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La loi de sécurisation de l'emploi, votée le 14 mai 2013 au Sénat, prévoit la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés à l’horizon 2016.
La loi de sécurisation de l'emploi, votée le 14 mai 2013 au Sénat, prévoit la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés à l’horizon 2016.
©Reuters

Gueule de bois

La loi de sécurisation de l'emploi, votée le 14 mai 2013 au Sénat, prévoit la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés à l’horizon 2016. S’ils le souhaitent, ces derniers pourront souscrire une surcomplémentaire santé.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Initialement, ce devait être une grande conquête sociale. C’est même ainsi que les syndicats signataires de l’accord interprofessionnel sur la sécurisation de l’emploi l’avaient présentée : la généralisation de la complémentaire santé devait apporter la santé et le bien-être dans tous les foyers salariés de France. Effective au 1er janvier 2016, elle mettait un terme à une grande époque d’obscurantisme, et promettait même d’ouvrir la voie à une sorte de sécurité sociale de la complémentaire santé.

Évidemment, aucun parlementaire de la majorité n’a à l’époque pris soin de rappeler qu’une majorité d’entreprises avait déjà doté ses salariés d’une complémentaire santé et que moins du quart des salariés du secteur privé (soit 4 millions de personnes sur 16, grosso modo) n’étaient pas inclus dans ces dispositifs.  Aucun d’entre eux n’a non plus pris soin d’expliquer clairement que, sous couvert de généraliser la complémentaire santé, le gouvernement avait entrepris de réserver furtivement ce marché colossal (une grosse trentaine de milliards d’euros en France) aux seules institutions de prévoyance, c’est-à-dire aux organismes d’assurance gérés par les syndicats, en excluant soigneusement les horribles capitalistes qui proposent des contrats d’assurance sans financer les centrales syndicales sur le dos des assurés. C’est le Conseil constitutionnel qui a invalidé la disposition avant la promulgation de la loi, en rappelant la liberté des entreprises à choisir leur assureur librement.

On rappellera ici les propos de Joseph Thouvenel, négociateur de la CFTC et vice-président de ce même syndicat, qui déclarait en janvier 2013 à l’Humanité : "Nous tenons par ailleurs à englober la prévoyance dans le projet de complémentaire santé. Changer ses lunettes, faire soigner ses dents, c’est très important. Si une personne décède, qu’il bénéficie d’une rente éducation pour ses enfants, me paraît encore plus important." Bien entendu, la prévoyance est restée au bord de la route. Quand au reste…

Dès les premiers jours de septembre, Bercy annonçait que les avantages fiscaux dont la complémentaire santé bénéficiait étaient remis en cause. En particulier, les participations des employeurs à ces contrats seraient, à compter du 1er janvier 2014, considérées comme des revenus pour les salariés. Ceux qui sont taxés à la tranche marginale de 25% devront donc ajouter… 25% de cette participation à leur feuille d’impôts. Soit parfois plus de 400 euros, payés sur des revenus qui ne sont pas perçus.

Quelques semaines plus tard, le gouvernement annonçait que les remboursements de certains soins par les complémentaires santés seraient plafonnés si les entreprises qui ont souscrit ces contrats souhaitent conserver les quelques avantages fiscaux qui leur restent. En particulier, les remboursements optiques devraient être sévèrement limités. On parle aujourd’hui, après plusieurs mois de débats, d’un plafond à 450 euros tous les deux ans.

Autrement dit, la généralisation de la complémentaire santé se traduit, pour ceux qui en disposaient déjà, par une augmentation des impôts et une augmentation des restes à charge sur les soins les plus coûteux.

Dans la foulée, comme la généralisation s’accompagne d’un panier minimal de soins que les entreprises sont sommées d’offrir à leurs salariés, avec un partage des coûts (partage illusoire, puisque la participation de l’employeur est considérée comme un salaire déguisé et imposable pour les salariés), les entreprises devraient assez rapidement céder à la tentation naturelle lorsque le devoir remplace l’envie : celle du minimum syndical.

Beaucoup de contrats très protecteurs devraient donc être prochainement dénoncés pour céder la place à des contrats bas de gamme, moins coûteux, et bien entendu moins protecteurs.

Bref… là où la liberté des partenaires sociaux avait mis en place graduellement un système protecteur et vertueux, l’obligation imposée par la loi devrait dégrader la qualité des contrats, augmenter les restes à charge des salariés en matière de soins, et leur montant d’imposition.

Tout cela au nom de la démocratie sociale et des valeurs de gauche, bien entendu.

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