5G, vaccins, alimentation... Pourquoi une partie de la France ne croit plus ni au progrès, ni à l’intelligence du bon sens ? <!-- --> | Atlantico.fr
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5G industrie technologie innovation masques vaccins gilets jaunes Français
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©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Atlantico Business

Les progrès de la technologie sont devenus les facteurs d’un clivage sévère de la société, entre ceux qui les refusent et les bloquent et ceux qui les encouragent. Le débat est devenu surréaliste et inquiétant.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Entre la 5G qui donne le cancer et les vaccins qui provoquent la maladie plutôt que la soigner et l’agroalimentaire qui nourrit des perturbateurs endocriniens, nos conditions de vie nourries par les progrès technologiques n’auraient jamais provoqué autant d’inquiétudes, de débats et de clivages sociaux politiques. C’est d’ailleurs assez hallucinant quand on sait que l’essentiel des progrès qui sont en cause aujourd’hui sont le produit de l’intelligence humaine, de l’éducation et des capacités d’expérience ou de contrôle.

Dans le climat actuel, bouleversé par la crise sanitaire et les dérèglements mondiaux, une partie de la France ne croit plus au progrès. Plus grave, elle ferme les yeux sur les faits et les chiffres qui pourraient relativiser la dangerosité des grandes innovations.

Le procès qui est actuellement instruit contre la 5G est absurde du seul point de vue scientifique et catastrophique par rapport aux conséquences économiques. L’opposition radicale aux pratiques de la médecine moderne - et même aux vaccins - est dangereuse pour la santé collective. On peut éventuellement admettre que le respect de la liberté individuelle puisse justifier qu’un individu refuse tel ou tel traitement, mais on ne peut pas accepter que, par son comportement, il mette en danger la vie d’autrui. Or si on ne fait rien pour se protéger, c’est dans bien des cas faire courir un risque aux autres.

On a certes le droit et la liberté de refuser le progrès pour soi, on ne peut pas agir et militer pour en interdire le bénéfice aux autres. Or, c’est un peu ce qui se passe aujourd’hui. La France est d’ailleurs tellement frileuse qu’un de ses présidents de la République a cru bon d’inscrire dans la Constitution « le principe de précaution ». Quelle erreur. Un principe qui pourrait empêcher et freiner tout progrès, pour peu qu‘il soit porteur de risque. Et si nos gouvernants n’avaient pas heureusement la sagesse de l’oublier, avec le principe de précaution, Christophe Colomb n’aurait jamais pu partir et découvrir ce qu’il a découvert.

Tout progrès, à partir du moment où il dérange une habitude, un process, un privilège, une rente, est porteur de risque social, politique en supposant que la science nous permette de se garder des risques sur la santé. Et par conséquent, il soulève des résistances.

L’innovation, le progrès, les changements ont toujours, dans l’Histoire, provoqué des manifestations d’opposition, de résistance et de blocage. Notamment depuis les Lumières. La superposition, le mariage ou la coïncidence entre la revendication et la reconnaissance des libertés individuelles au 18e siècle et la révolution industrielle du 19e siècle ont donné naissance à un débat permanent sur l’adoption par le plus grand nombre des grandes innovations technologiques, sur leur ampleur et leur rythme.

L’invention de la machine à vapeur ou la découverte de l’électricité ont provoqué des manifestations de peur et d’hostilité. Les premiers chemins de fer ont été accusés de porter un tas de maladie et notamment d’entrainer des fausses couches. Louis Renault a eu beaucoup de mal à convaincre les cochers de diligence d’abandonner leurs chevaux pour conduire les fameux taxis et même Gustave Eiffel a eu beaucoup de mal à terminer la construction de sa tour, qui au départ n’avait que pour vocation d’être une éphémère attraction réservée à l’exposition universelle. Il a dû affronter l’hostilité des politiques de la ville de Paris mais aussi les intellectuels. Émile Zola avait même entrainé ses camarades de L’Aurore dans une grève de la faim pour empêcher les camions d’approcher le chantier. Ne parlons pas de Pasteur ou de Marie Curie qui, l'un avec ses vaccins faisait peur a tout le monde et l’autre, avec son radium, était considérée comme la fille du diable.

