À la veille du 1e tour, les salariés du privé sont plus inquiets de l’avenir que les chefs d’entreprise et les marchés<!-- --> | Atlantico.fr
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Les législatives inquiètent une partie des salariés.
Les législatives inquiètent une partie des salariés.
©CRÉDITLUDOVIC MARIN / AFP

Atlantico Business

La classe politique aborde le premier tour des élections législatives dans la pagaille, les salariés du privé s’inquiètent de toutes les incertitudes, alors que les chefs d’entreprise sont plus sereins et que les marchés financiers ne sont pas bouleversés.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La décision de dissoudre l’Assemblée nationale, prise par le président de la République, a semé une belle pagaille dans la classe politique qui est désormais coupée en trois blocs antagonistes avec une hypothétique majorité qui pourrait sortir des urnes lors du second tour. En attendant, les opinions publiques ont assez mal encaissé les incertitudes liées à la dissolution elle-même et à la violence des programmes tricotés en vitesse par les leaders de ces trois coalitions qui se retrouvent en lice. La publication des programmes, le flou des chiffrages présentés ont encore accru le sentiment de désordre et d’incertitude.

Cependant, si on reprend la plupart des enquêtes d’opinion réalisées jusqu’à la veille du Premier tour, on s’aperçoit que la population active est plus inquiète que les chefs d’entreprise et même que les marchés financiers qui n’aiment pourtant guère le manque de visibilité.

1er constat : la population des actifs salaries du prive ,exprime ses craintes sur l’avenir, et notamment son avenir professionnel. La dissolution de l’Assemblée nationale fait plus que jamais planer un climat d’incertitude (économique, politique, sociale) sur la France, qui s’ajoute à un contexte socio-économique déjà tendu auparavant. Inflation, réforme des régimes de retraite, baisse de la note de la France par Standard & Poor’s, explosion de la dette publique, et maintenant crise politique… nombreux sont les facteurs assombrissant l’avenir des Français, ou au moins la perception qu’ils ont de celui-ci. Avec la dernière étude réalisée en collaboration avec OpinionWay, Indeed a interrogé 1165 actifs sur leur vision de l’avenir (celui du pays mais aussi le leur) et leurs sujets de préoccupation principaux. Il ressort que :

- 60% des actifs français considèrent l’inflation comme l’un de leurs principaux sujets d’inquiétude.

- 63% ont une vision négative de l’avenir du marché du travail.

- 67% (et 75% chez les moins de 35 ans) trouvent qu’il est compliqué d'imaginer leur future carrière professionnelle.

- 73% s’inquiètent à l’idée de devoir cumuler deux emplois ou plus pour pouvoir s’en sortir financièrement.

Sans surprise, quand on leur demande quels sont les sujets qui les préoccupent le plus pour l’avenir, 60% des personnes interrogées dénoncent l’inflation – et 24% la placent en numéro 1 dans cette liste de sujets d’inquiétude.

La hausse des prix, et en sous-texte la baisse du pouvoir d’achat, arrive “loin devant” les autres thèmes.

L’environnement (le dérèglement climatique, la pollution, etc.) figure parmi les sujets les plus préoccupants pour 39% de la population active, presque ex æquo avec l’insécurité (38%). L’instabilité au niveau mondial (conflits et tensions) et la baisse de la protection sociale sont également citées respectivement par 34% et 33% du panel.

L’instabilité géopolitique soucie nettement plus les catégories socioprofessionnelles dites “supérieures” (CSP+) et les plus de 50 ans. L’augmentation de la dette publique (et son impact sur les contribuables) inquiète davantage les hommes que les femmes. Les actifs seniors sont les plus susceptibles de trouver l’insécurité préoccupante, et partagent beaucoup plus de craintes concernant l’évolution des réformes de retraite – eux qui pourtant, ont plus de probabilité de bénéficier d’une retraite, ou du moins, d’en bénéficier dans de meilleures conditions que la jeune génération actuellement sur le marché du travail. Les sujets liés aux évolutions technologiques et à la place grandissante de l’IA sont cités en dernier, tout comme le risque de maladie ou de pandémie (tous mentionnés par moins d’1 répondant sur 5). Cela montre que les professionnels français ont globalement refermé le chapitre de l’ère Covid, et ont désormais d’autres sujets prioritaires ; et que la transformation technologique de nos sociétés n’est pas le plus grand générateur d’incertitudes et de craintes actuellement.

