"Entrisme islamique" : scanner d’un tabou français dans les entreprises<!-- --> | Atlantico.fr
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Adel Paul Boulad, "Le tabou de l'entrisme islamique en entreprise: Guide du manager", publié chez VA Editions
Adel Paul Boulad, "Le tabou de l'entrisme islamique en entreprise: Guide du manager", publié chez VA Editions
©BENJAMIN CREMEL / AFP

Bonnes feuilles

Adel Paul Boulad publie "Le tabou de l'entrisme islamique en entreprise: Guide du manager" chez VA Editions. Face à l'essor de l'entrisme islamique en France, désormais combattu par l'État, l'entreprise est la grande absente. Entre temps l'entrisme s'y développe sans distinction de classe, autant sur les sites industriels que dans les bureaux. Extrait 1/2.

Adel Paul Boulad

Adel Paul Boulad

Adel Paul Bouald est Docteur en sciences physiques. Il a été leader d'équipes opérationnelles multiculturelles dans la hi-tech et coach de dirigeants. 

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Très pris par mes activités en Égypte en 2015-2017, je n’avais pas relevé le degré d’effarement des managers français et des dirigeants face à l’entrisme islamiste, ni le tabou qui se développait à son sujet. De retour en France en 2018, je visite mes clients, des dirigeants de PME, ETI et CAC 40.

Avec cent cinquante chevaux sous le pied, les outils de pilotage branchés, je respecte le Code de la route, limitation de vitesse comprise. D’étape en étape, je remonte l’A7. Je retrouve les sites formidables de la vallée du Rhône, ou de la Saône, en île de France et à Paris, la Ville lumière !

Je rencontre ces dirigeants, seuls ou accompagnés, pour mesurer et qualifier l’impact des revendications religieuses islamiques en entreprise.

De rencontre en rencontre

De la colère au mutisme

À Chalon-sur-Saône, au cours de ma rencontre avec un jeune quinqua bardé des diplômes les plus prestigieux et directeur de très grands projets d’infrastructure, celui-ci me propose d’écouter les témoignages de sa femme absente à notre rencontre. Elle est du secteur de la santé. D’après lui, elle serait furieuse. Assistante sociale, elle est sans cesse défiée dans son travail par de nouveaux comportements liés au fait religieux.

Il insiste pour que je la rencontre.

Lors de l’organisation du rendez-vous par le mari, elle refuse catégoriquement d’en parler et s’enferme dans un mutisme.

La honte ou la peur?

À Lyon, pour la convention et la facture d’un atelier prévu sur le sujet de l’entrisme, la DRH d’une PME du secteur agroalimentaire me demande, par écrit, d’établir les documents avec un intitulé vague sans préciser le sujet.

Après vérification, elle ne souhaite pas que les autres services soient au courant. Honte ou peur, j’en saurai plus le jour de la présentation.

Une priorité évanescente

À La Défense, le dirigeant de plusieurs sites dits «sensibles » du secteur énergie de pointe me fait part de ses défis opérationnels. Il vient d’être promu. Dans la revue des sujets, nous abordons celui de l’entrisme sur les sites qu’il dirige. Il est apparemment confiant et serein. C’est au moment où je lui mentionne les risques inhérents à ceux qui sont en poste depuis longtemps et qui se convertissent, souvent les plus fanatisés, qu’il change de discours.

Il s’exclame avec force, sur un terrain qui ne concerne pas les convertis, mais les sous-traitants : « Je vais les prévenir, il faut que tu ailles voir sur place, c’est infesté, surtout avec les sous-traitants».

L’organisation de la visite sur site s’évanouit dans les appels, les messages, les décalages…

Que s’est-il passé ?

Comment, par quoi et par qui, aurait-il été stoppé dans son intention?

Des regrets

À Nanterre, la vue depuis la terrasse de l’immeuble est magnifique, elle s’ouvre sur un large horizon. Le dirigeant d’une ESN, Entreprise du Secteur Numérique, se confie : «au début nous ne voulions pas voir… nous avons complètement déconné… nous avons recruté des Tunisiens pas chers en pagaille… après c’est devenu ingérable, autant les ingénieurs que les managers… entre les heures de prières… les “pas de réunion vendredi”… les congés religieux… le ramadan… nous n’aurions jamais dû faire ça… la boîte s’est plantée…»

Ce truc est sensible

Paris, place de la République, le directeur général de cinquante-cinq ans que je rencontre est friand de multiculturalisme. Il est à la tête d’une PME du secteur de la cosmétique et souhaite mon intervention devant son comité de direction pour traiter de la diversité et du risque d’entrisme. Le jour de la présentation venu, il est censé me présenter et introduire le sujet pour lequel il me fait venir.

