L’inversion du cours de l’histoire par Arnaud Montebourg laisse les investisseurs sceptiques <!-- --> | Atlantico.fr
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Le nombre de nouvelles usines installées en France est en baisse de 25%.
Le nombre de nouvelles usines installées en France est en baisse de 25%.
©Flickr

Revue d'analyses financières

Dans l'œil des marchés : Jean-Jacques Netter, vice-président de l'Institut des Libertés, dresse, chaque mardi, un panorama de ce qu'écrivent les analystes financiers et politiques les plus en vue du marché.

Jean-Jacques Netter

Jean-Jacques Netter

Jean Jacques Netter est vice-président de l’Institut des Libertés, un think tank fondé avec Charles Gave en janvier 2012.

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Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement Productif, s’est exprimé cette semaine devant les investisseurs en grande majorité étrangers, invités pour trois jours par la maison Kepler Cheuvreux à Paris.

Après avoir cité Jean Paul Sartre et Napoléon pour expliquer sa conception de « la Bataille du Made in France », on pouvait avoir envie de sourire, mais la suite de ses propos a véritablement surpris la majorité de son auditoire.

« Nous attirons beaucoup de cerveaux, la preuve, c’est que vous êtes là ». Il ne savait peut être pas que la majorité de ceux qui l’écoutaient étaient des gérants étrangers non fiscalisés en France. En leur recommandant de surtout ne pas lire le Financial Times et The Economist, qui est selon lui « Le Charlie Hebdo de la City », il n’a pas véritablement convaincu son auditoire !

« Les accords Renaultont permis de relocaliser  200 000 emplois », de Nissan à Flins, a-t-il poursuivi. Ce n’est pas tout à fait le sentiment que l’on avait en écoutant, pas longtemps après son intervention, David Thormann, le directeur financier de Renault !

« Les impôts vont diminuer de 20Md€ pour les entreprises », ajoute notre ministre. Les gérants présents avaient vraiment le sentiment d’être considérés comme des ignorants en matière économique et financière. Ils ont eux bien compris que le gouvernement, après avoir voulu surimposer les « riches entreprises », surtaxé le coût du travail et réduit les marges, avait voulu avec le CICE alléger un peu la note. Parallèlement, tous les investisseurs constatent que  les « riches ménages » quittent la France par centaine. Les jeunes aussi. 40% des jeune diplômés ont actuellement envie de quitter la France, car notre pays a cessé d’être attractif. Ce qui est nouveau, c’est que les classes moyennes sont aussi largement ponctionnées, constatent-ils avec inquiétude.

Pratiquement chaque semaine est annoncé une nouvelle taxe, un impôt, une redevance, une contribution, voire un malus. La semaine dernière c’était la taxe sur l’excédent brut d’exploitation (EBE), cette semaine c’est la taxe carbone (4Md€ en 2016) qui sera compensée, paraît-il, par des chèques énergie ! Ces nouveaux impôts sont sortis de nulle part. Ils n’ont apparemment fait l’objet d’aucune simulation.

Bercy qui est en situation d’innovation permanente sur le front fiscal en vient même à peiner pour trouver un nom aux nouveaux impôts créés. Les propriétaires de leur appartement qui paient déjà la taxe foncière, la taxe d’habitation et souvent l’ISF, devraient désormais avoir à acquitter « un droit d’usage de leur logement ». Faudra-t-il l’appeler loyer implicite, loyer virtuel, loyer fictif, taxe de droit d’usage du logement… ?

Tout cela se traduit par le fait que pour les investisseurs internationaux, la politique fiscale du gouvernement est un échec total. Le déficit se creuse, le chômage augmente et rien n’a été mis en ordre jusqu’à aujourd’hui pour faire repartir les deux moteurs de la croissance que sont l’investissement et la consommation.

L’ambition du gouvernement dont fait partie Arnaud Montebourg est « d’assurer la prospérité et le pain quotidien des français ». Il va avoir beaucoup de mal, car le texte de « La loi Florange » envoie encore un très mauvais signal aux investisseurs étrangers. Le droit du travail en France était déjà extrêmement contraignant. Arnaud Montebourg contribue à rajouter une couche supplémentaire au moment où le gouvernement parle de simplification administrative. Ce texte aggrave la judiciarisation excessive de la négociation des plans sociaux. Tout plan pouvait déjà être contesté devant le Tribunal de Grande Instance, le Tribunal Administratif, les prud’hommes. Maintenant, il sera possible de le contester devant les Tribunaux de Commerce. Tout le monde a bien compris qu’une société ne pouvait ajuster ses effectifs que si elle était en faillite !

D’ailleurs la réalité, c’est que depuis le début de l’année, le nombre de nouvelles usines installées en France est selon les chiffres du cabinet Trendeo en baisse de 25% !

