17% des 15/29 ans déscolarisés, sans diplômes et sans emplois : les racines d’une dangereuse contreperformance française<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Education
17% des 15/29 ans déscolarisés, sans diplômes et sans emplois : les racines d’une dangereuse contreperformance française
©PASCAL GUYOT / AFP

Décrochage

Les jeunes sont pris en étau entre un système éducatif de mauvaise qualité et la hausse des prix de l'immobilier.

Patrick Artus

Patrick Artus

Patrick Artus est économiste.

Il est spécialisé en économie internationale et en politique monétaire.

Il est directeur de la Recherche et des Études de Natixis

Patrick Artus est le co-auteur, avec Isabelle Gravet, de La crise de l'euro: Comprendre les causes - En sortir par de nouvelles institutions (Armand Colin, 2012)

Voir la bio »

Atlantico : Dans une note intitulée "France : nous nous désintéressons totalement de nos enfants" publiée pour Natixis, vous exposez certains problèmes rencontrés par la jeunesse, notamment celles des "décrocheurs". Comment expliquer la très forte proportion de NEET (sans emploi et sans formation ) en France, comparativement à d'autres pays occidentaux ?

Patrick Artus : Nous avons environ 17% de NEETs en France, qui sont les jeunes de 15 à 29 ans qui n'ont ni diplôme, ni formation, ni emploi, et qui n'ont aucun programme de requalification. Ce constat est à lier aux très mauvais résultats éducatifs tels qu'ils sont avérés par les enquêtes PISA par exemple. On sait que le système éducatif en France a globalement de mauvais résultats et particulièrement pour les enfants de familles modestes. Ce système est une machine à aggraver les inégalités sociales entre les générations. On sait également que ce système éducatif n'a pas de sauvegarde ; les jeunes qui quittent l'école prématurément -ce que la France a choisi d'appeler les décrocheurs - ne sont jamais récupérés pour les remettre dans le système éducatif. C'est ce qui conduit le pays à avoir une forte proportion de jeunes dans cette situation. Et quand un jeune quitte l'école à 14 ou à 15 ans, sans diplôme, sans formation, sans rien, il lui est quand même extraordinairement difficile de trouver un emploi.
Par ailleurs, il faut tenir compte du fait que ces chiffres n'incluent pas les jeunes qui ont passé le Bac et qui échouent au début de leurs études de Licence et qui abandonnent l'Université prématurément, c'est un nombre important qui s'ajoute aux NEETs. Il faut se rendre compte que dans une génération d'environ 700 000 jeunes, plus de 200 000 sont en situation d'échec éducatif. Il n'est donc pas étonnant que le chômage structurel augmente en France.


Quelles sont les actions à entreprendre pour faire face à la situation ?

D'une part, il faudrait avoir des propositions qui ramènent les jeunes en situation d'échec dans le système éducatif, comme cela est fait par exemple en Europe du nord. D'autre part, il faut développer un système de formation technique de qualité qui serait l'enchaînement Bac pro / BTS ou Bac pro / IUT en y amenant davantage de jeunes au lieu de les pousser dans des études générales. Il faudrait mettre en place, comme en Allemagne ou en Suisse, un système de formation technique de grande qualité. Et cela n'aurait pas de coût budgétaire parce qu'entre un jeune qui réussit en BTS et un jeune qui traîne dans une Licence généraliste sans y arriver, cela ne coûte pas plus cher à la société.


Vous insistez également sur la question des difficultés des jeunes face à la question immobilière en France ... ?

Ce qu'il faut voir, c'est la différence entre les prix de l'immobilier et les salaires. En 20 ans, ce rapport a augmenté en France d'à peu près 65%. En moyenne, tous les ans, les prix de l'immobilier augmentent de 30% de plus que les salaires. Évidemment, cela créé un transfert générationnel énorme puisqu'au détriment de ceux qui vont acheter de l'immobilier et en faveur de ceux qui sont déjà propriétaires. C'est un transfert des jeunes vers les vieux via l'immobilier qui est colossal et qui est totalement injuste. Dans un pays, normalement, on aimerait bien que les transferts se fassent des vieux vers les jeunes. Il faut inciter les seniors à transmettre leur héritage plus tôt pour que les jeunes qui le reçoivent soient à l'âge d'en profiter, pas à 65 ans. Il faut donc développer les dispositifs de transmission précoce. Et concernant l'immobilier lui-même, tout ce qui a été essayé a échoué parce que tout ce qui a été essayé a découragé la construction. En bloquant les loyers, on croyait faire une politique intelligente...mais en réalité cela réduit l'investissement locatif ce qui fait que les prix de l'immobilier augmentent encore plus. La seule solution, c'est de construire plus. Tout le monde le sait mais personne ne le fait, il faut densifier les centres-villes pour y faire baisser les prix et éviter que les Français aient besoin de s'expatrier dans les lointaines banlieues avec des problèmes de transport ou de revente de leur maison s'ils veulent bouger. Il faut construire plus, et donc enlever les obstacles à la construction qui sont essentiellement de type réglementaire dans les villes. Ce que l'on fait en France, c'est construire en étendant les villes dans les campagnes, ce qui est stupide et qui induit des coûts incroyables induits, notamment en termes de transport. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !