Hillary Clinton quitte le département d'Etat : une chef de la diplomatie populaire malgré un bilan plutôt pâle<!-- --> | Atlantico.fr
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Après quatre ans à la tête du département d'Etat, Hillary Clinton va laisser la place au sénateur John Kerry.
Après quatre ans à la tête du département d'Etat, Hillary Clinton va laisser la place au sénateur John Kerry.
©DR

Trans-Amérique Express

Hillary Clinton est la deuxième personnalité préférée des Américains, et reste la favorite des candidats potentiels à la Maison Blanche en 2016. Son bilan à la tête du département d'Etat est pourtant bien mince...

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Hillary Clinton fera d’ici peu ses adieux au département d’Etat. Après quatre ans à sa tête. L’ex Première dame des Etats-Unis laissera la place au sénateur John Kerry, dès que celui-ci aura vu sa nomination confirmée par le Sénat. Récemment opérée d’un caillot de sang au cerveau elle est actuellement en convalescence.  

Hillary Clinton reste la deuxième personnalité préférée des Américains. Juste derrière le président Obama. 57% des électeurs se disent prêts à voter pour elle en 2016 si elle se présentait...

Pourtant, son passage à "Foggy Bottom", surnom du département d’Etat, dû au fait que l’endroit fut jadis un marécage embrumé, n’a engendré aucun accomplissement majeur. Hillary Clinton laisse un bilan maigre et  mitigé. Reflet des limites de la nouvelle diplomatie américaine et des ambitions réduites du président Obama en la matière.

La diplomatie américaine est une affaire de couples. Un président et son secrétaire d’Etat. Le plus célèbre des couples récents reste la paire Richard Nixon-Henry Kissinger. Mais il y eut aussi Ronald Reagan et George Schultz dans les années 80, George Bush et James Baker ensuite, Bill Clinton et Madeleine Albright dans les années 90, George W. Bush et Condoleezza Rice pour la décennie 2000… Les uns avaient redéfini la Guerre froide, les autres, mené le monde à l’heure de la Guerre du Golfe, ou mis un terme à la guerre dans  les Balkans, ou encore établi de nouvelles relations avec les anciennes républiques soviétiques et tenté de redessiner le Moyen Orient…

Que restera-t-il du couple Obama-Clinton ? L’énergie infatigable d’Hillary, quelques prises de positions pour les droits de la  femme et des minorités religieuses, l’ouverture à la Birmanie et une tragédie à Bengahzi.

Selon la formule de Woody Allen, "80% de la vie consiste à se montrer". Hillary Clinton le pense et l’a fait. "A l’heure où l’on peut être virtuellement partout à la fois dans le monde, les gens apprécient vraiment quand vous faites l’effort de vous déplacer en personne", dit-elle. Elle a ainsi parcouru un million de "miles", visité 112 pays et passé 400 jours à l’étranger. Plus qu’aucun de ses prédécesseurs. Mais qu’a-t-elle accompli ?

En Arabie Saoudite elle avait obtenu que, pour sa conférence, les femmes puissent s’asseoir "avec" les hommes, et non pas dans un coin de la salle séparées et cachées par un rideau. Cela lui avait valu une ovation des femmes présentes, qui ont été néanmoins renvoyées derrière leur rideau depuis… Avec la Birmanie, Hillary Clinton a négocié pendant des mois pour que le régime consente à autoriser une opposition politique, à libérer la dissidente Aung San Suu Kyi, et à rétablir des relations diplomatiques avec les Etats-Unis. Sa visite de décembre 2011 fut la première d’un secrétaire d’Etat américain depuis celle de John Foster Dulles en 1955. C’est son plus grand succès.

