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« Quand on n'aura plus de pétrole, on sera bien contents d'avoir le nucléaire »
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Un monde sans nucléaire ?

Alors que l'Allemagne vient d'annoncer son plan de dénucléarisation d'ici 2022, nombreux sont ceux qui s'interrogent sur la faisabilité et les conséquences d'une sortie du nucléaire pour les grandes puissances industrielles. Difficile en effet de se passer à la fois de l'atome et des énergies fossiles, fortes émettrices de CO2.

Antoine Moreau

Antoine Moreau

Antoine Moreau est maître de conférence au LASMEA de l'Université Blaise Pascal (Clermont-Ferrand II).

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Atlantico : L’Allemagne pourra-t-elle tenir ses engagements de se débarrasser du nucléaire d'ici 2022 ?

Antoine Moreau : C'est possible, mais elle sera forcée de recourir à nouveau aux énergies fossiles, car si l'on réduit la part du nucléaire, il faut la remplacer par du gaz, du charbon, du pétrole, ou éventuellement des énergies renouvelables.

Or les renouvelables ne sont pas capables de produire assez et quand il le faudrait pour pouvoir remplacer complètement des centrales (nucléaires
ou au gaz). Et sur un réseau électrique comme ceux que nous avons, on ne peut pas dépasser 20% d'énergies qui produisent de façon intermittente. Une éolienne ne marche qu'un tiers du temps, par exemple.

A moins de faire de grosses économies d'énergie - ce qui serait assez étonnant car les économies développées n'en prennent pas le chemin - l'Allemagne fait donc le choix d'émettre plus de CO2, et de moins lutter contre le réchauffement climatique. Il faut savoir ce que l'on veut : entre deux maux, il faut choisir. Le GIEC [Groupe International d'Experts sur l’Évolution du Climat] considère ainsi le nucléaire davantage comme une solution que comme un problème.

Serait-ce encore plus compliqué pour la France, qui est beaucoup plus dépendante ?

Oui, forcément et parce que presque toute notre électricité est d'origine nucléaire.

Cela dit, en France, le nucléaire ne représente que 20% de la  consommation finale d'énergie, c'est à dire l'énergie que nous achetons. Mais si l'on devait se passer des 80% restants, essentiellement composés des énergies fossiles, cela serait très difficile. On se tournerait forcément vers l'énergie électrique, et on aurait donc d'autant plus de mal à se passer du nucléaire.

Le jour où l'on cherchera à se passer des énergies fossiles, on sera donc très contents de trouver le nucléaire, s'il y en a. Pour l'instant, il me paraît complètement irréaliste d'envisager les deux : arrêter les énergies fossiles et se passer du nucléaire.

C'est la même chose pour les autres grandes puissances nucléaires, comme les Etats-Unis, le Japon, la Chine ou la Russie : en cas d'abandon du nucléaire, il faudrait se retourner vers les énergies fossiles, et surtout le charbon, très, très polluant. En Chine, par exemple, une centrale à charbon est construite chaque semaine.

Les énergies renouvelables sont-elles donc incapables de compenser ?

Si l'on additionne les capacités actuelles maximales de tous les renouvelables en France, c'est à dire un panneau solaire sur chaque toit ou une éolienne dans chaque champ, on obtient de l'ordre de 20% de nos besoins énergétiques, l'équivalent de ce qu'on consomme sous forme d'électricité*. C'est largement insuffisant pour couvrir nos besoins énergétiques.

Donc les énergies renouvelables sont très loin de pouvoir compenser ce qui nous manquera sous forme d'énergie fossile, parce qu'elle va venir à manquer, ou de nucléaire. Les économies d'énergie sont en fait la seule solution.

Comment font les pays qui n'appartiennent pas au club des 29 puissances nucléaires mondiales ?

Le nucléaire c'est relativement risqué, long à développer, très technologique. Quand on a du pétrole, du bois et du charbon, comme certains pays du Sud, on fait donc plutôt avec ça, quelles que soient les conséquences en termes d'émissions de CO2. Quant aux pays qui ne disposent pas de telles ressources, ils sont réduits à importer de l'énergie ou à brider leur développement.

De toute façon, le problème central ce sont les économies d'énergie, car il n'y a pour l'instant pas de solution miracle. Les deux secteurs où il faudra les faire sont le chauffage et le transport - qui représentent chacun un tiers de notre consommation d'énergie et qui ne sont pas couverts par le nucléaire. Ceux qui auront des centrales nucléaires feront peut-être une transition plus douce vers un monde plus sobre et où les énergies renouvelables joueront enfin un grand rôle, c'est tout.

Le soutien au nucléaire ne bride-t-il pas le développement des renouvelables en monopolisant les investissements financiers ?

Le nucléaire est une voie qu'il faut explorer de toutes façons (je pense notamment à la fusion nucléaire, qui ne fonctionnera éventuellement que dans plusieurs dizaines d'années). Mais il ne doit pas monopoliser les financements, ce serait une énorme erreur. Toutes les sources d'énergie seront sans doute appelées à jouer un rôle dans l'avenir, il ne faut en négliger aucune.



*     Le GIEC (Groupe International d'Experts sur l’Évolution du Climat) a récemment estimé que les renouvelables pourraient couvrir 80% de nos besoins énergétiques d'ici 2050.

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