L’intimité de Lisbonne<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Lisbonne.
Lisbonne.
©Artur Lourenço

Grand large

Lisbonne racontée par un photographe local. Un guide privé et passionné pour une visite intime et exceptionnelle de la ville blanche, capitale du Portugal.

Quentin Desurmont

Quentin Desurmont

Président fondateur de Peplum, créateur de voyages sur-mesure de luxe, Quentin Desurmont agit activement pour l’entreprenariat. Il a fait partie de la délégation du G20 YES à Moscou en 2013 et  à Mexico en 2012, est membre de Croissance + et des Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens. Quentin contribue aussi à l’émergence du tourisme de luxe en Europe, il est membre de Traveller Made.

Voir la bio »

Pour en savoir plus sur le Portugal, rendez-vous sur le site de Peplum.com.

C’est une visite un peu particulière. Pas par son contenu, mais par son guide. Artur Lourenço est un artiste, un photographe. Plus que ça, c’est un Lisboète. Mené par ses anecdotes, ses souvenirs et ses habitudes, s’enfoncer dans les rues étroites et escarpées de Lisbonne devient un exercice naturel de confiance aveugle. Et une visite exceptionnelle et intime de la capitale du Portugal.

« Ici, c’est la plus petite librairie du monde », nous dit Artur dans un français un peu rouillé. La boutique est fermée, il est encore tôt. On vient à peine de quitter le centre-ville et les rues plates et régulières se transforment déjà en venelles escarpées. Sans prévenir, le photographe nous attire dans une artère perpendiculaire, encore plus petite et dont l’escalier est bordé d’une longue fresque murale. Du street art, contemporain. Il nous explique que la municipalité tente de mettre en avant l’art urbain, mais c’est encore dans les ruelles reculées qu’il trouve les plus belles œuvres.

Artur Lourenço connaît sa ville. Il nous a tout de même prévenu : « Je ne suis pas guide touristique ». Il connaît l’histoire, mais pas forcément les dates. Au pied du château Saint-Georges, en haut d’une colline dominant la ville entière, on comprend la passion d’Artur : photographier Lisbonne. La ville blanche, surnommée ainsi en raison de l’exceptionnelle lumière sublimée par les murs ocre de l’architecture portugaise. Son appareil photo en bandoulière, il regarde le panorama comme s’il le découvrait pour la première fois.

Lisbonne, c’est sa ville. Celle où il est né, il y a 49 ans. Celle où il a grandi, travaillé et vécu. Celle qu’il arpente aujourd’hui comme il aime l’arpenter : avec son appareil photo. Artur est photographe professionnel depuis vingt ans. Il vit des portraits qu’il vend aux magazines de mode. Lisbonne, ses bâtiments et ses habitants, c’est sa passion. Il les garde pour lui et son objectif.

Sur les remparts du château des Maures, on suit le rythme de notre guide privé. Il nous explique ce qu’il sait de l’édifice, de son histoire, de la royauté. Il ne s’avance jamais sur ce qu’il ne sait pas.

Le soleil commence à faire sentir sa présence, mais il ne ralentira pas le photographe, qui repart à bon rythme, pressé de nous montrer d’autres secrets. Plus la visite avance, plus il a envie de partager. Et plus son français devient fluide. Pas de traducteur. Cela ne fait que renforcer l’intimité de la visite. Un nouveau point de vue, encore plus haut, montre la même ville sous un nouveau jour. Artur fait l’inventaire des bâtiments importants. Il n’aura pas le temps de nous y emmener, alors il nous conseille les meilleures visites.

Le relief s’inverse. S’éloignant du versant de la colline, la Lisboète nous fait traverser Graça, un quartier très festif et populaire. Il passe par les plus petites ruelles et partage avec nous ses souvenirs de jeunesse. On croise le fameux tram 28, qu’il nous déconseille. « Il n’y a que des touristes et des pickpockets. » La nuit en revanche, le tram se transforme parfois en manège. « Quand il n’y personne, les conducteurs font des concours de vitesse, c’est impressionnant ! »

On tombe nez à nez avec le Panthéon. Grand bâtiment isolé dans un vaste espace aéré, respiration inattendue après le dédale de Graça. La bâtisse est comme neuve. Juste en face d’elle, une grande maison à l’abandon, comme beaucoup d’autres à Lisbonne. Sa façade semble en décomposition. « Ça, c’est le paradoxe du Portugal, dit Artur. Mais c’est aussi son identité, le gouvernement veut conserver les ruines, pour le tourisme. »

La respiration ne dure pas. Très vite, nous arpentons une longue veine distordue qui remonte vers le centre. Notre guide entre dans une petite boutique et nous invite à le suivre. L’atmosphère y est agréablement terne et renfermée. Des pièces de tissus et des costumes aux couleurs sombres habillent les murs. Seule source de couleur vive : une femme nue, trônant, aguicheuse, dans un grand poster au-dessus du comptoir. Sortant de son atelier, un vieil homme s’approche en claudiquant. Artur nous présente Carlos, un vieux tailleur de 80 ans. Il a le visage rassurant du grand-père qui en a vu passer. A sa mort, ses fils ne reprendront pas son commerce, et sa boutique fermera. Ce sont ces morceaux de Lisbonne qui comptent pour Artur. Les deux hommes échangent quelques mots et éclatent de rire. Artur traduit Carlos, qui nous souhaite « de voyager et de rester en bonne santé ». Le vieil homme nous salue puis retourne à son atelier.  

Nous voici dans l’Alfama, le quartier le plus ancien de Lisbonne. Et le meilleur où écouter le fado. Un genre musical mélancolique, où différents interprètes chantent des complaintes accompagnés par un joueur de guitarra. Au milieu de ce labyrinthe encore plus fou que le précédent, Artur se déplace les yeux fermés, nous fait passer sous les guirlandes de vêtements qui sèchent entre les maisons et nous donne ses meilleures adresses. Tel restaurant pour manger la morue, tel bar pour écouter le fado. Nous reviendrons deux jours plus tard, armés de ces bons conseils, mais mettrons deux fois plus de temps à retrouver les mêmes adresses.

Après un détour immanquable par la cathédrale de Lisbonne, nous regagnons enfin le centre-ville. Il est midi passé, l’excursion a duré un peu plus de quatre heures. On ne saurait dire combien de kilomètres on a parcouru. Peut-être une dizaine. Avant de nous laisser, Artur Lourenço tient à nous faire partager un dernier plaisir. Remontant les pavés blancs et bleus de rua Augusta, il nous conduit chez un ami qui tient un magasin de ginja, un alcool de cerises traditionnel. Pas de touristes. Ne viennent ici que les Portugais, et les invités d’Artur. On trinque, on discute, on échange nos contacts. Et on laisse finalement Artur repartir, son appareil photo à la main. On regarde notre guide privé et passionné s’éloigner comme un ami qu’on ne reverra pas avant longtemps. Puis on se concentre sur sa liste, celle d’un vrai Lisboète, des meilleures expériences de Lisbonne. Notre guide est parti, mais sa visite ne s’arrête pas là.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !