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Comment les réseaux sociaux vous enferment dans une boîte dont vous avez vous-même jeté la clé
©DENIS CHARLET / AFP

Fermé pour cause de fermeture

Les réseaux sociaux peuvent vous rendre cons, moutonniers, intolérants, paranoïaques et bornés, mais c’est avec votre assentiment.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Ça m'avait déjà frappé, et c’est pratiquement une porte ouverte que j’enfonce, mais ça fiche les jetons malgré tout...

Tout adepte des réseaux sociaux un peu curieux devrait d’ailleurs se livrer à cette mini expérience sociologico-algorithmique et en juger par lui-même. Ainsi, et afin de pouvoir jeter un coup d'oeil occasionnel aux commentaires de gens qui m'avaient bloqué sur Twitter, le plus souvent sans que nous n'ayons jamais eu la moindre interaction car il existe des moyens de censurer en rafale des listes entières de comptes pour les raisons les plus diverses, j'ai ouvert un second profil sous pseudonyme et via lequel je ne poste absolument rien. 

J'ai donc commencé par m'abonner à quelques uns de mes bloqueurs spécifiques — essentiellement des Philippe Marlière, des Edwy Plenel, etc., soit des « radicaux » en peau de lapin encore assez présentables et ayant en tout cas pignon sur la rue médiatique en dehors des RS.

Je me suis ensuite abonné à certains des comptes avec lesquels ces derniers interagissaient fréquemment, puis j'ai suivi les comptes que me suggérait Twitter sur la base de mes « centres d'intérêt » présumés.

En quelques semaines à peine, je me suis retrouvé complètement noyé dans une galaxie presque exclusivement composée d’activistes intersectionnels, décoloniaux et indigénistes, de black blocs (parfois juste salonnards, parfois réellement actifs à leurs dires), d'islamistes plus ou moins avancés dans leur parcours spirituel, de complotistes également à des stades variés de délire paranoïaque, d'antisémites, etc. 

Une galaxie dans laquelle on passe son temps à se monter le bourrichon sur la dictature macroniste et son ultra-libéralisme islamophobe et sexiste avec plus ou moins de subtilité ; ça peut aller du borborygme d’analphabète au « thread » complexe et verbeux de prof de fac à références bibliographiques multiples. 

Mais comment l'univers mental de gens volontairement plongés dans un tel éco-système, n'échangeant qu'avec ses membres, évitant soigneusement toute parole divergente ou simplement modérée (certaines querelles de pronoms sont assez homériques et finissent souvent en promesse de cassage de gueule), n'en serait-il pas profondément et durablement affecté ? 

Auparavant, pour avoir accès à ce type d'environnement idéologique obsessionnel, il fallait être un militant encarté et les comités de ceci ou les collectifs de cela étaient surtout mono-thématiques, pas aussi généralistes. Et l'on lisait encore des journaux-papier qui, sans être véritablement pluralistes, puisque ce n'est pas notre tradition, nous exposaient à d'autres points de vue et d'autres expériences de la vie. Doutes, questionnements et désaccords mineurs étaient encore autorisés. 

Pour aller au bout de l'expérience, je pense d'ailleurs tenter l'ouverture d'un second compte anonyme et neutre que je démarrerai avec des Marlière et des Plenel de droite mais je subodore que les mêmes causes conduiront aux mêmes effets. Et je ne serais pas surpris de voir que les passerelles entre les deux galaxies sont en train de devenir des ponts, aussi paradoxal que ça puisse paraître. 

Après tout, on peut déjà être un militant LGBTQ++ de compète tout en s'acoquinant avec les fondamentalistes religieux les moins bien disposés à l'égard des abominations sataniques abondamment décrites dans les « saintes écritures » quelles qu'elles soient. 

Bref, pour ne pas débloquer complètement, commencez par débloquer ! 

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