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Vapotage : la cigarette électronique de plus en plus mal vue, ses effets sur la santé remis en question
©JUSTIN SULLIVAN / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Santé

Depuis le mois de juillet 2019, un syndrome lié à l'utilisation de cigarettes électroniques touche les Etats-Unis. 18 personnes seraient décédées et 1.080 touchées par une maladie respiratoire. Le Dr Guy-André Pelouze revient sur les effets de la cigarette électronique sur la santé.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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La cigarette électronique et la santé publique

Guy-André Pelouze : L'utilisation de la cigarette électronique est devenue un sujet de santé publique depuis que des complications respiratoires y compris mortelles ont été associés à son usage. Ces complications ont été observées aux États-Unis récemment et elles ont fait l'objet de signalements à la FDA qui a entrepris d'investiguer différents produits présents dans l'aérosol inhalé par les utilisateurs de la cigarette électronique. Ces complications sont respiratoires, elles prennent l'allure d'une insuffisance respiratoire aiguë et ont les caractéristiques d'une toxicité directe de l’aérosol inhalé. Il faut tout d’abord souligner que nous avons un recul assez faible du point de vue épidémiologique sur l'utilisation de la cigarette électronique et ce même si le phénomène a pris une grande ampleur. À peu près rien n'est connu de la toxicité à moyen et long terme des substances inhalées. Des substances réputées non dangereuses peuvent le devenir compte tenu de la température, de la répétition du contact avec les muqueuses bronchiques et les alvéoles pulmonaires. Ainsi certaines substances ou le cocktail du produit consommé peuvent être source de complications. Notamment endommager la fragile barrière qui permet les échanges gazeux au niveau du poumon. Il peut s'agir des différentes substances ajoutées à la nicotine: arômes, propylène glycol et glycérine végétale. Dans les états qui l’autorisent le cannabidiol est aussi impliqué. On apprend par la FDA qu’une solution huileuse de vitamine E est présente dans certains mélanges contenant du cannabidiol et cette substance est en cours d’investigation.

Le «syndrome respiratoire associé au vapotage» est un nouveau syndrome qui nécessite des recherches supplémentaires

A priori, ne contenant ni goudron ni autres composants nocifs du tabac, puisqu’il n’y a pas de fumée, les cigarettes électroniques ne sont pas cancérigènes; ainsi elles seraient moins nocives pour les voies respiratoires que les cigarettes combustibles. L'argument en faveur de l'utilisation et de la vente de cigarettes électroniques est simple: elles sont plus sûres que les cigarettes et, potentiellement, elles peuvent aider les fumeurs à arrêter de fumer. En tant que stratégie d'adaptation au sevrage du tabac fumé, une cigarette électronique semble préférable aux autres produits du tabac et, dans certaines circonstances, à une boisson alcoolisée. Le fait que les cigarettes électroniques soient promues par l'industrie du tabac ne signifie pas nécessairement qu'elles sont nuisibles. Les politiques excessivement restrictives sur les cigarettes électroniques allant jusqu'à l'interdiction dans certains pays ne sont guère justifiées car le tabac fumé reste disponible et il est un cancérigène avéré.

Rechute de la dépendance à la nicotine

Ensuite nous devons rappeler qu’un “inconvénient important” des cigarettes électroniques est une rechute potentielle de la dépendance à la nicotine, à savoir que certains anciens fumeurs recommenceraient, ce qui pourrait être associé à des risques cardiovasculaires et autres risques pour la santé, en particulier chez les personnes âgées. De plus, l'usage de la cigarette électronique chez les jeunes est un facteur de risque pour l'initiation ultérieure de cigarettes combustibles. Pour les personnes ayant une dépendance à la nicotine associée à des maladies respiratoires chroniques, le passage du tabagisme à la cigarette électronique peut être favorable compte tenu de l'objectif final de cesser de fumer. Une autre observation clinique doit être prise en compte: un nombre non négligeable de personnes utilisent en fait les deux, la cigarette de tabac quand ils le peuvent et la cigarette électronique quand le tabac fumé est moins accepté socialement ou par la réglementation. Manifestement il ne s’agit pas d’un traitement préventif satisfaisant. En tant que médecin, j’ai constaté que nos conseils doivent être inspirés par le “primum non nocere”. Compte tenu des preuves présentées dans cet article, utiliser des cigarettes électroniques pour arrêter de fumer introduit de nouvelles conséquences néfastes pour la santé et pour l’instant il n’est pas possible de savoir qui est le plus à risque de telles complications.

