Après l’horreur des attentats de Paris : que voulons-nous sauver ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Que voulons-nous sauver ?
Que voulons-nous sauver ?
©Reuters

Même pas peur ?

Si nous nous contentons de reprendre comme avant, cela reprendra comme avant.

 Koz

Koz

Koz est le pseudonyme d'Erwan Le Morhedec, avocat à la Cour. Il tient le blog koztoujours.fr depuis 2005, sur lequel il partage ses analyses sur l'actualité politique et religieuse

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Le soleil s’est tout de même levé sur Paris. Après la terrible noirceur, malgré la peine et la douleur, malgré la détresse des familles de victimes et les vies brisées de tant de personnes qui respiraient la vie, la joie et les projets, malgré les tragédies que nous connaissons depuis plusieurs mois, depuis que l’immonde a fait irruption dans notre monde par le fait de l' "Etat islamique", le soleil était là ce dimanche. Symbole de cette vie qui continue, et qui continuera envers et contre tous les attentats qui nous frappent et nous frapperont encore.

Une vie qui continue. Après chaque attentat terroriste, la même réaction, le même réflexe : parce qu’ils veulent porter atteinte à ce que nous sommes, la meilleure réponse à leur donner est de continuer à vivre comme avant. Est-ce vraiment la meilleure réponse ou n’est-ce que notre vœu le plus cher : que rien n’ait changé, que tout soit comme avant, que nous puissions en réalité rembobiner la cassette et reprendre à jeudi ?! Et si ce que nous nous plaisons à dépeindre comme la réaction sobre et digne d’un pays fort et mûr n’était qu’une réaction enfantine, d’ailleurs suggérée par cette réponse : « même pas mal », « même pas peur » ? Un rêve éveillé, « on ferait comme si » il s’était rien passé.

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Ne soyons pas injuste : depuis ce « je suis Charlie » qui nous rassemblait surtout par son flou, quelques progrès sont perceptibles. La réponse se fait un peu plus consistante. Cette fois, les images symboliques partagées sur les réseaux sont le « pray for paris » et aussi incroyable que cela puisse paraître à un Français qui a vécu les quarante dernières années… le drapeau français, comme une houle profonde sur les photos de profil de Facebook. En janvier, confusément, certains pouvaient rester « solidaires », solidaires des groupes touchés : les journalistes, les juifs. Mais solidaires des autres. C’était pourtant déjà une attaque contre la France. Cette fois, le doute n’est plus permis : ils ont frappé à l’aveugle, la société française dans ses activités de divertissement les plus simples. C’est une évidence : nous sommes tous visés. Nous sommes en guerre, une guerre non conventionnelle et en partie civile, puisqu’elle nous oppose à des ennemis de nationalité française.

Alors, on continue comme avant ?

Sur les réseaux, un « joli texte de soutien à la France » a connu un tel succès que je tremble à l’idée qu’il puisse devenir emblématique, et qu’il nous renvoie ainsi dans une vacuité satisfaite. Publié en commentaire sur le site du New York Times. Il se conclue ainsi « les forces des ténèbres reflueront. Elles perdront. Elles perdent toujours ». Parce que « la France représente tout ce que les fanatiques religieux du monde détestent » : le café en terrasse, les femmes en robe courte, se moquer des religieux comme des politiques, la bouffe, la baise. Qu’un Américain voit ainsi la France est une chose – nous projetons tous quelques fantasmes sur les pays étrangers – mais que tant de Français le reprennent à leur compte est… insatisfaisant. Daic Audouit, journaliste, a une réaction différente en un sens mais aussi très proche de la mienne : "l’hédonisme opposé à la charia ne lui suffit pas". La France a autre chose à proposer au monde que le bon vin et la cuisse légère de ses jolies demoiselles. Et, si l’on descend d’un ton dans l’ironie : nous avons plus à donner au monde que la douceur de vivre, même si j’aime aussi la douce France.

Certes, cela fait du bien d’évoquer ces madeleines des temps insouciants, quand les nuages s’amoncellent. Mais si nous nous contentons de reprendre comme avant, cela reprendra comme avant. Notre vacuité produira les mêmes résultats. Si nous ne parvenons pas à discerner davantage ce qui nous constitue, ce qui nous unit, si nous continuons d’oublier la grandeur et la noblesse, si nous continuons à ne viser que la simple jouissance personnelle – j’ai rien contre, notez, mais pas comme absolu – si nous continuons à discréditer notre identité, à dénigrer notre histoire, à mépriser nos pères, notre héritage spirituel et culturel,  nous continuerons de propager une société morcelée, désemparée, désorientée, prompte à laisser ses enfants les plus démunis en pâture aux barbares qui leur fournissent des idéaux frelatés, en quête d’une identité de substitution, et à offrir ses béances comme de grandes portes ouvertes à cet islamisme sanguinaire mais structuré.

Oui, si l' »Etat islamique » nous soigne tant, c’est qu’aux yeux de la barbarie obscurantiste, nous représentons l’ennemi.

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S’il est dommage de devoir en payer le prix, c’est un honneur d’être haï par ces gens-là, y compris dans leur vision un peu datée du pays qui « porte la bannière de la croix ». Pays de la douceur de vivre certes. Mais aussi fille aînée de l’Eglise et pays des Lumières, pays des droits de l’Homme et du citoyen, de la dignité de toute personne, du pardon contre la vengeance, pays d’un universel adossé à une identité profonde, pays d’humanisme, pays dans lequel il n’y a plus ni Juifs ni Grecs, ni homme libre ni esclave, ni homme ni femme, mais une seule personne, un seul peuple portant ce drapeau que dans le monde entier jusqu’en Irak et en Syrie, des hommes et des femmes persistent à regarder comme un étendard de liberté et d’égalité et de fraternité. Alors de grâce, portons haut le regard !

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