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"Ennemi de Dieu" de Sorour Kasmaï : un bon roman sur les années noires de la révolution iranienne
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Atlanti Culture

Sorour Kasmaï a publié "Ennemi de Dieu". "Téhéran. Après 2 764 jours passés en prison, un condamné à mort en sursis retourne à l'appartement où il a vécu avec sa femme et tente de reprendre le cours de son existence. Avide de recouvrer sa liberté, il est pourtant confronté à de multiples obstacles qui l'en empêchent".

Jean-Pierre Tirouflet pour Culture-Tops

Jean-Pierre Tirouflet pour Culture-Tops

Jean-Pierre Tirouflet est chroniqueur pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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"Ennemi de Dieu" de Sorour Kasmaï 

Robert Laffont, 198 p. 18 €

RECOMMANDATION
Bon

THEME
Téhéran à la fin des années 1980. Un homme sort de prison après 7 ans et demi de détention et de torture quotidienne. Condamné à mort, il est libéré, mais soumis à un contrôle policier de tous les instants, car il est déclaré “ennemi de Dieu“, une sorte de mort sociale. Sa femme a réussi à s’enfuir en Europe. Son appartement est vide. Il est tenaillé par les tourments de la chair et manipulé par divers services de police, avides de renseignements sur la mouvance “résistante“ à laquelle il appartenait.

C’est dire si, dans ce court roman, Mme Kasmaï offre un panorama peu réjouissant de la République des Mollah dix ans après la Révolution islamique: totalitarisme religieux, cruauté, trafics en tous genres, occasions  multiples de perdre sa vie ou plus sûrement son âme.

POINTS FORTS
Mme Kasmaï livre un portrait nuancé et vrai de son héros. Amateur de poésie, amant tendre et fidèle de sa femme, courageux sous la torture pour sauver celle qu’il aime, il est aussi capable de dénoncer ses camarades et n’hésite pas devant l’adultère, sitôt la porte de la prison franchie. 

Son tableau de l’Iran révolutionnaire est également saisissant. Prison, torture, pendaison, marché noir, trafic de drogue, sur fond de lutte entre les différents clans de la république, pasdarans, services de renseignement...

Son écriture, enfin est nerveuse, efficace et traduit bien le délabrement d’une société dans laquelle la peur et l’hypocrisie règnent sans partage et où les rapports sociaux en sont continuellement faussés.

POINTS FAIBLES
La construction du roman est déroutante. Les retours en arrière, les motivations des personnages obscurcissent la compréhension du récit. Pourquoi envoyer le héros au diable, si c’est pour s’en débarrasser? 

La fin du roman bascule dans un onirisme qui tranche avec le réalisme cruel du début. Le lecteur se perd en conjectures sur le sort du héros, celui de son co-détenu (Doctor) et se demande si finalement toute cette affaire ne relève pas du rêve, rêve du prisonnier dans sa cellule, rêve du libéré dans son appartement vide, rêve d’un ailleurs qu’il ne connaîtra jamais...

EN DEUX MOTS
Un roman dur, percutant et fort sur les années noires de la révolution iranienne.

UN EXTRAIT
“Mehdi, le juge-tortionnaire, reprit position au pied du lit, leva le bras et frappa une première fois. Son coup de câble était redoutable. Il connaissait le corps humain mieux que sa poche et n’ignorait pas le mental du prisonnier. Un deuxième coup, presqu’aussi puissant. Troisième coup, un peu moins fort. Comme s’il voulait me donner le temps de réfléchir. Le silence était de plus en plus pesant. Personne ne bronchait. Juste le sifflement du fouet qui déchirait l’air avant d’atterrir sur la plante de mes pieds.”

L'AUTEUR
Sorour Kasmaï est iranienne. Elle a fui son pays après la révolution, fuite qu’elle a relatée dans La vallée des aigles (2006). Elle vit en France depuis 1983 et, romancière, écrit en français et en persan. Elle est également directrice de collection chez Actes Sud.

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