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 PenelopeGate : quel Plan B en cas d’empêchement de Fillon ?
©AFP

Au secours !

François Fillon s'est mis dans une position délicate en promettant de renoncer à la présidentielle s'il devait être mis en examen.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Google et Yahoo, internet

Serge Federbusch

Serge Federbusch est président d'Aimer Paris et candidat à l'élection municipale de 2020. Il est l'auteur de La marche des lemmings ou la 2e mort de Charlie, et de Nous-Fossoyeurs : le vrai bilan d'un fatal quinquennat, chez Plon.

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La situation de François Fillon vous paraît-elle définitivement compromise ?

Serge Federbusch : Rien n’est écrit dans le marbre mais il y a peu de chances que François Fillon sauve sa candidature. Trop d’éléments plombent lourdement son dossier : les déclarations de sa femme qui se vante d’être au foyer, les témoignages de la quasi-totalité de ceux qui auraient pu la voir travailler, la hausse de sa rémunération quand elle se met au service du suppléant devenu député et, plus encore, la saumâtre collaboration à la Revue des deux mondes, qui donne clairement l’impression qu’un milliardaire s’achète les bonnes grâces d’un élu via son épouse. Ce dernier dossier est le plus gênant même s’il est éclipsé pour le moment par l’affaire de l’emploi à l’Assemblée.  Il va y avoir enquête, mise en examen et procès. Si François Fillion joue la montre, il peut certes tenir quelques mois et miser sur la fidélité contrainte de son électorat qui ne voudra ou ne pourra pas voter pour un autre.

Mais imaginez un président dont l’épouse est condamnée et risque même d’être incarcérée – eh oui on ne peut l’exclure ! - d’ici deux ans ? Elle n’aurait aucune immunité pour la protéger. C’est intenable. Tous à droite, mezza voce, se demandent déjà comment le débrancher et par qui le remplacer.

Eric Verhaeghe : Pour le coup, il me paraît vraiment trop tôt pour le dire. Incontestablement, cette affaire habilement préméditée va plomber le début de la campagne, ce dimanche à Paris. Sur ce point, plutôt que de nier des faits qui vont être difficiles à dissiper ou à clarifier, la position fermée de Fillon va probablement jeter de l'huile sur le feu. On l'a bien vu aujourd'hui: la presse se régale à faire des choux gras sur le récit que Fillon nous a fait sur l'implication de sa femme dans son engagement politique. Un bon mea culpa (bien présenté, insistant sur la légalité des pratiques, mais sur leur immoralité condamnable) aurait permis de clore le débat sur les faits. On peut comprendre que Fillon choisisse de défendre son honneur. Mais celui-ci aura un coût politique qu'on commence à mesurer, puisque la presse va se jeter sur cette affaire comme un chien sur un os à ronger, et cela peut durer longtemps jusqu'à la prochaine boule puante qui dégradera encore un peu plus la situation. Mais supposons... Il reste quand même trop tôt pour prendre des décisions de cette nature. Il est urgent que Fillon fasse le dos rond et attende de voir la tournure des événements.

Est il encore envisageable de refaire les primaires ou de voir émerger une nouvelle candidature d'Alain Juppé, malgré ses déclarations ? 

Serge Federbusch : Juppé est beaucoup plus retors que ça dans sa réponse : « A l'instant T, la question ne se pose pas, c'est François Fillon notre candidat … Nous n'en sommes pas là, François Fillon a apporté des éléments qui sont convaincants, je suis persuadé qu'il pourra poursuivre sa campagne … c'est évidemment préoccupant, je ne peux pas dire le contraire ».

Eric Verhaeghe : Refaire les primaires me paraîtrait compliqué, pour au moins deux raisons. La première est qu'elles attireront sans doute beaucoup moins d'électeurs que la première édition. Le candidat qui en sortira sera de fait moins légitime que Fillon et partira avec un handicap. Il faut donc choisir entre un candidat mal élu et un candidat de remplacement choisi dans l'unité du parti, avec le soutien de l'appareil. De ce point de vue, il y a la question de la candidature Juppé, qui n'est pas une question simple. Face à la chienlit, il me semble qu'il serait légitime à incarner un recours. Mais je peux concevoir que certains considèrent que la droite ne peut logiquement être représentée par défaut par un "revenant" qui a subi une importante déculottée à la primaire. De fait, présenter comme candidat le perdant d'une élection est un exercice compliqué.

Bref, après l’instant T, il peut y avoir l’instant J, il suffit de prendre l’alphabet à l’envers !

Le problème est le peu de crédibilité d’une telle candidature comme d’ailleurs celle des autres vaincus des primaires : ce sont tous des seconds choix défaits lors d’un scrutin encore présent dans les mémoires. L’électorat de droite a rejeté massivement l’identité heureuse de Juppé et ses abouchements avec Bayrou. Il est peu probable qu’il repasse les plats. Une candidature Juppé, c’est un très fort risque de second tour Le Pen – Macron, en l’état des choses.

Dès lors, quels sont les recours envisageables à droite ?

Serge Federbusch : La moins mauvaise des solutions serait une initiative de la société civile pour organiser d’urgence des primaires par Internet, hors de l’appareil des Républicains, totalement transparentes et indépendantes, des sortes de Primaires du salut public ! Cela ne coûte pas si cher et c’est tout à fait possible, sur le plan technique.

Ou bien un « poids lourd » de la droite se lance en disant qu’il reprend à son compte l’essentiel du projet de Fillon : Larcher par exemple. Mais éviter l’aspect « candidature de pis-aller » et mettre les barons d’accord lui serait très difficile. Et si ça ne marche pas ?Le risque devient réel de voir Macron élu, même si un deuxième tour face à Le Pen, ne sera pas gagné quand le peuple comprendra à quel clone de l’establishment il a affaire. Quoi qu’il arrive, nous aurions des triangulaires et quadrangulaires partout avec, très probablement, un parlement ingouvernable… Cette affaire Fillon sera peut-être le cygne noir de la Cinquième république, l’élément déclencheur d’une crise qui couve depuis des années et dont on ne voyait pas ce qui la précipiterait.

Eric Verhaeghe : Techniquement, il faut quoiqu'il arrive le parti garde son unité, fasse front, et tente de sauver la mise si l'hypothèse d'un retrait de Fillon se réalisait. On a ici un problème de fond. On peut admettre que la ligne Fillon qui lui a permis de gagner les primaires est majoritaire chez les électeurs de droite, mais minoritaire dans l'appareil du parti. Le défi pour les Républicains sera de rester sur la ligne Fillon malgré ses réticences propres.

Ce me semble être un immense défi, car ce qui est apparu au grand jour lors de la primaire, c'est ce divorce idéologique entre l'appareil des Républicains et son électorat. Le plantage de Fillon risque de réactiver ce divorce, en favorisant le retour d'une ligne qui n'est pas celle voulue par l'électeur. Pour le coup, si l'appareil du parti ne parvient pas à se réconcilier avec sa base, celle-ci risque d'être déboussolée, ou de s'orienter vers un vote sanction pour un(e) autre candidat(e). Dans l'hypothèse, répétons-le très prématurée et non souhaitable, d'une éviction de Fillon, les Républicains devraient donc prouver leur capacité à changer de cavalier mais à garder le même cheval.

Quelles seraient les personnalités politiques, non abîmées par les primaires, et ayant la stature nécessaire dans le parti pour pouvoir prétendre à représenter une alternative ? Xavier Bertrand ? Laurent Wauquiez ? Valérie Pécresse ? D'autres personnalités ? 

Eric Verhaeghe C'est un vrai problème, mais il est un fait que les trois noms que vous citez sont envisageables, chacun pour une raison qui lui est propre. Wauquiez a pour lui d'incarner une droite plutôt dure, qui pourrait assez facilement épouser les contours du programme de Fillon. Dans la peau du neo-con, il sera évidemment plus crédible que Bertrand ou Pécresse. Xavier Bertrand a pour lui une image de rondeur et de proximité avec le projet social de la droite. Pour le coup, sous réserve que le programme reste le même, Xavier Bertrand pourrait incarner une empathie et une proximité avec les électeurs, et sans doute une forme de rondeur, qui ne seraient pas malvenus dans une campagne électorale sinistrée. Le choix de Valérie Pécresse peut aussi avoir ses partisans, parce qu'une candidature féminine incarnerait une vraie nouveauté à droite, et que sa fonction de présidente de la première région de France la crédibilise. Mais il ne faudrait pas écarter d'autres figures emblématiques même si elles sont moins dans le moule du parti. On peut penser à Dominique de Villepin, qui aurait un certain panache, même si là encore les boules puantes tomberaient. On peut en revanche penser que Villepin serait une bonne carte face à Trump. Pourquoi ne pas explorer la carte Dupont-Aignan, qui incarne un courant souverainiste pas forcément éloigné de l'aspiration de certains électeurs. Plusieurs options existent, et rien n'exclurait une candidature avec une troïka autour du candidat pour le légitimer.

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