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La gauche révolutionnaire complice du totalitarisme islamiste
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Après des mois de violences provoquées par différents groupuscules d'extrême-gauche (zadistes, CGT, casseurs en marge de Nuit Debout et des manifs anti-loi El Khomri, etc.) qui ont pris pour cibles notamment les forces de l'ordre, à l'instar des terroristes islamistes, et à la lumière des appels du célèbre terroriste Carlos à soutenir Al-Qaïda et Daesh, ou des propos du co-fondateur d'Action Directe sur le "courage" des auteurs des attentats de Paris en novembre 2015, il est intéressant d'analyser les convergences et inimitiés communes qui font souvent converger le totalitarisme rouge et le totalitarisme vert.

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle

Alexandre del Valle est un géopolitologue et essayiste franco-italien. Ancien éditorialiste (France SoirIl Liberal, etc.), il intervient dans des institutions patronales et européennes, et est chercheur associé au Cpfa (Center of Foreign and Political Affairs). Il a publié plusieurs essais en France et en Italie sur la faiblesse des démocraties, les guerres balkaniques, l'islamisme, la Turquie, la persécution des chrétiens, la Syrie et le terrorisme. 

Son dernier ouvrage, coécrit avec Jacques Soppelsa, Vers un choc global ? La mondialisation dangereuse, est paru en 2023 aux Editions de l'Artilleur. 

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Les passerelles idéologiques entre marxistes révolutionnaires et islamistes

Les deux totalitarismes, islamiste et marxiste-révolutionnaire, convergent tout d'abord face à un même ennemi commun : l'Occident, libéral-démocratique, américain, "impérialiste", colonialiste ou sioniste. Tous deux révolutionnaires et adeptes de la violence, l’islamisme et le communisme partagent un même universalisme conquérant et un même messianisme des pauvres, ce qui a motivé le sociologue français Jules Monnerot à écrire, dans son ouvrage Sociologie du Communisme, que le communisme est "l’islam du XXe siècle". Quant au grand islamologue Maxime Rodinson, lui-même ancien communiste, il écrivait que "l’islam et le communisme présentent une ressemblance frappante". L’islam politique et l’islamisme apparaissent pour beaucoup de militants et idéologues d'extrême-gauche comme le nouvel étendard revanchard des peuples opprimés et des masses prolétaires du Tiers-Monde. Après avoir, dans les années 1970, compté sur la théologie de la libération pour s’aliéner les masses, nombre de groupuscules gauchistes à la recherche d’un nouveau golem prolétarien ont finalement placé leurs espoirs dans l’islamisme. En fait, cette islamophilie des révolutionnaires n’est pas nouvelle. Elle se confondait dans les années 1950 et 1960 avec l’arabophilie des admirateurs de Nasser et plus généralement avec l’anticolonialisme. Les cas d’alliance entre mouvements d’extrême-gauche et de convertis d’extrême-gauche à l’islam par tiers-mondisme et refus de l’Occident ont été significatifs. Chez certains convertis issus de la gauche ou de l’extrême-gauche, le caractère supposément antioccidental de l’islam confère à ce dernier l’aura de la religion du Tiers-Monde, des pauvres, des opprimés, des victimes du "racisme" et des "fascistes", puis de l’Etat "bourgeois réactionnaire répressif" ou encore des Français et Occidentaux laïcards ou/et "islamophobes".

Des Frères musulmans à Al-Qaïda/Daesh : l'influence de la geste révolutionnaire communiste

Les œuvres de Sayyid Qutb, intellectuel islamiste égyptien qui succéda à Hassan al-Banna à la tête des Frères musulmans après avoir été léniniste et qui fut pendu par le régime de Nasser en 1966 en raison de ses théories jihadistes et insurrectionnelles, insistent beaucoup sur le rôle "d’avant-garde" des groupes révolutionnaires islamistes construits sur le modèle des groupes révolutionnaires marxistes-léninistes. Rappelons que durant sa période pré-islamiste, avant de revenir de son séjour aux Etats-Unis, Qutb fut un délégué de l’Internationale communiste et son lien principal avec les Frères musulmans dans le cadre de la lutte anti-coloniale. Durant les années 1920 et 1930, les Frères musulmans et d'autres précurseurs du mouvement jihadiste contemporain ont été pour la plupart très influencés par le marxisme révolutionnaire anti-occidental, bien que l'un des leurs, le Grand Mufti de Jérusalem al-Husseini, ait été l'homme du Troisième Reich. Combinant l’islamisme radical et l’idéologie marxiste totalitaire, Sayyid Qutb a adopté ainsi la notion marxiste "d’étapes historiques", prenant pour exemple la phase de construction de la société islamique initiée par Mahomet à Médine avec le jihad, interprétée ici à l’aune de la démarche léniniste de "l’Avant-garde révolutionnaire". Les œuvres de Sayyid Qutb mettent de ce fait nettement l’accent sur le rôle d’un tel noyau révolutionnaire, idée reprise depuis par les grands mouvements jihadistes-sunnites-salafistes comme Al-Qaïda ou l’Etat islamique.

