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Alerte sur l'Europe : ouragan politique en provenance de Londres
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Sans issue ?

Au Royaume-Uni, l'opposition travailliste s'est alliée aux eurosceptiques du parti conservateur pour presser le Premier ministre d'obtenir une réduction du budget de l’UE, ce qui pourrait pousser l'Union dans une crise politique grave.

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmidt

Paul Goldschmit est membre de l'Advisory Board de l'Institut Thomas More,

Il a également été directeur du service "Opérations Financières" au sein de la Direction Générale "Affaires Économiques et Financières" de la Commission Européenne.

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Au moment où le Président van Rompuy a présenté au Sommet européen son excellent rapport intérimaire traçant le chemin vers une "véritable union monétaire", les contradictions exprimées par les responsables politiques nationaux n’ont jamais semblé plus irréconciliables, que ce soit entre pays Membres de l’UE ou en leur propre sein.

Alors qu’au sein de l’ Union économique et monétaire (UEM) se dégage enfin, un consensus sur l’urgence d’adopter des mesures concrètes, comme la mise en place de l’Union bancaire. Ce débat, imprégné d’une très haute technicité financière et juridique qui le rend opaque à la majorité des citoyens, risque de s’effondrer dans les marécages des négociations budgétaires dont l’issue sera incontestablement un marqueur, cristallisant la place de la Grande-Bretagne dans l’Union et façonnant durablement ses orientations politiques.

Le ralliement d’une faction de l’opposition travailliste à l’objectif d’une réduction du budget communautaire prônée par la droite du parti conservateur britannique, rend quasiment impossible une solution "raisonnable" entre les négociateurs européens. En effet, soit un accord à minima est trouvé qui limitera pour sept ans les interventions de l’UE et mettra à mal sa capacité de financer la "solidarité" nécessaire à la résolution de la crise financière, soit le processus inexorable d’un retrait de la Grande-Bretagne de l’Union se mettra en place dans l’espoir de permettre la mise en œuvre de la feuille de route proposée par le Président van Rompuy.

Dans ce dernier cas, il s’ensuivra immanquablement une grave crise politique dont les conséquences sont largement inconnues. Comme l’a fait remarquer de façon pertinente, Philippe de Schoutheete lors d’un récent discours à l’Anglo-Belgian Association à Londres, la grande majorité des Etats Membresest probablement plus encline à prendre ce risque aujourd’hui qu’elle ne la jamais été. Il est cependant surprenant que le spectre d’un retrait de la Grande-Bretagne de l’Union semble moins préoccupant que celui d’un membre de l’UEM, alors que l’un comme l’autre créerait un fâcheux précédant et un risque de "contagion". Le citoyen aurait-il déjà oublié que les confrontations politiques (idéologiques) sont bien plus dangereuses pour la stabilité du monde qu’une crise financière, quelle que soit son amplitude ?

Ce qui est certain, c’est que l’éclatement d’une telle crise politique retardera immanquablement la mise en place des mesures indispensables à résoudre la crise financière et créera donc un risque de déstabilisation des marchés, cette fois irréversible.

Ce scénario catastrophe peut être géré avec un minimum de répercussions si, faisant preuve d’un courage politique peu commun, les autres Membres de l’UE imposent à la Grande-Bretagne un choix définitif : soit abandonner à terme toutes les dérogations dont elle bénéficie (dont le rabais budgétaire et la non participation à l’UEM) et se joindre à une Union qui s’oriente irréversiblement vers une structure fédérale, soit négocier un simple "Traité d’association", et perdre tous droits à se faire entendre dans les orientations et décisions de l’UE.

Dans le contexte actuel, cette initiative a peu de chances de se concrétiser à cause de tensions internes dans plusieurs pays Membres, particulièrement visibles en France. En effet, dans le débat sur la perspective d’une Europe fédérale, l’opinion publique française est bien plus proche de l’opinion anglaise que de celle de leurs partenaires continentaux ; cela est reflété par les récentes prises de position de la plupart des ténors politiques de tous bords; seul Jean-Louis Borloo, cherchant la différence et un ancrage, ose prendre une position clairement fédéraliste. On peut donc facilement imaginer que la France sera tentée par une solution de compromis, accommodant la Grande-Bretagne et ce pour au moins trois raisons :

  • En premier lieu, la Grande-Bretagne sert de contrepoids très utile dans les désaccords évidents entre la France et l’Allemagne qui tournent de plus en plus au bras de fer.
  • Ensuite la France a des intérêts militaires partagés avec le Royaume-Uni, dont la possession de l’arme nucléaire.
  • Enfin, la prétention de la France à conserver son siège au sein du Conseil de Sécurité au lieu de le céder à l’UE sera beaucoup plus difficile à justifier sans la participation anglaise à l’UE.

Sans une direction ferme de l’UEM par le couple franco-allemand, qui suppose une évolution profonde de l’opinion publique française, peu encline à des abandons de souveraineté et de prestige, la dynamique prometteuse lancée dans les conclusions du sommet de Bruxelles d’octobre risque de faire naufrage. Alors resurgiront, à plus ou moins court terme, les incertitudes sur l’avenir de la monnaie unique (parfaitement saine économiquement mais imparfaite structurellement) dont la survie est cependant intimement liée à celle de l’UE elle-même. 

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