Vie et mort des entreprises par temps de Covid<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Face à l'impact économique de la crise sanitaire, le tissu productif est caractérisé par la disparition de certaines entreprises qui le composent.
Face à l'impact économique de la crise sanitaire, le tissu productif est caractérisé par la disparition de certaines entreprises qui le composent.
©ALAIN JOCARD / AFP

Impact économique de la pandémie

Tel un ensemble cellulaire, le tissu productif est caractérisé par l'émergence et la disparition des entreprises qui le composent. Ici, sera mis en lecture croisée le livre de Philippe Aghion, Céline Antonin, Simon Bunel ("Le pouvoir de la destruction créatrice") et celui du député Olivier Marleix ("Les liquidateurs").

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

Voir la bio »

La grande Récession de 2020 (- 8,2% de recul du PIB en France) n'a pas donné lieu à un mur des faillites du fait des généreux dispositifs contra-cycliques déployés par les Pouvoirs publics. La lucidité commande de dire que de nombreux PGE (prêts garantis par l'État) ont été rééchelonnés et que des échéances cruciales se feront jour en 2022 alors même que la croissance s'annonce et repli : passant de 6,5% en 2021 à 3,6% en 2022. Le sort des canards boiteux désormais nommés entreprises zombies reste donc à établir dans bien des cas notamment dans la sous-traitance du secteur automobile.

Pour Olivier Marleix, les Pouvoirs publics portent une responsabilité historique dans la perte de plusieurs de nos fleurons industriels. Décortiquant le rôle des banques d'affaires et différents entrismes dans l'appareil d'État, il démontre finement comment Alstom a été littéralement dépecé au profit de General Electric : c'est l'affaire opaque des turbines qui met ici en relief des pratiques qui ont conduit le député LR d'Eure-et-Loir à déposer plainte pour "pacte de corruption". Le dernier ministre de l'Économie du quinquennat du président Hollande, à savoir Emmanuel Macron, est directement concerné comme le rappelle régulièrement son prédécesseur, Arnaud Montebourg.  

Cette séquence contestable du capitalisme français ne doit pas faire oublier qu'en quelques années, notre pays aura perdu le contrôle de Péchiney, Technip, Lafarge (pourtant présenté comme bénéficiaire d'une fusion à parité avec le Suisse Holcim) et autres grands groupes.

D'un côté, l'économiste y verra le mouvement de concentration des moyens de production décrit par Adam Smith ou par Karl Marx. De l'autre, le citoyen verra une hémorragie de nos emplois industriels dont il est désormais clairement avéré qu'ils participent au dynamisme de la Nation.

À Lire Aussi

Cette folle valse des milliards dans laquelle s’est engagé Emmanuel Macron au mépris du Parlement

L'État se prétend stratège mais n'est finalement que démuni face au nouveau Monopoly mondial sauf lorsqu'il s'agit de barrer la route à un opérateur canadien intéressé par Carrefour. Pour les entreprises intéressantes et " sexy ", notre impuissance publique des dernières années est impressionnante. De même, à l'autre bout du sablier, l'État est finalement peu performant pour sauver l'industrie des pneumatiques (Continental à Amiens, Bridgestone à Béthune, etc) ou les fonderies dont il est pourtant actionnaire direct des donneurs d'ordre que sont Renault et Stellantis.

Concentrations juteuses ou, à l'opposé, modifications de l'échiquier de la spécialisation industrielle issue des préceptes de David Ricardo forment une tenaille pour notre sphère productive.

En prenant davantage de recul analytique, le Professeur au Collège de France, Philippe Aghion, prend pour point de départ le célèbre principe de destruction créatrice formalisé par Schumpeter. Il actualise les déductions que celui-ci permet de nos jours et souligne le biorythme de la naissance et de la disparition des entreprises.

