59% des Français soutiennent une intervention internationale en Syrie mais pas un engagement de la France : avons-nous déjà payé un tribut suffisant à la stabilité mondiale ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des combattants de l'Armée syrienne libre.
Des combattants de l'Armée syrienne libre.
©Reuters

Sondage exclusif Ifop Atlantico

Un sondage Ifop/Atlantico révèle que 59% des Français soutiendraient une intervention internationale en Syrie. Cependant, 49% de nos concitoyens n'envisagent pas que la France y prennent part.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Alors que la guerre civile syrienne semble ne pas pouvoir trouver d'issue et que les combats ne cessent de s'intensifier, des rumeurs d'utilisation d'armes chimiques émanent des deux camps et commencent à alerter l'opinion internationale.

Atlantico : Le sondage réalisé par l’Ifop pour Atlantico révèle que les Français sont à 59% favorables à une intervention militaire des Nations Unies en Syrie. Comment expliquer ce record depuis le début du conflit ?

Jérôme Fourquet : Le chiffre de 59% d’opinion favorable à une intervention en Syrie s’explique par une crainte de plus en plus grande quant à la tournure qu’est en train de prendre cette guerre civile. L’intensité des combats mais aussi les inquiétudes montantes à propos de l’utilisation d’armes chimiques par l’un des deux camps et surtout l’implication constatée de certains pays voisins comme le Liban, Israël et la Turquie ont fait bouger lourdement l’opinion.

En effet, les causes de l’évolution favorable de l’opinion quant à une intervention internationale est à la fois interne et externe au territoire syrien. D’une part à l’intérieur des terres, l’utilisation de gaz – et bien qu’il soit impossible pour l’instant de déterminer lequel des deux camps en est à l’origine – a clairement fait grimper le niveau d’horreur du conflit. A l’extérieur, la dégradation de la situation sur place qui s’inscrit dans la durée pourrait finir par avoir des effets très négatifs sur les pays voisins qui, sans être nécessairement alliés, sont pour le moins des pays sensibles dans l’opinion. Nous fêtons ces jours-ci les deux ans du début du conflit et aucun des deux camps ne semble pouvoir prendre le dessus pendant que les populations civiles continuent de faire les frais de ce bourbier qui semble sans fin aux Français sans une intervention internationale. C’est sans doute pour cela que l’opinion française y est à ce point favorable. 

Si les Français soutiennent l’intervention internationale, ils se prononcent à 49% contre un engagement français. Les Français pensent-ils avoir déjà payé leur tribut de sang et d’argent ?

Les Français se disent peut-être en effet que notre pays a déjà payé sa part de la contribution à la sécurité globale du monde à travers l’intervention au Mali dans laquelle, et ce malgré un large soutien, les puissances occidentales nous ont laissé seuls au combat. Ce sentiment a d’autant plus de sens qu’en s’engageant au Mali, la France n’a pas défendu ses seuls intérêts mais au contraire ceux du monde entier tant ce qu’on y a trouvé était d’une ampleur peu commune. Les Français considèrent donc très probablement qu’il relève du rôle de leurs "grands alliés" de s’investir en Syrie sans que la France n’ait a le faire elle-même ni même d’y participer. 

Bien qu’ils soient favorables à l’intervention internationale en Syrie, si l’on se réfère au sondage de mars dernier, les Français ne souhaitent pas (à 61%) que des armes soient livrées aux rebelles. Sont-ils inquiets de ce que pourrait être « l’après-El Assad » ? Ont-ils confiance en la rébellion ?

Il y a là un double syndrome, à la fois libyen et afghan. Libyen d’abord puisque nous savons tous aujourd’hui que la révolution de Jasmin a amené les islamistes au pouvoir en Egypte et en Libye. Afghan ensuite, puisque ce pays a montré qu’équiper des rebelles conduit souvent à ce que cette aide arrive dans les mains des groupes les plus extrêmes. Le soutien des Français à une intervention militaire plutôt qu’à des livraisons d’armes relève donc essentiellement d’une inquiétude de la prolifération du conflit et des armes dans les pays voisins en cas de victoire rebelle. Or, les Français sont particulièrement sensibles aux questions de conflits impliquant des pays comme Israël et le Liban surtout si cela venait à être encouragé par des armes que nous aurions fourni nous-mêmes quelques mois plus tôt. L’intervention internationale pourrait stabiliser la région alors qu’équiper les rebelles apparaît comme ne garantissant rien en termes de sécurité et de stabilité. Enfin, s’il est prouvé prochainement que ce sont les rebelles qui ont utilisé du gaz sarin, il est probable que l’opinion passe presque complètement du côté d’une intervention car cela fera la démonstration de la difficulté de juger de qui sont les bons et qui sont les mauvais lorsque l’on regarde une guerre civile de l’extérieur. Ces différents facteurs expliquant donc la progression de l’opinion favorable sur la première question du sondage et pas sur la seconde. 

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