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Grèce : Saint-Valentin de cendres
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Revue de blogs

Quand les gaz lacrymogènes des émeutes s'estompent, restent les chiffres crus du "mémorandum 2" nouveau plan de sauvetage, ou de tortures, que les Grecs doivent traduire au quotidien. Pour eux, c'est mathématiquement, et humainement, impossible. Sur les réseaux sociaux grecs monte une nouvelle haine, née de l'épuisement : celle de l'Europe, mais surtout de l'Allemagne.

Les manifestations monstres en Grèce de ce week-end ont produit plus de tweets, de photos et de vidéos en ligne en quelques heures que les mouvements des Indignés ou des campeurs d'Occupy. Elle sont d'un noir ou d'un rouge photogénique. Elles disent aussi que les  "anarchistes" et les casseurs ne sont plus les seuls à se révolter : un peuple entier n'a plus rien à perdre.

Les chiffres du second mémorandum sont carrés : 14,3 milliards d' euros à trouver entre 2012 et 2015,  3,3 milliards d'euros cette année, pour un pays de 11 millions d'habitants. Les conséquences sont tout aussi logiques : 3 millions de personnes sous le seuil de pauvreté, bientôt plus. 15 000 employés de la fonction publique en passe d'être remerciés (pour  22 000 professeurs remplaçants ou non contractuels, c'est déjà fait). 25 000 sans abri dans la capitale. Taux de chômage : +20%. Ceux qui chroniquent la descente aux enfers de la Grèce sur leurs blogs depuis des mois sont unanimes. Plus, c'est tout simplement impossible.

Education

Afrodity Gianakis vit à Thessalonique et enseigne l'anglais dans une petite ville. Elle fait le compte rendu désormais banal de son quotidien :

"Dans mon boulot, après le licenciement des profs non titularisés et des remplaçants, les heures de cours augmenteront pour ceux qui restent et il va sans dire qu'il n'y aura pas d'augmentation de salaire pour ça. Les mesures d'austérités prennent place sur fond de détérioration des conditions d’enseignement pour les élèves et les profs. Il y a un manque choquant de livres de classe, environ 2000 écoles ont fermé l'an dernier. Les effectifs des classes a augmenté, et le financement de l'éducation est tombé à  2,75% du PIB. Les écoles n'ont pas de budget pour le papier de la photocopieuse et le chauffage, les élèves et les profs travaillent en manteau pendant cet hiver glacial. Les écoles ont dû fermer à cause de l'absence de chauffage. J'ai réussi à garder ma voiture. Beaucoup ne l'utilisent plus. Environ 160 000 plaques d'immatriculation ont été rendues au bureau des impôts à la fin de l'année fiscale  2010. L'an dernier (2011), le nombre dépassait 250 000. Aller au travail en voiture (nldr: à 45 km de son domicile) me coûte presque 300 euros, alors que mon salaire est de 800 net par mois, contre 1200 euros avant le premier mémorandum. [...] Une autre diminution des salaires est prévue pour cette année". 

Photo  sur Twitter, un cinéma en feu à Athènes dans la nuit du 12 février

Génération perdue

Athen Newspense surtout à la jeunesse :

"Sacrifiée sur l'autel du maintien dans la zone euro, la jeunesse en Grèce paie le prix le plus fort pour l'incapacité des politiques à mettre en place virtuellement toutes les reformes demandées dans le premier mémorandum. Si vous êtes de ceux qui ont besoin de voir pour croire, regardez au bas de la page 20 du mémorandum. La diminution de  22 pour cent du salaire minimum est de 32 pour cent pour les moins de 25 ans. [...] Et maintenant, le chiffre du chômage pour les moins de 25 ans : un presque inimaginable 48 %, selon l'office des statistiques d'état Elstat". 

Photo @mmgeissler sur Twitter

Sous la neige

Panagiotis Grigoriou, historien et ethnologue, tient depuis plusieurs mois sur le blogGreek Crisisun journal du pire pondéré et pourtant très surréaliste, qu'il faut vivre jour après jour. La journée du 2 février n'était ni meilleure ni pire que la précédente. Mais ce jour là, il avait en plus beaucoup neigé en Thessalie. 

