Quand les dragons ethniques défient la sobriété nordique et quand le poids des mots prend de nouvelles tonalités érotiques : c’est l’actualité des montres… <!-- --> | Atlantico.fr
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Deux aiguilles, sinon rien, un cadran large et plat aussi vide que possible et une discrétion furtive au poignet : le minimaliste scandinave inaugure la nouvelle post-modernité du luxe horloger.
Deux aiguilles, sinon rien, un cadran large et plat aussi vide que possible et une discrétion furtive au poignet : le minimaliste scandinave inaugure la nouvelle post-modernité du luxe horloger.
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Atlantic-tac

Mais aussi les nouveaux standards horlogers de la nouvelle génération, la tabou du transgenre à la force du poignet ou la danse magnétique des ferroparticules qu’on excite au bon endroit…

Grégory Pons

Grégory Pons

Journaliste, éditeur français de Business Montres et Joaillerie, « médiafacture d’informations horlogères depuis 2004 » (site d’informations basé à Genève : 0 % publicité-100 % liberté), spécialiste du marketing horloger et de l’analyse des marchés de la montre.

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DANIEL WELLINGTON : Deux intuitions suédoises qui font craquer…

Filip Tysander, le créateur (suédois) de la marque Daniel Wellington, a eu deux intuitions qui n’avaient rien d’absolument génial, mais qui lui ont permis d’écrire la plus belle success story horlogère de ces trois dernières années. Après la crise bancaire de 2008-2009, il a compris que les paradigmes du luxe avaient changé l’idée qu’on se fait d’une montre : le chic n’était plus dans le prix, ni dans les boursouflures stylistiques, mais dans la discrétion presque janséniste et comme furtive de ce design nordique (boîtier rond, deux ou trois aiguilles, index effilés). Seconde intuition : pour l’amateur non aficionado, le bracelet est aussi important que le cadran. Il devient donc stratégique de lui permettre de varier les plaisirs et les couleurs, avec un très large choix de bracelets colorés faciles à changer. Cadran chic + bracelet choc : facile, mais il fallait y penser ! À un prix accessible, c’était l’arme fatale contre les marques (suisses ou péri-suisses) qui verrouillaient l’entrée de gamme. La marque Daniel Wellington – excellente qualité chinoise de fabrication – s’est vite imposée comme le nouveau standard horloger des nouvelles générations, avec une production annuelle de plusieurs millions de montres et des revenus fabuleux du fait de la fabrication en Chine : de quoi faire rêver bien des manufactures suisses, dépassées par un phénomène qu’elles n’avaient pas anticipé et qu’elles ne comprennent pas. L’effet de cette disruption subversive a été brutal au moment où les exportations horlogères suisses commençaient à faiblir. Daniel Wellington : retenez bien le nom, c’est peut-être la nouvelle Swatch du XXIe siècle. La preuve : elle tend maintenant à s’institutionnaliser, comme le prouve sa nouvelle Dapper, avec chiffres romains et bracelet en cuir à l’italienne. Presque du néo-classique…

SKAGEN : La quintessence d’une sobriété générationnelle…

Le dégonflement de la « bulle » horlogère démode rapidement les über-montres, hérissées d’angles, de reliefs et de volumes bizarres, pour ramener sur nos poignets des modèles beaucoup plus apaisés. Le minimalisme est de rigueur, avec un net retour vers l’esthétique du design scandinave, qui fait plébisciter la marque Skagen – marque d’origine danoise, qui a repris le nom d’une ville au nord du nord du Jutland – auprès des nouvelles générations. Difficile d’en faire moins, même quand la marque se pique de vouloir créer des « complications », comme cette montre Ancher Mono à heures sautantes qui exprime assez idéalement la conception que Skagen se fait du design, du style et de la complexité horlogère. Une allure de compteur de vitesse pour ce cadran d’une sobriété nordique, un seule aiguille (jaune) plutôt que deux, un guichet des heures qui semble avoir peur d’en dire trop et un boîtier simplissime (quoique très étudié) taillé dans le titane gris brossé en 40 mm – pour servir aux messieurs aussi bien qu’aux dames. Le choix des couleurs est simple : c’est noir ou noir. Le tout pour à peine plus de trois billets de 100 euros, d’autant plus justifiés que la pièce est en édition limitée (500 exemplaires). Plus léger, à l’œil comme en poids ou en prix, tu meurs ! C’est probablement cette volonté substantielle de refuser toute facilité stylistique, pour aller d’emblée à l’essentiel, qui fait de Skagen une marque ultra-générationnelle, dans le registre « luxe pour soi » et « luxe subtil entre initiés de la tribu »…


