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200 000 familles homoparentales en France : mais qui a vérifié
ce chiffre ?
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"Fast" checking !

Les familles homoparentales seraient plus de 200 000 en France. Un chiffre rond, plutôt vendeur, et qui curieusement n'a pas évolué depuis 2005...

Paul Malo

Paul Malo

Paul Malo est journaliste en presse magazine.Il est titulaire d'un DEA de Science Politique.

Son péché mignon : faire la chasse aux liaisons dangereuses entre politique, information et communication.

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Vous avez aimé le fact checking pendant la présidentielle ? Alors pourquoi ne pas continuer à vérifier si ce qui se dit, s'affirme et se répète est vrai ou non. Le sujet du jour : on compte 200 000 familles homoparentales en France. Ah, vraiment ?  Mais d'où diable sort ce chiffre aussi impressionnant que convaincant ?

Une affirmation assénée pendant une décennie ne se transforme pas en vérité juste à force d'être répétée. Même si c'est le jeu médiatique dans notre société de communication, les sujets sérieux méritent d'être abordés sérieusement. L'exemple du moment, alors que le gouvernement a réaffirmé, son souhait de légaliser l'an prochain le mariage homosexuel et l'adoption qui va avec : on compte déjà 200 000 familles homoparentales en France. Mais d'où sort ce chiffre rond et convaincant, repris aujourd'hui sans sourciller par les plus grands médias ? Mystère…

1. Serait-ce une simple erreur ? 

Le premier réflexe quand il s'agit de se pencher sur le profil de la société françaises est de se tourner vers l'Insee. Mais si l'institut nationale propose des études chiffrées sur les familles recomposées et les familles monoparentales, rien, pas un mot sur les familles homoparentales. Serait-ce illégal, comme le sont les statistiques ethniques ?

En plongeant dans les chiffres de l'Ined (Institut national d'études démographiques), on apprend par ailleurs que « les hommes restent très minoritaires au sein des familles monoparentales : 200 000 pères vivent seuls avec leurs enfants âgés de moins de 25 ans selon le dernier recensement, dont environ 25 % déclarent cependant vivre en couple. Une fois retranchés ces 25 %, on peut donc estimer à 150 000 le nombre de pères qui élèvent seuls leurs enfants ».

Alors, ce chiffre de 200 000 familles homoparentales reposerait-il sur une simple confusion ? Pas impossible, à moins qu'il ne faille trouver dans ce chiffre la source d'inspiration de ce chiffre si rond.

2. Un chiffre « vendeur », mais qui n'évolue pas de 2005 à 2012

Phénomène étonnant pour un chiffre justement censé démontrer une vérité sociale, une tendance de fond de la société française contemporaine : ce chiffre de 200 000 familles homoparentales n'a absolument pas évolué entre son apparition et aujourd'hui, entre 2005 et 2012. Ainsi, si l'on remonte le temps, en 2010, l'Association des parents et futurs parents gays et lesbiens de Paris (APGL) parlait déjà de 200 000 familles homoparentales.

Ainsi, il n'y aurait eu aucune progression du nombre d'homoparents en deux ans ? Remontons encore le temps : en 2005, dans un article du Monde, on retrouve encore et toujours le même chiffre. Voici cette fois une statistique ne connaissant aucune évolution en sept ans. Sur un sujet aussi sensible, voilà de quoi douter du fondement scientifique de ce chiffre pourtant repris dans tous les médias.

Dans le dossier de presse de la 3e Conférence internationale sur l'homoparentalité, qui s'est tenue à Paris en octobre 2005, on lit que, « selon les derniers chiffres, la France compte environ 100 000 familles homoparentales et 200 000 parents homosexuels. 11 % des lesbiennes et 7 % des gays ont des enfants, 45 % et 36 % désirent en avoir. » Cet événement était organisé par l'APGL.

3. 200 000 parents, et aussi 200 000 enfants ?

Dans le dossier de presse de la 1ere conférence du sud de la France sur l'homoparentalité, en janvier 2008, elle aussi organisée par l'APLG, on parle cette fois de 100 000 familles et de 200 000 enfants. Si le premier chiffre est cohérent (après tout, 100 000 familles, cela fait bien 200 000 parents), le second fait son apparition.

Sur quoi est-il fondé ? Là aussi, il est avancé par l'APLG, dont l'objectivité ne peut être que toute relative sur un tel sujet. D'autant plus que, tout juste deux ans avant, un article du Monde précise que « l'association des parents gays et lesbiens (APGL), qui s'appuie sur des sondages, avance, elle, le chiffre de 300 000 enfants aujourd'hui et 700 000, voire un million dans quelques années. » Il y aurait donc, selon les « sondages » de l'APLG, 300 000 enfants élevés par des couples homosexuels en 2006, mais seulement 200 000 deux ans après ? Où sont passés, en l'espace de deux ans, ces 100 000 enfants d'écart ?

4. Environ 24 000 enfants élevés par des couples homosexuels

Dans le même article du Monde, en date du 6 septembre 2006, selon Patrick Festy, démographe à l'Institut national des études démographiques (INED), les "décomptes sauvages" effectués par les greffiers des pactes civiles de solidarité montrent que, en 2004, 15 % à 20 % des 40 000 pactes civils de solidarités concernaient des couples de même sexe.
 « Toujours selon Patrick Festy, qui se fonde sur des comparaisons internationales, 24 000 à 40 000 enfants seraient actuellement élevés au sein d'une famille homoparentale. »

On est bien loin des 200 000 enfants, et par voix de conséquence, tout aussi loin des 200 000 parents. Dans le même ordre d'idée, dans un article paru en mai 2010, Jean-Pierre Winter, psychanalyste et auteur chez Albin Michel de Homoparenté, naître de parents de même sexe, souligne, dans un débat avec le porte-parole de l'APLG, que "ce chiffre de 300 000 enfants ne correspond à aucune source statistique. Mais à supposer qu'il corresponde à une réalité (plus proche de 30 000), j'avance qu'ils auront sans doute les mêmes problèmes que les enfants élevés dans des familles où le bricolage de la filiation est ce qui domine. »

5. Même des militants doutent des chiffres avancés

On peut être militant de la cause homosexuelle, et douter des chiffres avancés par les porte-paroles successifs de l'APLG. Ainsi, sur un site consacré à l'homoparentalité, on lit que « selon l'Ined , sur 15 millions d'enfants en France, on compte entre 24 000 et 40 000 enfants élevés dans une famille homoparentale, soit environ 0,2%... Des résultats qui s'accordent mal avec les enquêtes de l'APGL qui rapportent qu'environ 200 000 enfants sont répartis parmi 100 000 familles homoparentales, c'est-à-dire 5 à 8 fois plus...

Évidemment, il est, médiatiquement parlant, plus convaincant d'affirmer qu'il est urgent de voter une loi pour mettre fin à une grave discrimination entre parents, pénalisant plus de 200 000 parents en France que de souligner que cette loi s'appliquerait en fait à 0,2% des enfants élevés en France. Alors, en l'absence de statistiques officielles, comment affirmer que les chiffres avancés par l'APLG sont fondés, ou non ? La preuve par l'absurde, soulignant tant leurs incohérences que leur étonnante absence d'évolution dans le temps, suffit en tout cas pour induire ce que les juristes appelleraient un « doute raisonnable ». 

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