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Avec ou sans la langue ?
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Revue de presse des hebdos

Alors que Carla Bruni-Sarkozy veut sauver les illettrés, la grammaire française va à vau-l’eau.

Cette semaine, L’Expressnous révèle « Comment on devient franc-maçon ». Une fois que vous aurez appris, entre autres informations capitales, que « L’initiation n’est pas une révélation, plutôt un mouvement de libération intérieure ; avec une dimension profonde et difficilement exprimable », comme dit Alain Bauer, ex-grand maître du Grand Orient, vous pourrez vous plonger dans le Nouvel Observateur, où l’on découvre des choses incroyables sur la sexualité masculine. Si si. Par exemple que les hommes se masturbent, et qu’ils sont obsédés par la longueur de leur sexe. Waouh, ça c’est du scoop.

Alors quoi ? Personne ne parle de la grossesse supposée de Carla Bruni-Sarkozy ?!! Ouf, heureusement VSD est là, publiant une photo de la première dame, ses rondeurs « relatives » cachées sous un T-Shirt ample. Doïna Leraud se lance : après sept ou huit fausses rumeurs de grossesse, « il semblerait, que cette fois, ce soit la bonne ». Et d’ajouter : « Au moment où nous écrivons ces lignes, un conseiller du président nous a confirmé l’info en off. » Pour le romantisme, la journaliste nous rappelle qu’en visite en Inde, Carla Sarkozy avait noué un ruban rouge dans les grilles du Taj Mahal, en faisant le souhait d’avoir un fils. Soit dit en passant, un heureux événement ne ferait pas de mal aux affaires de Sarkozy, écrit Doïna Leraud : « Quelle meilleure image pour un candidat en campagne que celle d’un sourire attendri au-dessus d’un berceau ? »

Roulage de pelle présidentielle

Carla, encore elle, fait la une de Paris Match. Elle est interviewée par Alexandre Jardin sur son combat contre l’illettrisme. L’hebdomadaire a jugé le scoop tel qu’il a avancé sa sortie en kiosque de vingt-quatre heures. L’interview est plutôt marrante. Déjà, parce que Jardin, romancier avant d’être journaliste, s’y met beaucoup en scène. On dirait qu’il n’assume pas d’être dans le bureau de la première dame, dans un exercice rien moins qu’officiel. Alors, pour introduire un entretien relativement lisse, il se justifie, se défend d’adhérer à aucun programme, ni à droite, ni à gauche. Il se drape dans sa rébellion, en répétant qu’il est « en colère ». Et critique le sort que Sarkozy réserve à l’éducation : « Je l’ai rencontré récemment et ai été désespéré par son manque d’ambition éducative qui reste, à mes yeux, une faute pour nos enfants. » En dépit de la colère, on décèle chez Jardin une pointe d’admiration pour le roulage de pelle présidentielle dont il a été le témoin juste avant l’interview. « Je flaire illico qu’entre Carla et lui s’est tissée une alliance vraie », écrit-il. Mais passons aux choses sérieuses. Mme Sarkozy, qu’on savait déjà engagée en faveur de la lutte contre le sida, parle de son combat contre l’illettrisme. On la trouve bien assise dans son rôle de première dame, qui « veut être utile aux Français », dont la « foi en l’école de la République est très forte ». Elle raconte qu’elle a été secouée par la honte d’une mère de famille qui ne pouvait pas lire d’histoires à ses enfants. Au détour d’une phrase, celle qui ne veut pas faire de politique se prend soudain à en déclamer, malgré elle, comme monsieur Jourdain de la prose. « [Je travaille] beaucoup plus que trente-cinq heures et c’est bénévole ! » Un petit coup sur le museau des trente-cinq heures et un couplet sur la valeur travail, ça ne peut pas faire de mal.

Qui, pour sauver la grammaire ?

Tandis que Carla Bruni-Sarkozy s’attaque à l’illettrisme, Télérama se demande : « Peut-on sauver la grammaire ? » Cette vénérable discipline n’en finit pas d’être violentée. On blêmit même en lisant un extrait d’une copie de lycéen publiée dans l’article. « Phrases sans verbe ou bégayantes, conjugaisons farfelues, pronoms incohérents, accords inexistants : au-delà de la forme, le sens même est touché. » Même les instituteurs n’auraient plus la syntaxe infuse. D’aucuns, pourtant, refusent une « grammaire immuable, celle de grand-papa ». Très justement, la journaliste Fanny Capel nous met en garde : « C’est oublier qu’en l’absence d’une langue complexe et articulée, seuls subsistent les slogans et les clichés – bref, le degré zéro de la pensée… - et que prospèrent les ghettos linguistiques :« Je me comprends », répliquent les jeunes gens pris en flagrant délit de charabia, sans songer que l’enjeu de l’intégration sociale comme de l’échange intellectuel est justement de se faire comprendre. »

Christine Kerdellant, auteur d’une chronique dans l’Express, combat également l’indigence du langage, mais en brocardant PowerPoint, cette fois. « La nécessité de synthèse et le recours aux puces (bullets points) implique les raccourcis, donc simplifie et rigidifie la pensée. Un exemple ? Pour elle, l’intervention en Libye « repose sur une vision simplificatrice et « powerpointienne » de la réalité. » Bof, si c’est pas un raccourci, ça… Pour approfondir sur la situation libyenne, le Nouvel Observateur fait le point dans un dossier : « 10 questions sur une guerre française », tandis que Renaud Dély s’insurge contre l’absence de débat de fond sur ce conflit déguisé en opération humanitaire.

Mais revenons à la langue de Molière et pourquoi pas aux seins de Loana. La télé-réalité, qui nous a donné des perles comme « Ta famille, tu l’emmerdes avec un grand A », fête ses dix ans ! Télérama décrypte une décennie de télé poubelle. Le bilan est tellement affligeant, que Loft Story, comparé à Secret Story et La ferme célébrités, en sort grandi. « Au fil des ans, la logique de surenchère fonctionne à plein, avec ses rebondissements scénarisés et ses profils de plus en plus outranciers, repérés principalement dans « le milieu de la nuit », quelque part entre un bar niçois et un tournage porno. A l’exhibition, principe fondateur, s’ajoute le piment des défis pervers, de la délation, de la sexualité exacerbée. » Carla Bruni-Sarkozy ne peut pas être sur tous les fronts.

Astrid Eliard

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