Époque insensée avec le recul. Mais celle que nous traversons aujourd’hui lui ressemble une peu.

Le vrai problème dans ce type de manifestation sociétale est de repérer les facteurs ou les conditions à réunir pour faire réussir une innovation et l‘appliquer.

Ferdinand Braudel, l’historien, a magnifiquement expliqué qu‘une innovation était révolutionnaire et réussissait à s’imposer quand elle était adoptée par le plus grand nombre. Les inventions qui se sont multipliées à partir de la révolution industrielle, ont permis à l’Europe, d’abord de sortir une majorité de ses populations de la misère la plus noire en Grande Bretagne, en Europe du nord et en France. L’électricité a apporté de la liberté et du confort au plus grand nombre. Les progrès de la médecine aussi. Quant au digital aujourd’hui, il profite au plus grand nombre qui peut disposer du maximum de l‘information et du savoir à des prix dérisoires.

Les grandes innovations n’ont jamais été voulues par les élites dirigeantes, au contraire. Certaines élites dirigeantes s’y opposaient parce que la plupart des innovations pouvaient affranchir les masses populaires d’une grande partie des contraintes qui pesaient sur leur vie. Le génie du Général de Gaulle a été, après la guerre, de refuser un modèle fondé sur « la lampe à huile et la marine à voile » et de relancer des grands programmes innovants.

Le problème aujourd’hui est que la situation politique est tellement compliquée et stressée qu’on voit mal un chef d’Etat lancer des chantiers aussi importants ou impactants que le programme de centrales nucléaires ; que les grands aéroports de Charles de Gaulle, ou même le programme Ariane qui est encore aujourd’hui un grand succès.

Alors on est dans une situation assez paradoxale, la machine à innover fonctionne très bien dans tous les sens, mais la machine à développer, c’est à dire à appliquer des innovations, est bloquée.

Une partie de la France a peur du progrès, une partie des élites fait tout pour bloquer l’émergence et l’application des facteurs de progrès, soit par idéologie, soit par auto protection de son pouvoir.

Il est évident que la gauche française, emmenée par un courant social-démocrate, avait su conduire la modernisation de ce pays, même dans les années 80, bien après les « Trente glorieuses ». Cette gauche avait su gérer les effets de la modernité pour en faire profiter au plus grand nombre. Cette gauche a disparu, siphonnée par la France insoumise et le courant radical des Verts qui incarne une défiance envers le progrès. Mais cette gauche-là s’oppose au progrès parce qu’elle a pour objectif - avoué d’ailleurs - la destruction du système capitalisme et modèle de consommation qui est celui choisi par le plus grand nombre. L’ambition de ce courant n’est pas de lutter pour le climat, mais de changer la société. La lutte pour le climat n’est qu’un outil de communication pour lutter contre la croissance.

La droite libérale, elle, s’est un peu fondue dans un logiciel très pragmatique en faisant confiance aux forces du marché et c’est vrai que le marché permet au plus grand nombre de sélectionner les innovations qui lui conviennent ou pas. Le marché a beaucoup de défauts mais il a la vertu de sélectionner les meilleurs, les plus efficaces et les plus performants pour le plus grand nombre et non pas pour une élite. L’élite capitaliste a besoin que le marché soit satisfait, sinon le marché zappe.

Le problème, c’est que la droite libérale a oublié ces dernières années que le marché avait besoin d’un État cohérent et efficace pour fonctionner. Il faut donc faire un peu de politique. Un État qui protège et garantit la paix et la sécurité parce que les acteurs du marché en ont besoin. Un État qui assure aussi une fiscalité équitable et stable parce que les acteurs ont besoin de visibilité et de stabilité pour investir à long terme. Enfin, la droite libérale a oublié qu‘il fallait des lois simples mais applicables et qu'il fallait aussi avoir les moyens de les faire appliquer.

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