L’étude sonde aussi la perception des actifs concernant l’avenir du marché du travail. 63% d’entre eux en ont une vision négative, contre 31% plus positifs (et 6% ne souhaitent pas se prononcer). Parmi les 63% de “négatifs”, les répondants se déclarent notamment inquiets (24%), pessimistes (18%), résignés (11%) et anxieux (10%). 10% se disent tout de même sereins, et 9% (seulement !) sont optimistes. En revanche, quand la question concerne leur propre avenir professionnel, l’adjectif le plus souvent choisi par les actifs est “serein” (19%), et 52% des sondés expriment une vision positive de ce que leur réserve leur carrière. Les professionnels français seraient donc plus optimistes pour eux-mêmes que pour les autres. Les femmes sont nettement plus nombreuses que les hommes (en proportion) à avoir une vision négative de l’avenir – qu’il s’agisse du leur, ou en général – et les plus de 50 ans expriment bien plus de pessimisme sur l’avenir du travail que les plus jeunes générations. Ne pas gagner assez est évidemment la crainte principale de la population active en France, ce qui rejoint le risque d’inflation ou la revendication de pouvoir d’achat. En bref : 67% des actifs trouvent qu’il est compliqué d'imaginer leur future carrière professionnelle dans un contexte aussi incertain (notamment en matière de droit du travail). Chez les jeunes, ce chiffre s’élève à 75% ; trois quarts donc, qui ont le sentiment d’avancer un peu “à l’aveugle” (ou “sans plan”) professionnellement.

Méthodologie de l’étude : L’enquête a été menée par OpinionWay pour Indeed du 7 au 9 mai 2024, auprès de 1 165 personnes représentatives de la population active française âgée de 18 ans et plus, et d’un suréchantillon de personnes travaillant à leur compte (auto-entrepreneurs, professions libérales…) afin d’atteindre un total de 230 travailleurs indépendants.

2e constat : le climat chez les chefs d’entreprise paraît plus serein. Les résultats de « la nouvelle enquête terrain CCI OpinionWay », réalisée auprès de 1 020 chefs d’entreprises entre le 13 et le 19 juin, donnent une photographie de la résilience des patrons et de leur pragmatisme. Alors, l’indicateur de l’optimisme des chefs d’entreprise s’établit à 82 points en juin, affichant une chute de 9 points qui efface la progression du mois de mai. 66% des dirigeants interrogés redoutent que la situation politique française actuelle ait des conséquences dans leur entreprise. Mais, malgré ce contexte d’incertitude, les intentions d’embauche ne sont pas impactées : 78% des chefs d’entreprise comptent maintenir leurs effectifs (+1 point) et 15% envisagent toujours de les augmenter (stable). La réduction des charges et de la réglementation est l’attente prioritaire des chefs d’entreprise pour les prochains mois (72%). Ce qui fait dire à Alain Di Crescenzo, le président de CCI France : « Il nous appartient de veiller collectivement à ne pas détruire la dynamique fragile engagée ces derniers mois par nos entreprises. Les CCI ont toujours répondu “présent”, tant par temps calme qu’en période de crise. Elles seront toujours aux côtés des chefs d’entreprise pour les accompagner dans leurs projets. »

Ce qui est intéressant selon la plupart des sondages commandés par les organisations patronales, c’est que la publication des programmes de gouvernement de la Gauche comme de la Droite a, dans un premier temps, paniqué la sphère patronale, mais au bout de quelques jours, les mêmes patrons se sont convaincus que les promesses électorales ne pouvaient pas être appliquées. Notamment celles du NFP (Nouveau Front Populaire). Les programmes conduisent à la faillite et surtout déclenchent des clauses de survie d’ordre juridique et européen. Quant au programme du Rassemblement National, il ne sera pas mieux appliqué que celui de la gauche, notamment parce que Jordan Gardella l’a expurgé des mesures les plus radicales et les plus chères pour ne pas semer la panique justement. Donc, pour beaucoup de chefs d’entreprise à la veille du premier tour, le principe de réalité fera que les programmes ne seront pas appliqués.

3e constat : les marchés financiers et ceux de la dette font un peu le même diagnostic. La bourse n’a pas dérapé cette dernière semaine. Elle a même rattrapé le trou d’air dans lequel tout le monde est tombé au moment de l’annonce de la dissolution. Du côté de la dette, l’Agence France Trésor n’a eu aucun mal à placer son papier au mois de juin. Les taux d’intérêt s’étaient redressés au moment de l’annonce de la dissolution, ils sont revenus au taux normal autour de 3% avec un spread allemand très calme. En bref, les investisseurs étrangers ne paniquent pas sur le marché de la dette. En revanche, sur le marché des investissements industriels beaucoup de projets qui ont été concoctés à l’étranger pour l’hexagone ont été mis entre parenthèses en attendant d’y voir plus clair sur la gouvernance française et par conséquent sur les résultats du 2e tour.

A noter que L’enquête Opinion Way pour Indeed a été réalisée du 7 au 9 mai 2024, auprès de 1 165 personnes représentatives de la population active française âgée de 18 ans et plus, et d’un suréchantillonna de personnes travaillant à leur compte (auto-entrepreneurs, professions libérales…) afin d’atteindre un total de 230 travailleurs indépendants.

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