Lui aussi démontre que l'industrialisation est indispensable et qu'il ne faut pas craindre les "vagues technologiques" qui portent en elles la notion tangible de progrès : progrès technique, médicaux, écologique.

Au moyen d'un travail commun avec Peter Howitt, Philippe Aghion a développé le paradigme schumpetérien : un modèle de croissance avec innovation cumulative telle que chaque innovateur "bâtit sur les épaules des géants qui l'ont précédé", où l’innovation est le fait d’entrepreneurs qui cherchent à obtenir des rentes d’innovation, et où chaque nouvelle innovation rend les innovations et technologies précédentes obsolètes.

À Lire Aussi

2021 : La forte croissance masque un retournement qui sera brutal 

L’innovation est une condition nécessaire mais non suffisante : il faut la diriger car, livrés à eux-mêmes, les innovateurs d’hier sont toujours tentés d’utiliser leurs rentes pour bloquer l’arrivée sur le marché de nouvelles innovations afin de préserver leurs intérêts acquis. Ainsi, les GAFAM fournissent l'exemple-type de quasi-monopoles qui procèdent aux rachats de petites startups et découragent d’autres entrants possibles. C'est le même effet négatif que le rôle joué par les conglomérats en Corée ou au Japon. Réguler le capitalisme, c’est d’abord gérer cette contradiction : il faut des rentes d’innovation pour motiver l’innovation, mais en même temps s’assurer qu’elles ne seront pas utilisées pour empêcher de nouvelles innovations.

Un autre écueil se fait jour : les entreprises lorsqu’elles ont innové par le passé dans des technologies polluantes tendent spontanément à continuer d’innover dans ces mêmes technologies. C’est la  "dépendance au sentier". Cette notion implique que livrées à elles-mêmes, les entreprises qui ont acquis une expertise en matière de moteurs à combustion ne vont pas spontanément choisir de se réorienter vers les véhicules électriques. La destruction créatrice aide dans ce cas là puisque les nouvelles entreprises ne sont pas confrontées à cette dépendance. Voilà un thème de réflexion à croiser avec la nécessaire transition écologique.

Tant Olivier Marleix que Philippe Aghion convergent pour énoncer que "notre croissance potentielle est insuffisante parce que notre écosystème d’innovation est inadéquat depuis la recherche fondamentale jusqu’à l’innovation plus appliquée". De plus, notre système éducatif devient de moins en moins performant.

Le capital-risque demeure en-deçà de ce que la France pourrait avoir. Concernant les investissements institutionnels, il y a la BPI, mais c'est un outil perfectible. Enfin, nous n’avons pas l’équivalent des BARDA (Biomedical Advanced Research and Development Authority) et des DARPA (Defense Advanced Research Projetcts) mises en place par les États-Unis. Ce sont des organismes qui ont pour objet de coordonner des acteurs et des moyens pour passer de la recherche fondamentale aux applications industrielles. C’est une manière moderne de faire de la politique industrielle pro-concurrence. La BARDA et la DARPA sont financées par le ministère de la Santé et de la Défense et elles mettent en concurrence plusieurs laboratoires de recherche et cherchent à développer des partenariats public-privé.

L'économie moderne suppose ce type de puzzle : à défaut l'innovation demeure bridée. Elle suppose aussi une fierté nationale chez les décideurs publics au regard de l'appareil productif. Et, en la matière, souvenons-nous de la phrase de Ronald Reagan : "Ce n'est pas l'État la solution, c'est bien souvent le problème". La maigre rentabilité des firmes dans lesquelles l'État a une participation, via l'APE (Agence des Participations de l'État) illustre ce jugement qui n'est pas si simpliste qu'il n'y parait.

Le sujet vous intéresse ?

À Lire Aussi

Prévisions de croissance : ces signaux faibles qui pourraient bien annoncer une (grosse) déception pour la France en 2022Nouvelle hausse de la dette : Paris administrée mais Paris pas gérée

Mots-Clés

Thématiques

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !