Explosions de Boston : la piste du terrorisme "made in U.S.A."<!-- --> | Atlantico.fr
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Deux bombes ont explosé lundi au marathon de Boston ont fait trois morts et une centaine de blessés.
Deux bombes ont explosé lundi au marathon de Boston ont fait trois morts et une centaine de blessés.
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Trans-Amérique Express

Le FBI ne sait pas qui est derrière les bombes de Boston. Mais ces attentats rappellent qu’il existe aux Etats-Unis de nombreuses mouvances radicales violentes.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Qui que soient le, ou les, auteurs de l’attentat du marathon de Boston, ces explosions sont un "acte terroriste". Reconnu et dénoncé comme tel par le président Obama. Dès lors l’histoire américaine récente invite le FBI à remonter deux pistes : la piste "nternationale", celle d’islamistes liés  à Al Qaida ; la piste "nationale",  celle de radicaux américains. 

Ce ne sont pas les radicaux qui manquent aux Etats-Unis. Le radicalisme est à la politique américaine ce que le ketchup est au hamburger. Sans lui, les choses n’auraient pas le même goût. De l’extrême gauche révolutionnaire, à l’extrême droite néo-nazie, en passant par certaines tendances écologistes, militants anti-avortement, mouvements « identitaires », revendications séparatistes, de  blancs comme de noirs, ou mêmes certains groupes anti-fédéralistes, les Etats-Unis tolèrent les expressions politiques dans leur plus extrême diversité. Pour les Américains, la santé et la solidité d’une démocratie se mesurent aux discours qu’elle tolère, même les plus haineux. Une tolérance pour l’intolérance dont la seule limite est la violence. Car crier sa haine du monde n’est pas un crime. Attaquer son prochain en est un.

La piste d’ attentats islamistes est la plus suivie et la plus documentée depuis vingt ans. Mais pas la plus active. Peter Bergen, le correspondant de CNN pour les questions de sécurité, rappelle que depuis le 11 septembre, trois cents quatre-vingt personnes ont été arrêtées aux Etats-Unis, dans le cadre d’enquêtes sur des attentats, et leurs projets  déjoués avant d’avoir été mis à exécution. Parmi elles, 48 étaient liées à des mouvances d’extrême droite et 23 à Al Qaida.

Ces mouvances d’extrême droite peuvent être divisées en deux tendances : la tendance raciste, la tendance anti-fédéraliste, cette dernière regroupant, entre autres, les opposants à toute forme de taxation.

La tendance raciste est constituée principalement d’extrémistes blancs, qui s’en prennent violemment à la communauté noire. Leurs actes sont ciblés et le fait d’individus isolés. Ainsi en janvier 2010, la police de Spokane, dans l’Etat de Washington (à l’extrême nord-ouest) avait désamorce à temps une bombe déposé le long du parcours d’une marche célébrant Martin Luther King. Appréhendé, l’auteur de l’attentat s’était revendiqué comme  un suprématiste blanc.

Dans les années 1990, c’est la tendance anti-fédéraliste qui avait fait le plus parler d’elle, notamment à travers l’attentat d’Oklahoma City. C’était le 19 avril 1995. Le bâtiment abritant les bureaux du gouvernement fédéral de la ville avait été éventré par une bombe à base d’engrais liquides. Il y avait eu cent soixante-huit  morts et plus de six cents blessés. Les auteurs de l’attentat, Timothy Mc Veigh et Mike Nichols,  appartenaient au "militia mouvement".

Ce "mouvement milicien" est une sous culture des mouvements liés à l’extrême droite patriotique et individualiste. Il rassemble des partisans du droit de port d’arme et des droits des individus face aux intrusions du gouvernement fédéral, dénoncé comme "tyrannique". Ses membres sont armés, se décrivent comme des "paramilitaires", revendiquent le droit à l’auto-défense, pratiquent des exercices de survie en conditions extrêmes, et sont adeptes de nombreuses théories de la conspiration.

