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Vers la fin de l’austérité salariale ? Comment l’émergence de nouvelles majorités politiques pourraient profondément changer les équilibres économiques dans l’OCDE
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Nouvelle donne

Si les salaires ont eu tendance à moins augmenter que la productivité dans les pays de l'OCDE depuis 20 ans, la situation pourrait s'inverser.

Patrick Artus

Patrick Artus

Patrick Artus est économiste.

Il est spécialisé en économie internationale et en politique monétaire.

Il est directeur de la Recherche et des Études de Natixis

Patrick Artus est le co-auteur, avec Isabelle Gravet, de La crise de l'euro: Comprendre les causes - En sortir par de nouvelles institutions (Armand Colin, 2012)

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Atlantico : Dans une note publiée en cette fin décembre, vous indiquez que "Dans l’OCDE, d’autres majorités politiques finiront par faire d’autres politiques salariales", afin de modifier la tendance en place depuis plusieurs années. En quoi de telles politiques pourraient-elles modifier les équilibres économiques ?

Patrick Artus : Dans l'ensemble des pays de l'OCDE, sauf en France et en Italie, depuis vingt ans le partage des revenus se déforme au détriment des salariés. Ceci revient à dire, que les salaires augmentent moins vites que la productivité.

Ainsi, cette situation a eu des conséquences très importantes, en particulier la disparition de l'inflation. Comme les salaires augmentent peu, l'inflation disparaît entraînant de fait des taux d'intérêts extrêmement bas. Le fonctionnement moderne du marché du travail, qui est un fonctionnement au sein duquel les salaires augmentent très peu, est la cause de la disparition de l'inflation et des taux d'intérêts très bas dont on bénéficie actuellement. De fait, la question est de savoir pendant encore combien de temps les salariés accepteront-ils que leurs salaires ne suivent pas la productivité et que par conséquent la part des salaires dans le revenu national diminue.

Il y a une possibilité que l'équilibre actuel –donnant lieu à une inflation faible- disparaisse. Dès lors, on assisterait au retour de l'inflation, suivi de l'augmentation des salaires et de la remontée des taux d'intérêt. On reviendrait à un équilibre similaire à celui que l'on a connu dans les années 1970-1980.

Dans quelle mesure ces politiques de désindexation des salaires par rapport à la productivité sont-elles l'origine des mouvements sociaux actuels ? Quels sont les mécanismes qui ont été mis en œuvre pour se faire ?

On voit d'ores et déjà, dans de nombreux pays, se cristalliser des  réactions autour de cette question des salaires. Ces réactions se traduiront d'un point de vue politique. Par exemple, on peut imaginer que si le prochain président américain est démocrate –parti qui est de plus en à gauche- il optera pour une politique salariale différente qui impliquerait, entre autres, la revalorisation du salaire national. Une situation qui serait similaire en Angleterre, si le parti travailliste remportait les élections générales. Il en irait de même pour la France si la gauche arrivait en tête des prochaines élections présidentielles et c'est exactement ce que fait, à l'heure actuelle, le gouvernement italien.   

A l'heure actuelle, en France et Italie, les salaires n'augmentant pas moins vite que la productivité, ce n'est pas cette situation qui explique les mouvements sociaux type gilets jaunes ni le changement de gouvernement à Rome. Il y a une perception de faiblesse des salaires, mais elle n'est pas liée à un partage des revenus défavorable aux salariés. Il faut donc chercher d'autres explications à ces mouvements protestataires telle que la dégradation de la qualité des emplois (en France par exemple la désindustrialisation a vu la relocalisation des ouvriers dans des emplois de service extrêmement mal payés) par exemple. 

En revanche, dans les pays où les salaires augmentent moins vites que la productivité et où les inégalités ce sont accrues -aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Allemagne ou au Japon- ces politiques économiques peuvent donner lieu à l'apparition de mouvements sociaux. L'élection de Donald Trump aux Etats-Unis est donc, en partie, une réaction à ce choix économique de la part de la population qui a vu son salaire baisser. Le Brexit, au Royaume-Uni, en est également une illustration d'autant plus que depuis l'ère Thatcher, le pays a vu les inégalités de richesses et de revenus s'accroître alors qu'en France, ces mêmes indices, n'ont pas bougé depuis 25 ans. 

Quelles seraient les solutions disponibles pour inverser le processus de ce décrochage des salaires, sans en subir de trop lourdes conséquences économiques ?

Dans les pays où les salaires ont augmenté moins vites que la productivité, il est tout à fait possible de revoir ces mêmes salaires à la hausse. Le cas le plus extrême est le Japon où les profits des entreprises représentent deux fois leurs investissements. Les stocks étant tels, les salaires pourraient être augmentés sans problème. C'est aussi le cas pour l'ensemble des pays où les salaires sont extrêmement bas comme les Etats-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Unis, l'Espagne... 

Ainsi la réponse se fait au cas par cas : si les salaires sont augmentés dans des pays où les profits sont excédentaires, le coût économique en sera nul. A l'inverse, pour des pays comme la France, où la profitabilité des entreprises est insuffisante puisque les salaires ont augmenté plus rapidement que la productivité, le risque est de déprimer l'investissement des entreprises. 

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