La transposition de principes tactiques et stratégiques marxistes totalitaires à l’islamisme radical doit aussi beaucoup à l’un des grands théoriciens et protagonistes du jihadisme moderne sous la Guerre froide et fondateur d’Al-Qaïda, Abdullah Azzam (1941 – 1989, parrain de Ben Laden), lui-même lecteur assidu de Qutb, et qui fut également influencé par le principe maoïste des "Bases rouges" qui consiste à "libérer" de petits territoires épars et périphériques dans lesquels la faiblesse de l’Etat central est manifeste, puis de faire ensuite le lien territorial entre ces entités périphériques chaotiques avant d’encercler et de faire tomber la capitale et le noyau dur du territoire ennemi. Toutefois, l'exemple le plus emblématique de l'alliance rouge-verte a été offert par la révolution chiite iranienne (1978-1979), lorsque l’imam-sociologue Ali Shariati, proche collaborateur de l’Ayatollah Khomeiny, apporta à la révolution islamique iranienne la synthèse socialiste-islamiste qui consistait à incorporer dans le discours révolutionnaire des apports idéologiques de gauche et d’extrême-gauche, notamment ceux de Che Guevara et de Frantz Fanon, auteur du célèbre ouvrage tiers-mondiste Les damnés de la terre, d'ailleurs préfacé le par philosophe qui nia longtemps les goulags, Jean-Paul Sartre, qui y appelait à "abattre l'Européen". On doit par ailleurs à l’imam Shariati l’islamisation de la notion fanonienne "d’opprimés", devenue musta’adafin. L’idéologie tiers-mondiste et communiste des déshérités apporta une légitimation progressiste et anticolonialiste à l’islamisme en général, tant chiite que sunnite par la suite. L'islamisme révolutionnaire n’aurait d'ailleurs selon moi probablement jamais réussi à séduire si massivement la gauche mondiale et surtout occidentale s’il avait montré d’emblée sa nature profonde obscurantiste et réactionnaire, anti-progressiste, et s'il n'avait pas fait passer ses doléances théocratiques pour une forme exotique et spirituelle de lutte pour les "opprimés". De ce point de vue, la gauche islamophile et l'extrême gauche pro-islamiste ont agi dans maints cas comme véritables auxiliaires de l'islamisme, comme des alliés objectifs ou subjectifs ayant facilité sa pénétration dans nos démocraties ouvertes et complexées par le syndrome post-colonial, notamment en leur apportant une caution morale, un appui médiatique et un soutien politique et subversif.

