Observatoire de la laïcité : pas d’extension de la loi de neutralité au service privé pour Bianco

Dans un entretien accordé au quotidien La Croix, Jean-Louis Bianco, ancien secrétaire général de l’Elysée sous la présidence de François Mitterrand, à la tête de l’Observatoire de la laïcité depuis début avril, dresse un bilan –un rapport d’étape- de son action. Créé en 2007, et composé de 23 membres, cet Observatoire, qui réunit aussi bien des parlementaires de la majorité que de l’opposition, représentants des ministères et personnes qualifiées, a pour but d’assister le gouvernement dans son action visant au respect de la laïcité, principe phare de la République. Pour Jean-Louis Bianco, tout ne serait pas si noir que cela en France quant au respect de ce pilier. Il y aurait même "une dissonance, entre ce qui remonte du terrain et les faits tels qu’ils sont médiatisés".

Toutefois, pour l’ancien maire de Digne-les-Bains, tout n’est pas rose non plus, et la vigilance est de mise. Mais il ne pense pas par exemple que certaines administrations ou entreprises privées cachent volontairement des problèmes de comportement pour éviter une loi : " Si elles rencontraient vraiment beaucoup de difficultés, elles seraient les premières à demander un texte, comme cela s’est produit en 2004 avec la loi sur les signes religieux à l’école". Quant à la loi de 2010 sur la dissimulation du visage dans l’espace public, qui visait les femmes voilées, certaines d’entre elles  gonfleraient les statistiques en se faisant contrôler à plusieurs reprises pour l'ancien ministre (cinq multirécidivistes totalisent à elles seules 87 verbalisations, sur 705 contrôles effectués depuis 2010, ndlr). "Il est possible que, dans certains cas, des policiers ne verbalisent pas parce qu’ils se sentent embarrassés, mais tout de même, la tonalité ne peut pas être entièrement fausse".

Parmi les éléments concrets à venir, des guides pratiques sur la laïcité vont continuer à être distribués comme c’est déjà le cas dans l’entreprise, à l’école. La Poste ou encore la RATP exercent déjà ce travail d’information, et la SCNF devrait s’y mettre très prochainement. Une Charte de la laïcité établissant les droits et les devoirs de chacun, inspirée de la Charte dans le service public de de 2007 de Dominique de Villepin, ainsi que de la Charte de la laïcité à l’école, va voir le jour comme le précise l’introduction du rapport. Elle "pourrait consister en un rappel des principes, ceux du Code du travail, la neutralité du service public… Son intérêt serait sa solennité. On pourrait aussi imaginer lui donner la force juridique d’un décret".

Interrogé sur la possibilité d’une loi étendant au secteur privé la neutralité jusqu’ici applicable au service public, le socialiste botte quelque peu en touche. Jean-Louis Bianco affirme que l’islamophobie grimpe en France. De fait, il ne faut pas froisser la communauté musulmane, qui a déjà vécu les précédentes lois comme des lois d’interdiction. Il est possible qu’un jour une loi soit nécessaire, car l’exemple de la crèche Babyloup pose question. Mais la démarche de Jean-Louis Bianco est à "l’apaisement" sur ce sujet, pour reprendre le terme de François Hollande, et non stigmatisante à l’égard de telle ou telle communauté.

Enfin, le président de cet Observatoire de la laïcité souhaite promouvoir la laïcité à la française à l’étranger, "la rendre "aimable" en faisant connaître – par des guides, des chartes, etc. – tout ce qu’elle permet et non pas seulement ce qu’elle interdit". Jean-Louis Bianco, citant Aristide Briand, le concepteur de la laïcité à la française, souhaite "privilégier une «laïcité de sang-froid», et non pas de réactions à chaud aux événements".