RICHARD MILLE : Pour commencer, dites-le avec des mots…

Qu’une montre érotique contemporaine s’attache au chiffre 69 comme cette RM 69, pas un Gaulois ne s’en étonnera. Ce qui est plus révélateur, c’est l’importance que cette talking piece contemporaine accorde aux mots. Sans doute un effet induit de la pratique des réseaux sociaux, où il est désormais permis de tout dire alors que Facebook censure impitoyablement la moindre pointe de sein, même si elle est signée par les plus grands artistes du passé. Hier, ces talking pieces animaient des automates aux gesticulations très suggestives (les lecteurs d’Atlantic-tac se souviendront des émois mécaniques d’un couple sur le Grand canal de Venise). Richard Mille, qui n’est jamais en panne d’un clin d’œil, nous propose un nouveau mode de communication libertine : c’est la première messagerie érotique de haute horlogerie, avec des messages que ses clients oligarques de toutes les nationalités s’empresseront de personnaliser en fonction de leurs « spécialités ». Montés sur des rouleaux en titane et déclenchés par un poussoir à 8 h, les segments de phrases composent des énoncés aléatoires et fortuits, dans l’esprit des « cadavres exquis » chers aux surréalistes. Histoire de justifier le prix (très) élevé de cette mécanique à tendance coquine, Richard Mille lui ajoute un tourbillon qui va pousser l’addition vers les centaines de milliers d’euros – mais, c’est bien connu, quand on aime, on ne compte pas ! Surtout qu’il n’y aura que 30 super-ploutocrates globalisés à pouvoir s’offrir cette petite galanterie contemporaine…

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FERROLIC : Les nanoparticules qui poussent à la méditation temporelle…

Les ferrofluides sont des solutions de nanoparticules ferromagnétiques qui permettent de créer des liquides magnétiques, capables de générer des figures en fonction de la création de champs magnétiques. Il était tentant de coupler ces propriétés à un système horaire : l’horloge murale Ferrolic (vidéo de démonstration ci-dessous) va donc permettre d’« écrire » l’heure, en toutes lettres, tout en créant des scènes de transition qui semblent chorégraphier les oxydes de fer du fluide magnétique de l’horloge. Le ballet est fascinant, tellement les formes semblent vivantes et organiques : le temps semble s’écouler, en silence, dans un perpétuel foisonnement formel, qui pourrait former des chiffres aussi bien que des messages. À défaut d’être un support de méditation comparable aux mandalas tibétains, c’est presque un test de Rorschach permanent. Conçue aux Pays-Bas, l’horloge Ferrolic devrait être rapidement proposée dans souscription sur Kickstarter…

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CHANEL : Le sentiment délicieux d’enfreindre quelque obscur tabou…

Ça y est, elle arrive enfin en boutique, cette Chanel Boy.Friend dont Atlantic-tac vous avait déjà signalé tout l’intérêt et toute l’ambigüité en juin. Les femmes vont avoir le frisson en songeant qu’ils auraient pu la piquer à leurs hommes et ces hommes auront le sentiment délicieux d’enfreindre quelque obscur tabou en portant cette Chanel « féminine » qui a cependant tout de l’arbitre des élégances masculines. Pour ne pas se couper trop vite de sa clientèle énamourée de fashionistas inconditionnelle, Chanel met à présent l’accent sur les versions féminines, serties à point, mais elles ne font que souligner la réussite formelle d’une montre rigoureusement « transgenre » comme l’offre horlogère n’en connaissait plus depuis les fameuses Tank de Cartier. Notez bien le minimalisme esthétique du cadran (le faux cercle dans le rectangle, l’absence de chiffres ou d’index, la fausse modestie des aiguilles : même le Chanel est symboliquement gravé en creux !) et décodez-y la nouvelle prégnance du luxe post-moderne qui défie les apparences statutaires et les routines mentales pour imposer sa vision épurée d’une nouvelle esthétique de référence. Vade retro Satanas ostentatoire !

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SPEAKE-MARIN : La haute époque du bas-relief…

Au vu du décodage précédent, n’allez cependant pas croire que la baroque horloger n’a pas des beaux jours devant lui. Il n’a pas fallu moins de deux graveurs et d’un « sculpteur de cuir » – en plus d’un horloger (Peter Speake-Marin) – pour réaliser cette pièce unique dont la gravure reprend l’entrelacement symbolique de dragons qu’on peut admirer au temple Kennin-Ji, le plus ancien chef-d’œuvre bouddhiste zen de Kyoto et du Japon (1202). Kees Engelbarts et Eddy Jaquet (les graveurs, le premier attaché au bas-relief figuratif, le second spécialiste de la décoration du mouvement) ont accordé leurs talents à celui de Christophe Seewer (le sculpteur de cuir) pour déchaîner ces deux dragons dont le relief passe du cadran au boîtier et à l’écrin de cuir étampé et repoussé. Pas un millimètre carré qui ne soit dédié à la décoration et à l’ornementation de cette mécanique unique et très… ethnique, en rupture totale avec le style scandinave dont nous avons parlé, mais c’est la traditionnelle exception qui confirme la règle !

• LE QUOTIDIEN DES MONTRES

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