Du terroriste Carlos aux Brigades rouges : le soutien tactique aux jihadistes

L’islamisme antioccidental et antisioniste apparaît, pour la cause palestinienne, comme la nouvelle voie anti-impérialiste par excellence. Ceci a motivé l’appel de certains d’entre eux à soutenir les Talibans, le Hezbollah ou Al-Qaïda. Cet appel a été relayé par nombre de groupes révolutionnaires et terroristes d’extrême-gauche comme l’Armée rouge japonaise (qui connaît de plus en plus de convertis à l’islam) ou les "Euroterroristes" qui avaient marqué les années 1970-1980 durant les "années de plomb" en prônant la lutte armée et l’action directe en Europe pour instaurer le communisme : Brigades rouges, Prima Línea, Rote Armee Fraktion, Cellules révolutionnaires, Action Directe, sans oublier le célèbre terroriste Carlos, emprisonné à perpétuité en France et qui lance depuis sa cellule des appels à rejoindre les jihadistes. Engagé depuis toujours dans la lutte contre "l’impérialisme américano-sioniste" et en faveur des terroristes palestiniens et arabes (Habbache, FPLP, Fatah, régime baathiste syrien), le terroriste vénézuélien pro-palestinien, devenu musulman dans les années 1980, se proclame depuis la fin des années 1990 "révolutionnaire néo-wahhabite", en référence à la doctrine wahhabite-salafiste radicale en vigueur au sein du noyau fondateur d'Al-Qaïda et fondatrice de l'Arabie saoudite. A l’instar d’anciens nationalistes arabes devenus islamistes, Carlos considère que le nationalisme palestinien et arabe traditionnel, laïc et socialisant, est en voie de disparition. Il est convaincu que l’islamisme révolutionnaire salafiste ou néo-wahhabite du type de celui prôné par Al-Qaïda ou Daesh constitue la seule réelle voie radicalement antioccidentale, antisioniste et révolutionnaire, face à "l’hégémonie américano-sioniste". Devenu un thuriféraire de Ben Laden puis de l'Etat islamique, Carlos a publié dans ce sens en 2003 un livre-manifeste au titre révélateur : L’Islam révolutionnaire. L’ex-militant marxiste-léniniste y justifie son appel à rejoindre l’islamisme radical et terroriste par "la nécessité d’apporter l’appui du prolétariat urbain des pays européens aux masses arabes et islamiques expropriées et humiliées, afin de contrer les visées israélo-anglo-américaines".

Au début des années 1990, on a pu observer en Italie un phénomène similaire et aussi inquiétant avec le retour des néo-Brigades rouges du Parti Communiste Combattant (BR-PCC). Ces nouvelles Brigades rouges, qui revendiquèrent notamment des attaques à l’explosif contre le Collège de Défense de l’OTAN et des bases militaires américaines, puis contre la Fédération des Industries Italiennes, créèrent la surprise en appelant les révolutionnaires du monde entier à rejoindre le terrorisme islamiste, et en saluant "l’action héroïque d’Al-Qaïda contre l’impérialisme américain". Lors de l’arrestation d’une autre cellule d’Al-Qaïda qui préparait une attaque maritime à Venise, le 10 juillet 2002, les enquêteurs italiens avaient mis la main sur des indices établissant des liens entre Al-Qaïda et les Brigades rouges. Cette alliance entre la gauche radicale et les islamistes sera solennellement revendiquée par Nadia Desdemona Lioce, le cerveau du groupe brigadiste, arrêtée le 2 mars 2003 suite à une fusillade à bord du train Rome-Florence.

Plus récemment, peu après les attentats du 13 novembre 2015, c'est l'ancien terroriste français, Jean-Marc Rouillan qui défraya la chronique et rappela la persistance de la "tentation totalitaire" de la gauche révolutionnaire violente française, lorsqu'il répondit à un journaliste qui lui demandait s'il condamnait les attaques de Paris perpétrées par des séides de Daesh, et en se déclarant "neutre" : "pas plus pour Daesh que pour l'État français (…), je pense que l'État français est un État colonialiste, assassin. Ce qu'il s'est passé en Algérie m'empêchera toujours, toute ma vie, de chanter la Marseillaise et de mettre le bleu-blanc-rouge (…)", ajoutant qu'il trouvait "très courageux" les islamo-terrorristes qui ont assassiné 130 personnes ce soir-là, et précisant qu'ils "se sont battus dans les rues de Paris, en sachant qu'il y avait 3000 flics autour d'eux (...) On peut dire plein de choses - qu'on est absolument contre les idées réactionnaires, que c'était idiot de faire ça - mais pas que ce sont des gamins lâches". De leur côté, les leaders de l'extrême-gauche islamistophile française, de Mélenchon à Besancenot en passant par de nombreux rouges-verts écolos radicaux, passeront plus de temps à fustiger les "islamophobes" et les "forces de l'ordre répressives" que l'islamisme radical en tant que doctrine théocratique, l'idée étant que le terrorisme islamique n'a "rien à voir avec l'islam", ce que ne pensent pourtant pas les progressistes arabes comme Adunis, Kamel Daoud, Wafa Sultan, Abdelwahhab Medeb ou encore Mohamed Charfi et Boualem Sansal.

