Inversion de la courbe du chômage : à combien la facture des emplois aidés va-t-elle s'élever ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le mois d’octobre a été marqué par une hausse du nombre de personnes en contrats aidés.
Le mois d’octobre a été marqué par une hausse du nombre de personnes en contrats aidés.
©Reuters

C'est le tarif !

L'inversion de la courbe du chômage annoncée par le gouvernement étant intégralement due aux contrats aidés et aux radiations administratives, l'avenir de l'emploi en France reste très incertain.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Atlantico : "L'inversion de la courbe du chômage est désormais amorcée", s'est félicitée la présidence de la République après la publication jeudi d'une baisse de 20.500 chômeurs inscrits en catégorie A à la fin octobre. Mais le mois d’octobre a été marqué par une hausse des radiations administratives (11.000 de plus sur un mois), et surtout par une hausse du nombre de personnes en contrats aidés, en stage ou en formation (16.000 sur un mois). Dans ces conditions, l’État n’est-il pas tout simplement en train d’acheter l’inversion de la courbe du chômage ?

Christophe de Voogd : Je commencerai par une remarque générale : la confusion la plus grande règne en France sur cette question du chômage, en raison de son instrumentalisation favorisée par la différence des sources et  des chiffres utilisés : Pôle emploi, DARES, Insee, Eurostat, chiffres métropole ou France entière, catégorie A ou ensemble des chômeurs ; périodes de références choisies, types de contrats aidés etc.Tout cela conduit bien souvent à tout mélanger.

Un peu de clarté et de méthode s’impose donc, mais cela demande un travail fastidieux devant lequel bien des commentateurs reculent : si l’on ne retient que les chômeurs de catégorie A selon les chiffres de pôle emploi, il y a bien une baisse ce mois-ci. ; mais, d’une part, ces chiffres ne comprennent pas l’Outre-mer qui sauf avis contraire est encore en France ; or l’Outre-mer va très mal. D’autre part contrairement à ce qu’on lit partout ce n’est pas "la première baisse depuis avril 2011" : en août 2011 ce même chiffre avait reculé de 2 000 et personne n’avait parlé d’inversion de la courbe du chômage ! Et par deux fois sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, en 2007-2008 et en 2010-2011, ce recul s’était produit, et fortement pendant de longs mois.

D’autre part la source de la baisse actuelle est préoccupante : elle est intégralement due aux contrats aidés et aux radiations administratives. On parle beaucoup des premiers mais pas assez des secondes ; or un fait est frappant : la forte hausse depuis l’été de ces radiations qui dépassent les 50.000 par mois en moyenne. C’est sur ce point, qui ne peut s’expliquer que par la politique de Pôle emploi, que devraient se concentrer les questions au gouvernement.

Par ailleurs le nombre de chômeurs, toutes catégories confondues, continue à croître, et le plus grave, c’est que les offres d’emploi continuent à reculer.

La conclusion est claire : le chômage fait l’objet d’un traitement exclusivement statistique et social. Sa baisse n’a aucune réalité économique. Et le rythme d’aggravation du chômage – je m’étonne de ne voir le calcul nulle part, même la droite ne l’a pas fait ! -  a augmenté de 30% en moyenne mensuelle depuis mai 2012.

Depuis son arrivée au pouvoir l’exécutif a multiplié les dispositifs d’emplois aidés : contrats uniques d’insertion, contrat de professionnalisation, emplois d’avenir, contrat de génération, emplois francs (lire Le Parisien)... Quelle est la facture pour l’Etat de ces différents dispositifs ?

N’oublions pas que ces contrats ne sont pas une exclusivité de la gauche : il y en a eu jusque 400.000 sous Nicolas Sarkozy. A quoi s’ajoutent désormais emplois d’avenir et contrats de génération : 100.000 à ce jour.

Les estimations du coût varient car il dépend du nombre, du type de contrats signés et de la nature de l’employeur car les règles diffèrent entre secteur non marchand et marchand !  Pour les emplois d’avenir le coût moyen est d’environ 11.000 euros par an, d’après l’Institut de l’entreprise. Le consensus est qu’à plein régime, le dispositif coûtera en 2014 dans les 3,3 milliards d’euros ; et il s’agit là de dépenses annuelles, donc récurrentes.

Le rapport entre le coût de cette politique et le nombre d’emplois créés est-il avantageux ?

Il y a deux aspects dans votre question qui sont contradictoires : le coût pour l’État par emploi aidé est certes bien inférieur au coût du même emploi, s’il s’agissait d’un emploi public "normal", d’autant qu’il s’agit de temps partiels. Mais c’est l’expression "emplois créés" qui pose problème : il faudrait enfin comprendre en France que l’État ne crée, économiquement parlant, aucun emploi ! il crée des impôts - ou de la dette -  qui lui permettent de financer des emplois. Seules les entreprises créent de l’emploi à partir de la production de richesses marchandes. Fait économique élémentaire mais qui reste largement ignoré dans notre pays, à gauche et même à droite ; et même chez certains économistes….

A long terme, ces dispositifs peuvent-ils néanmoins avoir une efficacité ? Comment transformer ces activités réduites et en emplois plus durables ?

La réponse découle logiquement de ce qui précède : ce qu’il faut apprécier,  c’est le coût non pas pour l’État, mais pour l’économie, des ces dispositifs : autant de charges supplémentaires sur les contribuables actuels ou futurs, d’autant que ces emplois sont essentiellement non-marchands ; donc autant de freins supplémentaires à notre compétitivité déjà si mal en point. Pour les bénéficiaires de ces emplois, ils peuvent y trouver une bouffée d’oxygène bien nécessaire mais gare à l’illusion : ces CDD ne conduisent que très rarement à un emploi marchand. L’expérience des années Jospin, toujours rappelée, est un leurre car les débouchés obtenus l’on été dans le secteur public et parapublic. Pérennisation de l’emploi qui signifie en fait  pérennisation des charges pour la société. Nous n’en avons plus les moyens. Certains, comme Bertrand Martinot dans son récent ouvrage "Chômage : inverser la courbe" vont même jusqu’à dire que ces emplois aidés pourraient être contreproductifs pour les intéressés en entretenant l’illusion de leur employabilité.  La vraie réponse au chômage des  non qualifiés est d’abord  la formation professionnelle : à quand l’ouverture du chantier ? 

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