Après un silence palpable : «…, bon je ne sais pas comment le dire, je ne veux pas me tromper sur les mots, ce truc est sensible… bon Paul vas-y dis le toi…»

La laïcité à l’épreuve

Je connais ce directeur de grands projets d’informatique et de sécurité depuis plus de dix ans. Il tient en privé et en groupe à se montrer très laïc et athée.

Il s’exprime librement et se montre très remonté face à l’entrisme des islamistes en France. Il prône les valeurs républicaines et de laïcité dans son entreprise.

En mission en Tunisie, il répond favorablement à la demande d’un candidat rencontré sur place. Il lui confirme qu’il pourra venir travailler au siège parisien et appliquer ses obligations religieuses notamment les prières.

Sollicité par le candidat pour plus de détails concernant les éventuelles interventions en clientèle, il ose à peine s’exprimer : «Oui, chez nous… peut-être pas chez les clients»

Chez nous tout va bien.

Parmi des dirigeants réunis pour une conférence sur l’entrisme islamique, j’en remarque un plus particulièrement. Il est du secteur du BTP. Il ne pose pas de questions, il semble méfiant, aux aguets.

À la fin de la conférence, chacun s’exprime, le tour du dirigeant mal à l’aise arrive. «Non, pas de fait religieux chez nous… 150000 employés… tout va bien».

Pourtant, des centaines d’entreprises sous-traitantes fortement islamisées certaines sous l’emprise de la sharia, font partie de ses chantiers. Quatre-vingts pour cent (80 %) des «algeco » sont équipés d’un second frigo, un frigo «halal». Il opine du chef.

J’apprendrai plus tard, que les services de renseignements égyptiens avaient expulsé un des salariés de cette entreprise. Il était en mission «expat » pour la construction du métro du Caire. Les plans du métro avaient été retrouvés dans une cellule de la confrérie des rères musulmans. Malgré les constats alarmants des collègues concernant ses changements de comportement à la suite de sa conversion à l’islam, rien ne fut fait. Les avertissements des services égyptiens n’ont pas suffi à faire bouger les décideurs. Les cadres locaux soutenus par le siège et la DRH avaient choisi de banaliser le risque avec pour résultat l’humiliante expulsion du Caire.

L’exil

«Oui nous avons quelques problèmes sur place, nous devons sans cesse remettre de l’ordre face aux revendications religieuses… mais ici ça va».

En fait, la sous-traitance en France avait été «minée » par des revendications religieuses en cascade. La productivité en était impactée.

Ce grand groupe du secteur de l’Assurance se soumet au fait religieux et le gère à sa manière. Il nomme un coordinateur international et lui demande d’intégrer l’externalisation dans la stratégie du groupe. En fait, il déplace le problème ailleurs. La sous-traitance de 1500 techniciens et ingénieurs passe au Maroc.

L’avantage est double, apparemment : la fin de la gestion des revendications religieuses en France (les Marocains s’en chargent tant bien que mal..) et un « cost per man » plus bas qu’en France… pour l’instant.

Un arrangement de passage

Le deal tient depuis 2005. La petite société parisienne du secteur de la sous-traitance informatique fondée en 2000, embauche pour des missions de deux ans des ingénieurs tunisiens et marocains. L’économie réalisée sur le « cost per man » est de 50-70 %. Dans le «deal», les arrangements relatifs aux obligations religieuses sont de mise : prières, congés, absence, ramadan…

Au bout de deux ans, l’augmentation de salaire demandée par ces ingénieurs est refusée. Ils quittent l’entreprise et d’autres prennent la relève.

De l’entrisme à l’emprise.

Roger, 64 ans, instructeur sportif dans un club de football : «Je suis tolérant, mais là ça ne va plus…»

En plein entraînement, à l’heure de la prière, le groupe se scinde en deux et va procéder à la prière musulmane, à genoux – debout – courbé – …, en deux zones différentes.

Incapable de tenir ses équipes, de leur faire jouer les matchs et de les emmener au tournoi, Roger démissionne. Très arrangeant, il avait laissé le fait religieux très progressivement s’installer dans le club. Au début, il ne s’agissait que de quelques arrangements individuels : «oui, vas-y, mais reviens vite, on t’attend…».

