Valls en plus de celle de François Hollande.

A quelle échéance et à quelles conditions pourrait-il envisager un retour ? Sur quelle ligne ?

Il faut bien savoir que pour Montebourg, les partis tels qu'ils existent aujourd'hui sont moribonds. Il pense que les partis vont s'éclater. Aujourd'hui, l'Europe devient le pivot. On est pro-européen ou on ne l'est pas. Et lui se positionne en opposition à la politique de Bruxelles. Il l'a dit plusieurs fois, il l'a répété, il s'oppose à la politique de Mme Merkel. Il pense que la France obéit beaucoup trop aux ordres et au diktat allemand. Il estime qu'il va y avoir une sorte de croissant de l'extrême-droite à l'extrême-gauche qui se positionnera sur cette même ligne. Allant de M. Dupont-Aignant, qui est de droite mais qui se positionne sur cette même ligne. Il a aussi été en lien avec Guaino, qui est l'ancien conseiller spécial de Sarkozy. Là aussi il y a une vraie continuité dans sa réflexion. Il était contre le référendum de 2005 dont on va fêter l'anniversaire cette année. Lui s'était positionné contre ce traité alors que le PS le soutenait. Il estime aujourd'hui que les partis vont devoir se positionner par rapport à ça. L'UMP va devoir évoluer au même titre que le PS. Aujourd'hui on le voit, ce n'est pas complètement idiot car les militants sont attentistes, ils ne veulent pas de la révolution, mais ne sont pas satisfaits non plus. Il faudrait créer une nouvelle voie, il ne l'a pas fait mais il l'a en tête.

De quels soutiens dispose-t-il aujourd'hui ? Quel est son potentiel auprès des sympathisants de gauche ?

Arnaud Montebourg avait réussi à surprendre son monde en étant le troisième aux primaires de 2011, il est encore apprécié. Montebourg apprend encore beaucoup dans sa capacité à aller porter le message, à faire de la politique, à aller devant les gens. C'est une grande qualité qu'il saura mettre en œuvre. Après évidemment, la question est : est-ce que François Hollande se représente ou pas ? Est-ce qu'il y aura des primaires ou pas ? Tout ça ce sont des points importants qui vont peut-être venir contrecarrer ses espoirs. Mais il a encore une force de frappe. Surtout, il a un sens politique qui fait qu'il sera là une fois le moment venu, car il sent très bien les choses et l'air du temps. C'est une force que n'ont pas tous les hommes politiques. Voici un exemple : la dé-mondialisation, c'était à l'époque quelque chose dont personne ne parlait, ou bien très peu. On a commencé à évoquer cette thématique et Arnaud Montebourg a compris qu'il fallait axer la campagne des primaires dessus, et c'est ce qui a fait la différence

Il y a eu beaucoup de blagues faites à son encontre, surtout depuis qu'il est allé chez Habitat. Il est devenu M. Meuble, celui qui est au placard. Alors c'est vrai qu'il est aujourd'hui un peu en retrait, mais est-ce qu'il ne joue pas une carte intéressante ? Sarkozy justement avait dit qu'il se mettrait en retrait, il ne l'a jamais fait.Justement, le fait  de se mettre véritablement en retrait pourrait être un élément positif pour revenir après. Pour le moment ce n'est pas ce qu'il fait, la preuve : il continue le Mont Beuvray. Il a peur de perdre le lien. Donc il n'est pas tout à fait sur ad vitam eternam de son lien avec les militants. Aujourd'hui il sait qu'il a un lien et il le nourrit, c'est pour ça qu'il fait son Mont Beuvray, il sera intéressant de voir s'il y aura du monde ou pas.

Comment les choses peuvent-elles potentiellement évoluer d'ici à 2017 ?

Si la situation économique s'améliore, si la croissance s'améliore, si le chômage arrête de progresser un tout petit peu et qu'on tend vers une amélioration, Montebourg va avoir peur de voir Sarkozy revenir à nouveau. Il a également très peur de Marine Le Pen. Arnaud Montebourg n'arrête pas de secouer le chiffon rouge en disant qu'en 2017, Le Pen sera au deuxième tour. Maintenant, qui sera le leader de la gauche, est-ce que François Hollande aura envie de libérer sa place ? C'est difficile à croire. Il sera intéressant de voir si Arnaud Montebourg sera au congrès de Poitiers en juin. C'est quelqu'un qui a toujours été en marge du parti, qui a toujours critiqué le fonctionnement du parti. Est-ce qu'il fera une apparition pour montrer qu'il a toujours un pied dedans ? Je pense que oui.

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