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Alerte enlèvement : mais où sont passés les grands patrons français ?
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Signal d’alarme

Nani Beccalli, à la tête des activités européennes du General Electric, a mis en garde contre les signaux négatifs que la France envoie aujourd'hui aux investisseurs étrangers dans une interview donnée au Figaro. Cependant, on se heurte toujours au silence étourdissant du CAC40 représenté par le MEDEF sur cette question.

Gérard Thoris

Gérard Thoris

Gérard Thoris est maître de conférence à Sciences Po. il a notamment rédigé une Analyse économique des systèmes (Paris, Armand Colin, 1997), contribue au Rapport Antheios et publie régulièrement des articles en matière de politique économique et sociale (Sociétal, Revue française des finances publiques…).

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Il y a du mystère dans l’air. D’un côté, les agences de notation sont silencieuses sur la situation des finances publiques françaises. De l’autre les pigeons et autres volatiles sont obligés de manifester leur désarroi quand la portance du financement se dérobe sous leurs ailes. D’un côté, on aura remarqué le silence étourdissant du CAC40 représenté par le MEDEF, plus réactif que proactif. De l’autre, ce sont de grandes entreprises étrangères qui tirent le signal d’alarme.

C’est que, d’un côté, il y a les petits arrangements entre amis et, vraisemblablement, une parole contenue, sinon serve. De l’autre, on y respecte un des principes fondamentaux de la démocratie qu’est la séparation des pouvoirs. Sur les arrangements entre amis, on reprochait hier aux agences de notation d’être en contact avec leurs clients, voire même de construire ensemble la notation des Mortgage Backed Securities. On ne reproche pas à Pierre Moscovici, ministre de l’Economie de « parler régulièrement avec elles » et d’obtenir, comme il l’a dit au journal Les Echos  du 17 octobre dernier, qu’elles soient « prêtes à nous laisser du temps ». Sur la séparation des pouvoirs, ce que demandent finalement les pigeons et entrepreneurs étrangers, étrangement réunis, c’est le respect du droit de propriété et, plus généralement, de l’Etat de droit.

A dire vrai, le problème n’est pas nouveau. Carlos Ghosn n’a sans doute que modérément apprécié d’apprendre du Président Nicolas Sarkozy qu’on ne lui laisserait pas fermer l’usine Renault de Sandouville (2008). Il a dû négocier ferme pour répartir la production de la Clio IV dans les usines les plus productives du groupe (2010). A chaque fois, les concessions ont été importantes. Dans le premier cas, Nicolas Sarkozy a déclaré « ce site ne fermera pas. Le président Ghosn et Renault ont décidé d’y faire construire un véhicule utilitaire ». Sauf que ce véhicule utilitaire était produit en Angleterre et en Espagne et que son transfert à Sandouville a coûté 230 Mns d’euros pour rehausser le tunnel de peinture de soixante centimètres ! On peut arguer que, dans ce cas, l’Etat est encore actionnaire de Renault à 15 %. On peut aussi s’interroger sur les conséquences de ce bras de fer asymétrique sur les paramètres des décisions ultérieures du PDG de l’entreprise. Des situations comme celle-ci ont été légion de 2007 à 2012 et Libération s’en est ému à sa façon dans un article synthétique au titre évocateur : « les boss en ont assez de bosser pour Sarkozy ». C’était moins de dix jours avant l’élection présidentielle !

Tout se passe aujourd’hui comme si le costume de chef de l’industrie française était revêtu par le Ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg. Lui aussi transgresse les règles de droit comme l’affaire PSA l’a montré. Il n’est pas interdit de penser que les règles et procédures en cas de licenciement collectif sont extrêmement contraignantes en France et parmi les plus exigeantes du monde. Or, cela ne suffit pas. Il faut encore que le Ministre s’invite à la table des négociations avec une formule bien frappée : « Il est important de défendre les salariés qui risquent de perdre leur travail et de reformater, renégocier et diminuer le plan social »[5]. Que le patronat s’en émeuve, cela n’étonnerait pas mais il ne dit rien, ou presque. Que les syndicats ne s’en émeuvent pas devrait étonner car c’est la négation implicite de leur pouvoir de négociation. Il est vrai, il faut toujours le rappeler, que les plans de sauvegarde de l’emploi ne doivent pas être signés par les syndicats. Voilà qui, à la différence des syndicats allemands, en fait des mineurs à vie. Mais s’ils pouvaient signer, ils pourraient réellement négocier et, au final, accepter une transaction ferme et irrévocable. Arnaud Montebourg ne devrait pas en disconvenir, lui qui, dans le même souffle, affirmait : « Affaiblir Peugeot, ne pas l'aider, si elle en a besoin, c'est risquer la descente aux enfers pour les 100 000 salariés qui restent »

Qui pourrait croire que tous ces débats entre Gaulois ne sont pas entendus ? L’irréductible village finira par ne même plus intéresser le reste du monde tant ses fractures internes le fragilisent. C’est, au moins, on peut le supposer, l’une des arrières-pensées de Nani Beccalli, PDG de General Electric, lorsqu’il estime à partir de l’exemple du marché du travail, que « la France envoie des signaux qui (…) au vu de l’étranger, n’en font pas le pays où il faut être »

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