Las du foot, Roger s’oriente vers le club de pétanque local. Là devant Roger stupéfait, deux joueurs musulmans rivalisent : «Tu fais n’importe quoi …. Tu dois retourner à l’école coranique…»

On n’a rien vu venir

Pour cette ETI du secteur chimie-pharma, son siège et ses trois sites de production, l’affaire est assez avancée.

«Il y a un effet de communauté, des gens qui prient un peu partout, des femmes voilées en nombre ; on ne connaît pas tous les détails; il faudrait un ethnologue pour recenser…. Il y a deux salafistes, pantalons courts, et barbus; ils sont chefs d’équipes. Certains sont apparemment dirigés, non pas par nous, mais par des gens en Afrique…» «On n’a rien vu venir; nous avons maintenant des doutes sur la société d’intérim que nous utilisons.»

Tout le monde s’en fiche

Le directeur de site chez un fabricant industriel : «À la réunion du comité d’entreprise, dès que le mot Laïcité est prononcé, les sourcils se froncent et les regards deviennent menaçants; sur les chaînes de montage, ils font ce qu’ils veulent. Les chefs d’équipe laissent faire. Tout le monde s’en fiche…»

Combien de couleuvres déjà avalées?

 «Nous avons mis le sujet sous le tapis; personne n’ose en parler; maintenant ça nous pète à la figure. Ils font ce qu’ils veulent, comme sur les chaînes d’assemblage de voitures. Que peut-on faire?»

Il y a quelques années, ce DRH d’un grand groupe du secteur de la cosmétique avait pour un séminaire de direction fait venir un spécialiste en religion et diversité. Ce dernier les avait rassurés : «Nos mères étaient aussi voilées…»

Tour de passe-passe, de 5 % à 100 %

Le PDG d’une société du secteur des services à la personne d’une grande région de province me dresse un tableau chiffré. Vient le moment des statistiques sur le personnel: «Je dois avoir plus de 290 femmes sur 300 employés…; elles viennent de Pologne, de Roumanie, euh… des Pays de l’Est; … bon, il y a quelques Tunisiennes…; une quinzaine peut-être, certaines sont voilées pas toutes; …. Je ne sais pas vraiment…» À ma question sur les éventuels dysfonctionnements dus au fait religieux, il répond de manière évasive : «Non, il n’y a rien…; je ne sais pas trop non plus…». Pourtant la plupart des DRH et managers ont une idée, une estimation puisque les statistiques religieuses sont interdites.

Pour lui, son personnel est à 5 % de musulmans pratiquants, à peu près 5 %.

C’est la première fois que je perçois du flou chez ce manager habituellement clair et sûr de son fait.

En réponse à la question sur l’impact du jeûne de ramadan et ma remarque sur l’augmentation des accidents de travail à cette période, il commence à se confier. Il reconnaît à voix basse : «C’est vrai… chez moi certaines se sont évanouies; deux ont quitté leur job; certaines font des siestes; bon… je laisse faire ; parfois on fait des remplacements d’une équipe sur l’autre…»

Il me paraît de plus en plus désemparé, méconnaissable. Il n’a pas cherché à mesurer l’impact sur les équipes, sur le temps que ça prend à ses chefs d’équipe, sur le coût supplémentaire pour la société.

En évoquant le sujet du voile, je lui demande si les valeurs portées par le voile sont compatibles avec les valeurs que son entreprise souhaite projeter auprès de ses clients. Il se vexe puis change de ton et s’offusque : «Bien sûr que non ! »

Nous passons en revue les articles du droit du travail en France, de l’arrêté de la Cour européenne de justice, les prérogatives des dirigeants d’entreprise en France. Nous aboutissons sur la possibilité d’un règlement intérieur clair et respectueux excluant le prosélytisme religieux ou politique.

Soudain, il me jette avec force : «Aaaaaah, si je fais ça, je n’ai plus de salariés! » Que s’est-il passé dans sa tête pour que la part qu’il avait estimée à 5 % pour celles qui pratiquent les obligations religieuses dans son entreprise, passe en un instant à 100 %?

Quelle est la part de peur qui brouille sa perception?

Extraits du livre d’Adel Paul Boulad, "Le tabou de l'entrisme islamique en entreprise: Guide du manager", publié chez VA Editions

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