Mc Veigh fut condamné à la peine capitale et exécuté en 2001. Mais durant son procès, il fit référence à deux incidents récents qui avaient symbolisé pour lui cette " tyrannie" fédérale et qui avaient beaucoup marqué les américains.

Le premier était la tragédie de Waco au Texas, en 1993. Pendant cinquante jours, les agents de l’ATF (Bureau of Alcohol, Tobacco & Firearms), une division du département de la Justice,  avaient fait le siège d’une secte de Davidiens. Ils étaient quatre-vingt, dont de nombreux enfants, regroupés derrière leur leader, un guru aux élucubrations christiques, David Koresh. Les Davidiens n’auraient gêné personne s’ils n’avaient accumulé un stock d’armes dont  le gouvernement s’inquiétait. Le siège avait débuté quand des agents, venus enquêter pour détention illégale d’armes, s’étaient vus refuser l’entrée de la résidence. Il s’était achevé quand les agents fédéraux, à bout de patience, avaient mis le feu au bâtiment, espérant en faire sortir les résidents. Au lieu de cela, ceux-ci avaient péri dans les flammes. Un carnage retransmis en direct par toutes les télévisions américaines. C’était un 19 avril.

Quelques mois plus tôt à Ruby Ridge, un coin perdu de l’Idaho, des agents fédéraux avaient également tué un enfant de 14 ans, et sa mère, sous les yeux du père, Randy Weaver, recherché pour simple détention d’armes. Weaver, était également proche du "militia movement". 

A l’époque ces deux affaires avaient considérablement ému l’Amérique. Par le nombre et l’âge des victimes. Et surtout par l’indifférence et l’impunité du gouvernement fédéral. Après Waco, Janet Reno, garde des sceaux, avait parlé d’un simple "suicide collectif". Bill Clinton, devenu président quelques mois plus tôt, l’avait couverte. Cette froide indifférence avait choqué.

L’horreur de l’attentat d’Oklahoma city avait cependant tué dans l’œuf la vague de sympathie dont bénéficia alors le "militia mouvement". Depuis celui-ci s’est fait discret. Toutefois les thèses les plus extrêmes épousées  par les "miliciens" se rapprochent de celles avancées par les partisans les plus radicaux des Tea Parties. Notamment sur le sujet des impôts. Les miliciens refusent de reconnaître au gouvernement le droit de lever des impôts. Les Tea Parties sont nés d’une révolte contre une taxation arbitraire et abusive. Or le 15 avril est une date symbole aux Etats-Unis. C’est le "tax day", la date limite pour envoyer sa déclaration…  

Le seul autre attentat réussi, lié à une cause "nationale" fut celui des J.O. d’Atlanta en 1976. Une bombe dissimulée dans un sac à dos avait tué une personne et blessé une centaine d’autres. L’auteur Eric Rudolph, avait prévenu la police avant l’explosion et revendiqué son acte au nom de sa lutte contre l’avortement. Il est aujourd’hui en prison à vie. La lutte anti-avortement aux Etats-Unis comporte une aile radicale et fanatisée qui est allé jusqu’à recommander une violence ciblée.

Une troisième piste, plus mince, existe cependant, celle du "justicier isolé". D’une personne entre la révolte et la démence. Le cas s’est déjà produit.

Dans les années 1980-90, l’Amérique entière avait été à la poursuite d’un mystérieux "unabomber ". Un tueur qui envoyait des bombes par la poste. Le paquet explosait dans les mains de son destinataire. Ainsi l’unabomber avait tué ou mutilé six personnes et laissé le FBI sur les dents. Finalement sa soif de reconnaissance l’avait perdu. Célèbre, mais inconnu, il avait voulu s’exprimer. Diffuser ses revendications dans  les journaux. Car il se réclamait de l’écologie et rejetait la société industrielle. Son propre frère avait alors reconnu sa plume et alerté la police. L’Unabomber avait été retrouvé et arrêté, il vivait retranché dans une cabane du Montana… 

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