Mais cela semble bien pâle comparée à ce qu’accomplit en son temps un Kissinger, vis-à-vis de la Chine, un Baker, face à l’Irak de Saddam Hussein, ou même une Albright dans les Balkans…

La politique étrangère américaine reste la prérogative du président. Le secrétaire d’Etat est son messager, son gant de velours. Le Pentagone son bras armé, son gant de fer. Les dossiers "clés", comme le terrorisme, le nucléaire iranien ou  le conflit israélo-palestinien, sont gérés directement depuis la Maison Blanche. Si le président décide de s’en désintéresser, comme cela a été le cas du dossier israélo-palestinien de 2010 à novembre 2012, le secrétaire d’Etat ne peut rien faire. Sur le reste il suit la ligne présidentielle.

C’est le malheur d’Hillary. Elle a dirigé la diplomatie américaine au moment où son pays amorçait un repli. Dans la lignée du désengagement en Irak et en Afghanistan, la Maison Blanche avait choisi de "conduire depuis les lignes arrières". "Lead from behind" est l’expression utilisée par Barack Obama pour définir l’attitude américaine lors de la chute de  Kadhafi en Libye. Elle s’applique à l’ensemble de sa politique étrangère. Hillary Clinton eut beau affirmer devant le Council on Foreign Relations que "dans ce nouveau siècle, les Etats-Unis resteront engagés dans le monde comme ils le doivent et comme ils le souhaitent", ses paroles ne parvenaient pas à convaincre, parce qu’elles ne correspondaient pas à la ligne émanant de la Maison Blanche. "Au sein d’une administration Obama qui avait reculé devant toutes les confrontations sur la scène internationale, Hillary Clinton a eu du mal à garder une colonne vertébrale", confiait récemment  Kurt Volker, ancien de la CIA et du département d’Etat au Washington Times.

Résultat la diplomatie américaine a souvent bégayé.

Depuis le conflit d’août 2008 entre la Russie et la Géorgie, les Etats-Unis ont laissé Moscou reprendre une à une le contrôle de ses anciennes républiques, alors même qu’Hillary Clinton dénonçait une "occupation" illégale d’une partie de la Géorgie par les troupes russes…

En janvier 2011, à l’aube de la révolution tunisienne, Hillary Clinton avait mis en garde les régimes du Golfe contre leur immobilisme : "Les fondations de la région sont en train de s’enfoncer dans le sable", avait-elle dit. Mais les Etats-Unis, avaient hésité sur la conduite à suivre face au printemps arabe. A peine Clinton avait-elle déclaré le régime d’Hosni Moubarak "stable" que la Maison Blanche le lâchait brutalement. En Lybie, Washington montait dans le train mis en marche par la France pour participer à une intervention internationale. En Syrie, Clinton avait loué les qualités de "réformateur" de Bachir al Assad,  avant que Washington ne fournisse une aide logistique aux insurgés…

Enfin, les derniers mois de son mandat resteront marqués par l’affaire de Benghazi, qui a coûté la vie à quatre employés du son département dont un ambassadeur. Sa pire épreuve. Un échec qu’elle a assumé, au-delà du nécessaire, pour ne pas nuire au président, alors en pleine campagne électorale. Echec politique, car les Etats-Unis ont pêché par optimisme en Libye. Echec administratif, car la mission de Benghazi avait demandé des renforts de sécurité qui n’ont pas été octroyés.

La bataille de la diplomatie c’est aussi la bataille du budget. Cette bataille-là a été perdue par Hillary Clinton. Le département d’Etat bénéficie d’un budget qui représente à peine 10% de celui de la Défense : 50 milliards de dollars contre près de 600.

John Kerry ne changera pas ce rapport de force. Mais sa nomination pourrait bien profiter des circonstances du moment. Le Pentagone, reste sous la menace de 1 000 milliards de dollars de coupes budgétaires sur dix ans (cet aspect de la "falaise fiscale" n’a pas été résolu et ces coupes bien que "suspendues" sont toujours à l’ordre du jour). L’appareil militaire pourrait connaitre une période prolongée de vaches très maigres ! De quoi laisser plus de place à une diplomatie beaucoup moins avide de dollars.

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