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 "​Il n'est d'idéaux louables que s'ils cherchent à changer le réel" : Emmanuel Macron est-il donc à louer ?
©LUDOVIC MARIN / AFP

Dichotomie

Le chef de l'Etat a célébré l'entrepreneur au cours de ses derniers discours, notamment au Danemark. Mais cet idéal de l’entrepreneur entrer en partie en contradiction avec la technocratie que peut également incarner le macronisme.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Atlantico : A l'occasion du conseil des ministres de ce 31 août, Emmanuel Macron a déclaré : "Il n'est d'idéaux louables que s'ils cherchent à changer le réel." Alors que le chef de l'Etat a célébré l'entrepreneur au cours de ses derniers discours, notamment au Danemark, et que cette notion peut-être présentée comme un "idéal" pour Emmanuel Macron, ne peut-on pas voir cet idéal de l’entrepreneur entrer en contradiction avec la technocratie que peut également incarner le macronisme ? Dans ce cadre technocratique, Emmanuel Macron ne surestime-t-il pas son aptitude à changer le réel pour les entrepreneurs ? 

Erwan Le Noan : Le président rappelle, à raison, que les idéaux politiques doivent prendre en compte la réalité économique, politique et sociale d’un pays : forcer la réforme, imposer un changement économique ou social à une population qui n’en veut pas, c’est la voie des dictatures et cela aboutit aux horreurs abominables du communisme qui a voulu changer les hommes pour les conformer à sa vision de la réalité.

On peut y voir un double avertissement : aux populistes, qui prétendent mettre en œuvre en France des réformes qui ne tiennent pas compte des réalités économiques du monde ; aux technocrates également qui veulent parfois mettre en œuvre des plans de réformes rationnellement parfaites alors que le pays n’y est pas préparé ou n’en veut pas (c’est ce qui semble se dessiner avec la retenue à la source). Or, l’administration n’est pas spontanément prompte à prendre des risques : le Conseil d’Etat vient justement de publier un brillant rapport, piloté par Jean-Ludovic Silicani, sur ce sujet, qu’il faut absolument lire !

L’omnipotence de l’Etat est ainsi devenue, aujourd’hui, un obstacle pour le bon développement de l’économie et de la société : elle constitue un obstacle majeur pour les entrepreneurs. Pour pouvoir améliorer le sort de la France, il faut d’abord réformer l’administration : l’alléger, lui retirer de son pouvoir de nuisance pour qu’elle se concentre plutôt sur ses missions régaliennes ou sur ses missions sociales de façon efficace.

Les députés En marche sont régulièrement pris pour cible en raison de leur conformisme et de leur "obéissance" totale à Emmanuel Macron. En quoi cette situation peut-elle trancher avec la promesse d'une arrivée de membres de la société civile, d'une approche plus "entrepreneuriale" de la politique ? 

Les députés En Marche ont, de fait, des profils qui sont souvent différents de la précédente assemblée. Ce renouvellement était bienvenu pour apporter un nouveau regard à l’Assemblée. Pour autant, et c’est ce qui a été trop ignoré, ce changement sociologique n’est pas, par lui-même, gage de transformation des initiatives parlementaires ni de changement de fonctionnement des institutions. Un député inexpérimenté reste sans formation, quelles que soient ses origines professionnelles : or, dans cette fonction comme dans la vie professionnelle, il faut du temps pour maitriser les subtilités d’un poste. Certains semblent s’en être rendus compte un peu trop tard…

Pour ce qui est de « l’obéissance », c’est un autre sujet. Les majorités précédentes, à quelques exceptions près, n’étaient pas non plus indépendantes du pouvoir exécutif. C’est le jeu normal des institutions françaises où le parlement est soumis au pouvoir exécutif. Dans cette majorité, cela semble se sentir plus que dans d’autres, notamment parce que les députés étant ‘nouveaux’, ils n’ont pas d’existence politique autonome.

Venir du secteur privé ne fait pas de vous un entrepreneur. Etre entrepreneur, c’est vouloir prendre des risques. Ce n’est pas le cas de tous les salariés du secteur privé, loin de là ! Et prendre des risques ou des initiatives dans des institutions comme les nôtres, c’est très compliqué…

Dans quelle mesure "l'idéal" porté par Emmanuel Macron peut également être mis à mal par la contradiction existante entre ce qui est parfois appelé le "capitalisme de connivence" (crony capitalism) et l'entrepreneuriat ? 

La France est fortement marquée par le « capitalisme de connivence », en raison de son histoire et de l’importance qu’a pris l’Etat dans la vie économique : les hauts fonctionnaires occupent des postes dans le privé sans quitter leurs administrations, les grands patrons restent proches du pouvoir politique. En pratique, cela conduit des groupes influents à obtenir des normes qui les protègent ou des aides qui les avantagent, comme l’Etat à contrôler des entreprises. Ce n’est pas spécifiquement nouveau et n’a certainement pas commencé avec l’arrivée au pouvoir d’En Marche. C’est un trait structurel de la France contemporaine : pour sortir de cette situation de connivence malsaine, il n’y a d’autre solution que d’organiser le retrait de l’Etat de l’économie. C’est parce qu’il est partout que tout le monde est obligé de traiter avec lui pour développer son business.

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