Sur les  34 projetsd’avenir, les grandes envolées lyriques sur le thème de « La France qui lance l’offensive contre les géants du net » laisse les gérants perplexes.

Le retour du dirigeable pour transporter écologiquement de lourdes charges, le catamaran des airs et la voiture sans chauffeur sont considérés par les analystes financiers comme des lubies qui consistent à partir des fonds publics à faire du dirigisme, du saupoudrage et du gaspillage. En attendant, Arnaud Montebourg, qui a été en 2007 le porte parole de Ségolène Royal, n’a pas commenté publiquement la gestion du dossier Heuliez dans la région Poitou Charentes, qui en est à sa troisième faillite en six ans. Dans un grand moment de réalisme, il a tout de même déclaré quelques jours après « Nous ne sommes pas là pour mettre des ressources rares dans des entreprises qui n’ont pas d’avenir » !

A relire sur Atlantico :Un plan pour l'industrie qui sent bon... le formol : quand les petits hommes gris ressuscitent la planification communiste et le protectionnisme conservateur

On va miser sur le dirigeable, les navires écologiques et les véhicules automatiques.

Ayant débuté son intervention par « c’est un plaisir de comprendre l’autre », c’est exactement ce que n’a pas fait Arnaud Montebourg, puisqu’il n’a pas pris le temps d’écouter les chefs d’entreprise invités par Kepler Cheuvreux. C’est dommage, car écouter les grands patrons qui vivent dans la réalité et doivent se battre tous les jours à l’international pourrait probablement donner beaucoup d’idées à un ministre en charge des entreprises.

Jean-Dominique Sénard, le CEO de Michelin,  a expliqué comment on pouvait  avec succès mobiliser tous les acteurs d’une entreprise pour se battre sur les marchés de la mondialisation…

Thibaut de Tersant, le directeur financier de Dassault Systèmes, a présenté le nouveau système « 3D Experience » qui permet d’optimiser la rentabilité des décisions qui sont prises dans une société. L’Etat pourrait s’en inspirer avec énormément de profit…

Luc Oursel, président d’Areva, a présenté avec succès les points forts de sa société qui est le premier acteur mondial du nucléaire, avec une présence sur toute la chaine de l’énergie nucléaire et des énergies renouvelables..

Finalement, la grande inquiétude des gérants, c’est que  la France doit emprunter 800Mpar jour. Pour le moment 200M sont apportés par les Français et 600M par les étrangers qui pratiquent une fragile clémence à l’égard de la politique économique de la France. D’ailleurs, la France a pu refinancer sa dette depuis le début de l’année à un taux moyen de 1,49% grâce à trois effets d’aubaine : les achats d’obligations françaises par la Suisse, par le Japon ensuite et surtout par les Compagnies d’assurance françaises qui n’investissent plus dans les obligations des pays de l’Europe du Sud…

La rubrique des mauvais signes est toujours riche cette semaine :

Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, incite toujours les autoentrepreneurs à cesser leur activité. Un sondage montre que 40% d’entre eux n’exerceront plus d’activité rémunérée dans ce cadre juridique si la réforme actuelle va à son terme. C’est vraiment dommage, car grâce à eux, l’Etat avait perçu près de 3Md€ de recettes fiscales et de cotisations sociales..

Michel Sapin, ministre du travail, semble trouver que la victoire de l’Intersyndicale Clic-P, qui impose la fermeture obligatoire des magasins à 21h, est une bonne chose. Là encore, on a du mal à comprendre qu’un ministre ne comprenne pas que les amplitudes horaires créent de l’emploi. Entre les Champs-Elysées et le Boulevard Haussmann, plusieurs milliers d’emplois pourraient être facilement créés s’ils pouvaient rester ouverts le soir.

Aux Etats Unis, la décision de Ben Bernanke de ne pas diminuer ses achats de papier (le fameux « tapering » qui signifie arrêter le robinet) émis par le gouvernement et de grandes institutions hypothécaires, a surpris les marchés. Elle a provoqué une secousse sur les marchés obligataires.  Le taux des emprunts hypothécaires ont donc beaucoup remonté à 4,57%. Cette décision  anticipe très certainement la prochaine bataille sur le « Fiscal Cliff (plafond de la dette autorisé par le Congrès). En effet, les Républicains ont décidé de voter pour l’augmentation du plafond uniquement si le président Obama n’investit pas un dollar de plus dans « Obamacare ». La discussion risque d’être plus difficile que d’habitude, car c’est pour le moment un des rares « succès » qui peut être imputé au crédit des démocrates.

Les marchés émergents ont profité de la décision de la Fed, car la pression sur leurs devises va diminuer au cours des prochaines semaines. La Turquie a repris 8,7% dans la semaine, la Thailande 6,1% et l’Indonésie 4,8%

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