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Tromperies sémantiques, mensonges, marketing douteux : que fait la Police ?
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Atlantico chic

Hugo Jacomet, blogueur star de l'élégance parisienne, veut à nouveau mettre un terme à la nouvelle tendance qui tend à faire passer des produits de masse (souvent fabriqués sous d’autres latitudes) pour d’authentiques produits artisanaux.

Hugo Jacomet

Hugo Jacomet

Fondateur et éditeur de "Parisian Gentleman", Hugo Jacomet est une plume reconnue dans le domaine du style masculin.

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Gentlemen,

nous nous sommes souvent émus, dans ces colonnes, de l'utilisation de plus en plus abusive des termes "sur-mesure", "fabrication tailleur" ou autres "fabrication traditionnelle" par des confectionneurs tentant de surfer sur la vague du regain d'intérêt des hommes pour l'art tailleur. Cette dérive sémantique, et ce non-respect absolu des spécificités d'un métier pourtant très codifié, produit donc quotidiennement son lot de mensonges éhontés et de promesses tapageuses (comme ces costumes dits "sur-mesure, dans le respect de la tradition des maîtres tailleurs" proposés à... 190€). Et le plus inquiétant dans ces tromperies sémantiques, c'est que ces offres malhonnêtes ne proviennent plus simplement de contrées lointaines ou de sites web douteux, mais également de "maisons" hexagonales ayant pignon sur rue...

Nous nous sommes également largement fait l'écho, au fil des mois, du combat que mènent les tailleurs de Savile Row (grâce notamment à leur association) pour tenter de faire reconnaître officiellement outre-manche, ce que le terme "Bespoke" doit recouvrir en termes de savoir-faire, de méthodes et de techniques de fabrication. A ce jour, toutes ces initiatives n'ont pas produit les effets escomptés et les termes spécifiques à l'art tailleur sont aujourd'hui pillés sans aucun scrupule par des maisons qui ne produisent même pas du prêt-à-porter correct....

Pourtant, un décret de loi régissant le métier de tailleur existe bel et bien en France (oui, oui, vous avez bien lu !) et est extrêmement précis quant au droit des maisons d'utiliser ces termes à des fins de communication ou de publicité. Il s'agit du décret du 4 Janvier 1955, portant sur le règlement d’administration publique pour l’application, en ce qui concerne le commerce des vêtements masculins, de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes.

En voici le texte exact :

Journal officiel du 6 janvier1955

Décret du 4 janvier 1955 portant règlement d’administration publique pour l’application, en ce qui concerne le commerce des vêtements masculins, de la loi du 1er août 1905 sur la répression des fraudes.

ART 1er : Est interdit et considéré comme une tromperie sur les qualités substantielles de la marchandise au sens de la loi du 1er août 1905, l’emploi de toute indication, de tout signe, de tout mode de présentation, en particulier par usage du mot « tailleur » ou de toute autre dénomination comprenant ce mot, susceptible de faire croire à un acheteur qu’un vêtement masculin a été exécuté suivant les procédés techniques conformes aux usages loyaux et constants de la profession de tailleur, qui comportent la coupe individuelle aux mesures exactes du client, lorsque ledit vêtement n’a pas été exécuté dans ces conditions.


Extraits de la règlementation des appellations des différents genres de production des vêtements

ART 1er : Peut seul être désigné par l’appellation « tailleur » tout vêtement masculin de dessus dont le client a choisi le tissu et le modèle, et pour l’exécution duquel les opérations de coupe, d’essayage et éventuellement de retouches, sont faites par une main d’œuvre spécialisée, d’après les mesures personnelles du client prises préalablement à l’unité, ladite main d’œuvre étant rétribuée sur la base des tarifs de la Convention Collective en vigueur pour la profession, travaillant principalement à la main, et ne faisant appel à la machine que pour les opérations accessoires d’assemblage et sous les directives personnelles d’un maître tailleur ou d’un coupeur.

ART 2 : Peut seul être désigné par l’appellation « vêtement sur mesures mode industriel », tout vêtement de dessus dont le client a choisi le tissu et le modèle, et dont l’exécution déterminée d’après les mesures personnelles du client implique des opérations d’essayage et de retouches, ledit vêtement étant d’autre part fabriqué selon la technique industrielle du vêtement de confection.

On entend par technique industrielle, l’assemblage ou montage à la machine, en parties séparées, par plusieurs ouvriers ou ouvrières, chacun exécutant une ou plusieurs opérations déterminées et ayant recours éventuellement à des machines auxiliaires spéciales avec fini à la main ou à la machine, toutes ces opérations étant faites soit en travail divisé ou à la chaîne en atelier, soit par des entreprises ou de la main d’œuvre à domicile.

ART 3 : Peut seul être désigné par l’appellation « petite mesure façon confection », tout vêtement masculin de dessus, coupé à l’unité, exécuté selon les procédés de la fabrication en série à la convenance et aux conformations particulières du client qui a choisi, au préalable, son tissu.

ART 4 : Les entreprises de fabrication de vêtements masculins de dessus, dont l’activité répond à la définition donnée à l’article 1er de la présente décision, ont seules le droit d’apposer sur les vêtements vendus et exécutés par elles, selon la technique définie à ce même article 1er, une marque ou un label adhérent à ces vêtements et portant le mot « tailleur ».

ART 5 : Aucun vêtement masculin de dessus entrant dans l’une des trois catégories définies aux articles 1er, 2 et 3 de la présente décision ne pourra faire l’objet d’une offre de vente aux consommateurs en rayon, étalage, vitrine ou autrement, sans qu’il ait été apposé de façon apparente dans le local ou emplacement où ce vêtement sera offert à la vente, une affiche ou placard portant à la connaissance de l’acheteur la catégorie à laquelle ce vêtement appartient.

Si l’offre de vente est faite par catalogue, prospectus, prix courants, annonces de presse ou tout autre moyen, elle devra mentionner de façon apparente celles des trois catégories définies aux articles 1er, 2 et 3 ci-dessus, à laquelle ce vêtement appartient.

Dans l’un ou l’autre cas prévu aux paragraphes 1 et 2 du présent article, la catégorie à laquelle les vêtements appartiennent devra être mentionnée sans abréviation ni adjonction, et pour son ensemble en lettres d’imprimerie de même type et de même caractère.

ART 6 : Toute infraction aux prescriptions ci-dessus entraînera pour son auteur l’application de sanctions prévues par l’article 7 de la loi du 16 août 1940.

ART 7 : La présente décision est immédiatement exécutoire. Cette décision a été confirmée par arrêté ministériel du 29 juin 1947 (J.O. 27 juillet 1947).

Ce texte est, évidemment, à remettre dans le contexte de l'époque, c'est à dire dans celui du début de la montée en puissance de la confection et de la chute vertigineuse de l'art tailleur.

Mais ceci étant dit, ce texte n'ayant pas été amendé depuis, il reprend aujourd'hui tout son sens et devrait être plus souvent utilisé pour défendre un métier qui, contrairement aux années 50, est plutôt dans une dynamique de renouveau... S'agirait-il donc, une fois de plus, d'un décret de loi dont tout le monde se moque et qui est violé quotidiennement en toute impunité ? Notre pays regorge de décrets en tous genres qui n'ont jamais été appliqués. C'est même, selon certains observateurs étrangers, l'un de nos sports nationaux...

Mais franchement, vous avouerez que ce texte n'est ni suranné, ni dépassé et qu'il prend un sens tout particulier à une époque où les mots en question sont utilisés à tort et à travers et induisent plus que jamais les clients en erreur...

Que fait la police ?

Cheers, HUGO

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