" (...) Tôt mercredi matin, la compagnie d'électricité a coupé le courant à des dizaines de foyers à la bourgade de Neochori du département de Serrès, frontalier avec la Bulgarie. Ce village, dans sa totalité pratiquement, avait refusé de payer la nouvelle taxe, incorporée aux factures d'électricité depuis l'automne dernier. Devant le tollé général en plus du direct à la télévision, et par -10°C, la machine a fait partiellement marche arrière. (...) 

Ailleurs dans le pays, des syndicalistes électriciens ou retraités, rétablissent le courant passant outre. Certes, pas partout. Les foyers sans électricité se comptent désormais par milliers, pas seulement à cause de la taxe … électrocutante, mais parce que tout simplement, les habitants n'arrivent plus à régler leurs factures. Le principal syndicat chez les électriciens, GENOP, vient d'annoncer jeudi matin que si la compagnie décide d'appliquer la loi sur la taxe immobilière, elle doit alors priver de courant 500 000 foyers".  Au bar, les nouvelles du village qu'il récolte sont de ce type : "Un homme, la quarantaine, père de deux enfants, fut tué par un arbre à proximité de la rivière. Il était en train de le couper pour en faire du bois de chauffage. «Tout le monde le fait, même sans autorisation, sinon on va mourir aussi de froid".

Côté santé, à l'heure où les femmes sur le point d'accoucher sont refusées dans les hôpitaux publics si elles ne peuvent avancer le forfait hospitalier, il en vient à retenir la nouvelle qui change un peu de l'ordinaire : 

"Un agent hospitalier (ambulancier dans un établissement public), découvrant sa fiche de paye en Février, et son salaire s'élevant ainsi à 250 euros, après maintes déductions et réductions,  a subi un arrêt cardiaque et… il a été sauvé, seulement parce qu'il se trouvait sur son lieu de travail."

Manger, c'est tout

Toujours ce 2 février, un reportage à la télévision lui a donné la petite satisfaction de constater que les syndicalistes de l'éducation nationale,  que le gouvernement accusait de propager des rumeurs alarmistes sur la malnutrition des élèves, sont maintenant entendus :

"Nous avons constaté que les enfants ont aussi  leur dignité, et qu'ils n'avouent pas facilement avoir faim. Il y a la honte également. Donc, soit nous devons deviner, soit nous devons établir une enquête pour comprendre la situation des familles et cela dépasse notre rôle et surtout nos possibilités. Hier encore, j'ai donné en cachette, une pièce d'un euro à un enfant, afin qu'il s'achète un croissant à la cantine de l'établissement. Il venait de prendre un médicament antibiotique et il n'avait rien mangé depuis la veille au soir. Je dois vous dire que certaines cantines enregistrent une baisse de 60% de leur fréquentation".

Rauss !

Certains des amis de Panagiotis Grigoriou envisagent déjà une guerre, très sérieusement :

"J'ai déjà commencé [à faire des stocks], car vous savez, à part la pénurie, les pillages et la faim, je crains désormais la guerre. Je trouve très louche que la Troïka exige de ses sbires que le nombre des étudiants aux Académies Militaires soit réduit à hauteur de 70%, dès la rentrée 2012, on peut supposer en plus que la Police soit également concernée, alors, qu'en pensez vous ?"

Sur le web grec, comme sur les banderoles, on trouve désormais des accusations brutales et directes contre l'Allemagne, accusée d'organiser un nouvel enfer concentrationnaire, comme celle-ci : "@octarin Memorandum Macht Frei" ( Ndlr : variante du Arbeit marcht Frei, que l'on pouvait lire à l'entrée de Auschwitz). Ou encore, des photomontages du gouvernement grec en nazis.

Photomontage reproduit sur le blog Greek Crisis 

Guerrier aussi est le court message, transmis par Teacher Dude,  blogueur britannique vivant en Grèce, qu'un internaute grec adresse à l'Europe, à la Troïka, à l'Allemagne, aux banques, au gouvernement grec. Allez-vous en.

Photomontage publié par @teacherdude sur son blog

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