"Les Rustres", à la Comédie-Française : Goldoni, plus actuel que jamais<!-- --> | Atlantico.fr
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"Les Rustres", de Goldoni. Mise en scène : Jean-Louis Benoit. Avec : Gérard Giroudon, Bruno Raffaeli, Coraly Zahonero, Céline Samie, Clotilde de Bayser, Laurent Natrella, Christian Hecq, Nicolas Lormeau, Christophe Montenez, Rebecca Marder.
"Les Rustres", de Goldoni. Mise en scène : Jean-Louis Benoit. Avec : Gérard Giroudon, Bruno Raffaeli, Coraly Zahonero, Céline Samie, Clotilde de Bayser, Laurent Natrella, Christian Hecq, Nicolas Lormeau, Christophe Montenez, Rebecca Marder.
©Reuters

Atlanti-culture

Allez voir "Les Rustres", à la Comédie-Française : vous allez rire aux éclats et découvrir que le plus grand auteur de comédies des 17° et 18° siècles est d'une actualité brûlante.

L'auteur

Homme au destin tragique, Goldoni, l'auteur, entre autres, "d'Arlequin, serviteur de deux maîtres", "La Serva Amorosa", "La Locanderia" et "Les Rustres", a révolutionné le théâtre au 18° siècle en faisant triompher un théâtre d'après nature, très proche de la réalité des gens, aussi simple et naturel que possible, mais ceci à travers des intrigues, par contre, aussi riches que subtiles.

Thème

A la fin du Carnaval, à Venise, Lucietta, fille du riche marchand Leonardo, reste enfermée chez elle, cloîtrée par son père, qui lui a choisi un fiancé dont il ne veut pas lui dire le nom. Fiancé qui lui, Filipetto, entend bien rencontrer sa promise. Que l'aventure commence, à travers l'opposition entre la malice et l'intelligence des femmes et le machisme borné et trivial de trois maris en mal d'autorité et de reconnaissance.

Points forts

1/ Dans sa mise en scène, Jean-Louis Benoit, habitué de la Comédie-Française, a choisi de présenter tout cela avec une sorte de hargne endiablée et joyeuse, constamment vécue au second degré, qui surprend et éloigne du Goldoni élégant et gracieux qu'on a le plus souvent l'habitude de voir, mais qui donne à la pièce un côté de farce sociétale très actuelle, comme s'il y avait du Genet dans ce Goldoni là.

2/ Un rythme endiablé, au service de cette capacité exceptionnelle qu'a Goldoni de créer des intrigues originales, creuset de l'expression des personnalités, de leur accomplissement ou de leurs errances.

3/ La peinture des hommes et des femmes. Le moins qu'on puisse dire, c'est que les hommes ne sont pas gâtés à travers la peinture hilarante de ces trois rustres de maris, désemparés devant ces premiers élans d'émancipation des femmes: "Tout cela, dit l'un d'eux, c'est la faute de la liberté"... Des hommes d'autant plus désarçonnés qu'ils vivent dans la hantise du paraître, de la réputation et des conventions. Mais, en même temps, Goldoni s'amuse beaucoup à montrer à quel point les femmes peuvent aussi être pestes entre elles...

4/ La distribution est remarquable, dans sa presque totalité. Avec une double mention spéciale:

- A Christian Hecq, dans le rôle de Leonardo, faisant de son personnage une sorte d'histrion surexcité, mi clown, mi contorsionniste, digne du cirque autant que du théâtre. Il faut l'entendre dire : "L'imbécile, le bavard, le babouin!" On est plié en deux...

- A Clotilde de Bayser, étonnante de naturel et de grâce dans le rôle de Felice, femme libre et effrontée, grande triomphatrice de l'histoire, grâce à sa manière de manipuler les hommes et d'obtenir, en fin de compte, leur reddition.

5/ Au moins deux grands moments :

- La dispute entre Lucitta et sa belle-mère, à propos de manchons et de collier de perles.

- Et, grand morceau de bravoure, la rencontre des trois maris pour essayer de prendre le dessus, rencontre qui se termine par cette piteuse conclusion: "Prenez-la comme elle est..."

Points faibles

1/ Pourquoi donner à Filipetto, le prétendant, ce côté ahuri et benêt d'un jeune homme maladivement impressionnable ? C'est pas très séduisant....

2/ Personnellement je n'ai pas beaucoup aimé le décor, très sombre, reflet souhaité de l'enfermement physique et psychologique des femmes, mais assez difficile à supporter deux heures durant. Une image plus esthétique de la vie vénitienne n'aurait pas nui à la transmission du message, si tant il est que l'on puisse parler de "message" chez Goldoni, ce que je ne crois pas...

En deux mots

1/ Cette pièce l'atteste, plus qu'aucune autre, il y a chez Goldoni cette idée, au fond, très moderne, que si les hommes sont machistes et, en l'occurrence, affreusement machistes, c'est parce qu'ils sentent qu'ils sont naturellement aux mains des femmes et que l'autoritarisme, la muflerie ne sont que des moyens de défense, défense de faibles. En écoutant les trois rustres accumuler les clichés les plus éculés du machisme, on ne peut s"empêcher d'avoir à l'esprit les dérives, tragiques, elles, du jihadisme actuel.

2: Force est de constater que Goldoni réussit bien à la Comédie-Française, car avant cette production exceptionnelle, il y eut, entre autres, une autre grande réalisation, ll y a trois ans: la mise en scène par Alain Françon, d'une brillantissime "Trilogie de la villégiature". Bravo la Grande Maison ! 3 Pour conclure, je persiste et signe: Goldoni est bien, à mon sens, le plus grand auteur de comédies des 17° et 18° siècles.

Une phrase (qui seront deux)

- "Quand on vit avec les loups on se met à hurler comme eux".

- "En somme, par la douceur ou par la ruse, elles arrivent toujours à leur fin".

Recommandation

En priorité.En priorité

Informations

"Les Rustres", de Goldoni. Mise en scène : Jean-Louis Benoit. Avec : Gérard Giroudon, Bruno Raffaeli, Coraly Zahonero, Céline Samie, Clotilde de Bayser, Laurent Natrella, Christian Hecq, Nicolas Lormeau, Christophe Montenez, Rebecca Marder.

Comédie-Française. Théâtre du Vieux Colombier. Jusqu'au 10 janvier. Réservation : 0144581515 (www.comedie-francaise.org).

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