Des No Globals à Todd : tout est bon à prendre pour les propagandistes jihadistes

Dans ce contexte global de tentative de constituer un front anti-américain et tiers-mondiste rouge-vert profitable à l’islamisme radical, en septembre 2007, l'ex-leader et fondateur défunt d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, avait quant à lui rappelé dans son "message au peuple américain" qu’il était le chef charismatique mondial de la lutte anti-occidentale, anti-sioniste, anti-capitaliste et anti-américaine. Dans un style anti-capitaliste que n’aurait pas désavoué Karl Marx, il expliquait : "Ceux qui ont le véritable pouvoir et l’influence sont ceux qui détiennent le plus de capital. […] Vous êtes ceux qui ont pour dicton 'l’argent a la parole. » […] le système démocratique sacrifie les soldats et les populations pour les intérêts des grandes entreprises. […] Ce sont elles les véritables tyrans terroristes'", idée très présente dans nombre de blogs et revues d'extrême-gauche. Désireux de rallier également à lui les No Globals les plus radicaux et les Verts les plus anticapitalistes, Oussama Ben Laden affirmait que "la vie de toute l’humanité est en danger à cause du réchauffement climatique qui provient pour une grande part des émissions des usines des grandes entreprises. Mais malgré cela, les représentants des entreprises à la Maison Blanche insistent pour que ne soit pas observé l’accord de Kyoto, tout en sachant que les prévisions parlent de la mort et de l’exode de millions d’êtres humains en raison [du réchauffement], en particulier en Afrique". Dans la même intervention, Ben Laden faisait référence à un intellectuel français "anti-impérialiste" très courtisé par nombre d’anti-américains et anti-occidentaux radicaux, Emmanuel Todd, présenté comme "le penseur européen qui a anticipé la chute de l’Union Soviétique (…). Il vous serait bénéfique de lire ce qu’il a écrit au sujet de ce qu'il advient après l’empire, pour ce qui concerne les Etats-Unis d’Amérique". Le "cheikh Oussama" invoquait en fait sans le nommer l’ouvrage de Todd intitulé L’Empire qui prédisait la fin de "l’empire américain" et affichait un tiers-mondisme anti-occidental virulent. Plus pathétique encore, peu après les attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Casher de janvier 2015, Emmanuel Todd publia un ouvrage encore plus controversé, dont la thèse consistait carrément à victimiser les masses musulmanes et les islamistes radicaux au nom de la lutte contre "l'islamophobie". Alors que des immenses foules de Français et de ressortissants du monde entier défendaient le droit de Charlie Hebdo à caricaturer les religions, et alors que l'on pleurait encore les morts du 7 janvier, Todd dénonçait les citoyens français laïcards supposés "anti-musulmans", ceux-là mêmes qui défilèrent lors de la grande manifestation consécutive aux attentats du 7 janvier 2015 dans les grandes villes de France. Le démographe français, coqueluche de la gauche tiers-mondiste islamophile - à égalité avec Edwy Plenel qui écrivait quant à lui un ouvrage outrancièrement victimiste - Pour les Musulmans, affirmait dans cet essai que les territoires où se serait recruté l’essentiel des masses françaises ayant défilé au nom du slogan Je suis Charlie seraient des régions de "tradition sociologique catholique" et incarneraient le camp de "l'islamophobie"...

Quand on sait que ce thème de la lutte obsessionnelle contre l'islamophobie est née dans les années 1990 dans le cadre de la condamnation à mort pour "blasphème" de Salman Rushdie (fatwa émise par l'Ayatollah Khomeiny) et qu'il constitue le leitmotiv et le carburant majeur de tous les islamistes radicaux, des "modérés" Frères musulmans aux pires jihadistes de Daesh, Boko Haram ou Al-Qaïda, il y a de quoi se poser des questions sur les motivations des intellectuels et leaders d'extrême-gauche, de Todd à Mélenchon en passant par Besancenot ou nombre de trotskistes comme ceux du mouvement anglais Respect, alliance électorale entre islamistes radicaux et gauchistes anglais. Mais l'extrême-gauche n'est pas la seule à tomber dans ce piège ou à le tendre, piège qui consiste à abonder idéologiquement et psychologiquement dans le sens des jihadistes face à la civilisation occidentale honnie, car lorsque le gouvernement de Manuel Valls a lancé, après les attentats de novembre 2015, une vaste campagne médiatique contre l'islamophobie digne de la désinformation soviétique montrant des fachos franchouillards "islamophobes" frapper une gentille jeune musulmane voilée, il a fait EXACTEMENT ce que cherchaient les professionnels de la guerre psychologique qui font la propagande de Daesh : culpabiliser la victime pour les horreurs commis par ses bourreaux... Cas d'école de l'efficacité de la rhétorique de Daesh ? Ou complicité objective de la gauche adepte de la culpabilisation anti-occidentale ?

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