Variant Delta : ce que nous apprend la reprise épidémique dans une maison de retraite belge où résidents et personnels étaient largement vaccinés Pfizer <!-- --> | Atlantico.fr
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Une infirmière administre une dose du vaccin Pfizer-BioNTech contre la Covid-19 dans un hôpital à Paris.
Une infirmière administre une dose du vaccin Pfizer-BioNTech contre la Covid-19 dans un hôpital à Paris.
©Sameer Al-DOUMY / AFP

Efficacité de la vaccination

12 résidents vaccinés sont morts suite à l’apparition d’une épidémie de Covid-19 au sein de la maison de repos Nos Tayons à Nivelles en Belgique.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : En Belgique, la mort de résidents d’une maison de retraite soulève des questions. Selon la ministre de la santé du pays 96,6 % des résidents et 75 % du personnel ont été doublement vaccinés, mais l’établissement a tout de même compté des décès. Par quels trous dans la raquette de la stratégie vaccinale belge ces morts ont-ils été causés ? 

Antoine Flahault : La Belgique est dans une situation épidémiologique très voisine de celle de la France, c’est-à-dire en forte décrue, avec désormais une très faible mortalité quotidienne rapportée. Et c’est depuis plusieurs mois que les tendances sont très voisines entre les deux pays et donc s’intéresser de près à ce qui se passe en Belgique fait sens pour la France. Ce foyer survenu dans une maison de retraite représente une alerte qu’il donc faut prendre très au sérieux. Nous ne pouvons pas miser entièrement l’ensemble de notre stratégie de lutte contre la pandémie sur la seule vaccination. La vaccination est bien sûr un allié très précieux dans la lutte, mais on constate qu’elle nécessite un très haut niveau de couverture pour être efficace. Ici, la couverture quasi-totale des résidents de la maison de retraite n’a pas suffi à les protéger contre le virus, il aurait probablement fallu, en plus, le même niveau de couverture vaccinale chez les soignants, ce qui est évidemment très exigent. La couverture de 75% concernait l’ensemble du personnel de la maison de retraite, mais seuls 60% des soignants au contact avec les résidents étaient vaccinés. Il conviendra d’étudier de près avec quels vaccins et dans quelles conditions les résidents avaient été vaccinés ainsi que les circonstances plus précises de leur décès. La faible couverture vaccinale du personnel soignant est le premier « trou dans la raquette » de la stratégie belge (mais on peut penser qu’il concerne aussi la France ou la Suisse), car ce n’est pas acceptable d’exposer des résidents fragiles, quelles que soient les causes de décès des dix résidents ici. Cela repose la question de l’obligation vaccinale des personnels soignants et en charge de personnes âgées et vulnérables.

Cette situation est-elle la preuve qu’il faudrait une troisième dose pour les personnes âgées ? L’efficacité du vaccin s'efface-t-elle avec le temps ?  

On sait que les personnes âgées sont sujettes à un certain niveau d’immunosénescence. Comme l’âge entraîne une perte de l’acuité visuelle ou auditive, il entraîne aussi parfois une perte partielle de la capacité de réponse immunitaire. Les essais cliniques ont montré une très grande efficacité des vaccins y compris chez les personnes âgées et toutes les données que ce soit de l’expérience acquise en Israël, au Royaume-Uni ou aux Etats-Unis ont montré une très bonne protection des vaccins contre le virus et ses variants y compris chez les personnes âgées. Cependant, on n’a pas encore un très long recul sur la durée d’immunité conférée par les vaccins chez l’adulte qu’il soit jeune ou plus âgé. Par ailleurs, il faut souvent plusieurs années d’expérience avec les vaccins pour bien évaluer leur durée d’immunité. Par exemple, dans le cas de la fièvre jaune, on proposait autrefois un rappel tous les dix ans jusqu’à ce que l’on se rende compte que l’immunité conférée par le vaccin était excellente tout au long de la vie. Une troisième dose de vaccin contre la COVID-19 chez les personnes âgées et aussi chez ceux ayant un déficit immunitaire est une piste intéressante, d’autant plus que la tolérance immédiate du vaccin chez les personnes âgées est plutôt meilleure que chez les personnes plus jeunes. Il faudrait qu’un groupe d’experts internationaux, si possible coordonné par l’OMS, s’empare de cette question et émette des recommandations qui seraient utiles pour tous les pays. Ce n’est bien sûr pas aux fabricants de faire des recommandations à ce sujet.

Tant que la vaccination ne sera pas généralisée, les quelques pourcentages d’inefficacité du vaccin amèneraient-ils toujours des morts ? 

Chacune des trois premières vagues épidémiques a concerné entre 5 et 10% de la population en Europe continentale. Elles ont été associées à chaque fois à une mortalité importante proportionnelle au nombre de cas (en le rapportant à un nombre identique de tests). L’immunité collective qu’il faut atteindre pour bloquer tout risque de résurgence épidémique serait proche de 80% de l’ensemble de la population ou peut-être même supérieure. On voit qu’un tel niveau d’immunité risque d’être long à obtenir même avec un vaccin à 100% efficace, d’une part parce que le vaccin n’est pas encore homologué chez les enfants de moins de 12 ans et parce que même chez les personnes âgées il reste parfois 15 à 20% de personnes non vaccinées. On doit donc encore redouter une prochaine vague qui pourrait se développer chez les personnes non vaccinées de la population et faire encore des dégâts chez des personnes âgées ou vulnérables non vaccinées, sans parler, après ce triste épisode belge, des risques que semblent faire courir aux personnes âgées les personnes plus jeunes non vaccinées infectées par des variants plus transmissibles. De plus, les dernières données britanniques font craindre une plus grande virulence du variant Delta (anciennement appelé « variant indien »), puisqu’ils ont constaté un doublement du risque d’hospitalisations chez les personnes infectées par le variant Delta par rapport au variant Alpha (anciennement appelé « variant anglais »).

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