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Alain Finkielkraut a accepté de débattre avec Alain Juppé... pas sûr que ce dernier doive s’en féliciter
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Ah, les foulards

Pour Alain Juppé, le voile est apparemment un simple accessoire vestimentaire. Le croit-il vraiment ?

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Plus de dix pages dans Le Point. Une affiche à exploser les compteurs : le philosophe le plus célèbre (à juste titre) de France et le favori pour l’élection présidentielle pour 2017. Islam, immigration, identité nationale : les deux hommes ne sont à peu près d’accord sur rien. Ce qui promet. Alain Finkielkraut est égal à lui-même : réfléchi, lucide, brillant. Rien de surprenant. La surprise vient d’Alain Juppé. Surprise car l’ancien Premier ministre est réputé être un des hommes les plus intelligents de France, "le meilleur d’entre nous", disait de lui Jacques Chirac. Et à lire ses arguments, on se pince : non, on ne rêve pas. Non, nous ne sommes pas sur Médiapart, au Front de gauche, ou chez les petits-bourgeois bien-pensants tendance écolo-islamique. Nous sommes avec Alain Juppé.

Une de ses priorités – il le dit en long et en large –, c’est le combat contre l’islamophobie. Pourquoi pas ? Encore qu’Alain Juppé ne peut pas ignorer que la France est le seul pays d’Europe où les Juifs sont tués parce que juifs, alors que – Dieu merci – aucun musulman n’y a été assassiné parce que musulman. Chacun ses hiérarchies. Alain Juppé a les siennes et il est le seul à en connaître les mystères. A ce propos – et inévitablement –, la controverse s’est orientée vers le voile. Alain Juppé comprend qu’on l’interdise à l’école mais ne comprend pas qu’il soit interdit à l’université.

Ça peut se discuter. Mais Alain Juppé plaide avec un argument qui laisse pantois émanant du "meilleur d’entre nous" : "En quoi ça m’a choqué de voir ma mère aller à l’église avec un foulard sur la tête ? De même que ma grand-mère ne sortait pas “en cheveux”. Des milliers de jeunes filles musulmanes voilées ont dû bondir de joie en apprenant qu’elles avaient un point commun – un accessoire vestimentaire – avec la mère et la grand-mère d’Alain Juppé ! Avec tout le respect qui est dû à la maman et à la grand-maman du maire de Bordeaux, serait-ce trop demandé à Alain Juppé de préciser dans quels pays catholiques, à l’époque qu’il évoque, le foulard était une obligation contraignante ? Dans quels pays catholiques le refus de porter un foulard entraînait-il des châtiments corporels, le plus répandu étant la flagellation ?

Mais Alain Juppé fait encore plus fort en répondant à Alain Finkielkraut qui insistait sur la nécessaire distinction entre "l’accueillant" et "l’accueilli". Citons-le sans en retrancher un seul mot. "Les républicains espagnols qui sont arrivés à Bordeaux en 1936-1937 sont aujourd’hui bien intégrés, parfaitement bien dans leur peau et n’ont absolument pas coupé leurs racines." Nous suggérons au maire de Bordeaux de vérifier dans les archives de sa ville si, un soir du nouvel an 1936 ou 1937, des jeunes réfugiés espagnols, jeunes car soldats de l’armée républicaine, se sont livrés à une orgie d’agressions sexuelles sur les femmes autochtones. Nous pensons aussi qu’Alain Juppé devrait se renseigner sur l’accueil réservé aux républicains espagnols. Tous ont été parqués dans des camps d’internement ! Ce n’est sans doute pas ce que M. Juppé souhaite pour les réfugiés musulmans.

Dans le genre mauvaise pioche, on ne fait pas mieux. Si, on peut faire mieux, et seul Alain Juppé en est capable. Il reconnaît, bien sûr, les excès et les dérives de l’islamisme. Mais il ne peut s’empêcher de rappeler que l’Eglise catholique a aussi été en son temps "combative" et il cite – tarte à la crème d’une affligeante banalité – la célèbre phrase prononcée lors du massacre des Albigeois : "Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens." Elle date de quand, cette sanglante croisade, Alain Juppé ? D’il y a environ huit siècles ! Si l’islam en est là aujourd’hui, armons-nous de patience…

Lisez l’intégralité du débat dans Le Point : ça en vaut la peine. Et n’oubliez pas qu’Alain Juppé est candidat à la présidence de la République. Pas Alain Finkielkraut. Ce qui est dommage.

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