Est-on certain que ces complications sont en rapport avec la cigarette électronique ?

La cigarette électronique a un impact multifocal sur l'appareil respiratoire

Tout d'abord il faut insister sur le fait que la cigarette électronique un impact multifocal sur l'appareil respiratoire. La figure N°1 dresse un panorama des effets avérés par des études expérimentales. Mais il faut aussi souligner que contrairement aux cigarettes de tabac les préparations des substances dans les cigarettes électroniques sont très variables suivant les marques et les pays, même si elles contiennent toutes de la nicotine. Ce qui fait débat c'est bien évidemment la fréquence de ces complications et les conséquences cliniques dans une population.

Figure N°1

En ce qui concerne votre question sur la relation de cause à effet entre le vapotage et les insuffisances respiratoires parfois mortelles qui ont été observées, la réponse est non. Nous ne savons pas s'il s'agit une relation causale certaine  puisqu’il s’agit d’une collection de cas cliniques qui ont intrigué les pneumologues et les réanimateurs. À cette occasion il est utile de souligner l'importance dans une société développer du Big Data et du reporting ouvert des effets secondaires suspectés qu'il s'agisse des médicaments, de techniques chirurgicales, d’implants ou d'autres appareils potentiellement dangereux pour la santé. Les systèmes d'alerte épidémiologique sauve des vies. Ils permettent de reconnaître précisément et précocement des effets secondaires des médicaments des techniques chirurgicales des implants ou dans le cas présent d'un substitut technique réputé inoffensif à la cigarette de tabac. 

Toutefois, le nombre de cas collectés et la gravité (il y a plusieurs décès) serait en lien avec une insuffisance respiratoire elle-même survenue sans aucune autre cause évidente que celle du vapotage, militent fortement pour un lien de cause à effet.

Que faut-il faire ?

D'une manière générale quand il existe un doute aussi important et qu’on ne connaît pas les facteurs de risques éventuels qui favorisent ces complications, il est préférable de ne pas jouer à la roulette russe. Il est aussi souhaitable si on observe des symptômes de difficulté respiratoire après avoir commencé à utiliser la cigarette électronique de consulter afin de faire un diagnostic précoce et éviter une évolution péjorative. Le sujet est de la plus grande importance compte tenu du nombre de personnes concernées. Les centres de recherche doit contribuer et communiquer entre eux pour mieux comprendre les cas cliniques observés Tableau N°1). Inévitablement, la question de l'interdiction va se poser. Il y a des arguments en faveur de l'interdiction puisque le vapotage n'est absolument pas une activité indispensable en l'occurrence le principe de précaution voudrait que même en dehors de l'action de l'État les individus se protègent. Il n'est pas exclu que les états soucieux de leur mise en responsabilité éventuelle suspendent la commercialisation. Les opposants à l'interdiction feront objecter que personne n'a jamais interdit la cigarette ou l’alcool alors que les complications sont connues et qu'elles sont apparemment plus souvent mortelles. Ils iront même jusqu'à dire que la cigarette électronique est un bon moyen d'éviter la fumée de la pyrolyse du tabac qui est le facteur cancérigène de la cigarette, du cigare et de la pipe. Derrière ces arguments  pour la prévention des complications du tabac campent de puissants intérêts commerciaux. Il faut souligner que la cigarette électronique présentée comme une alternative de sevrage tabagique ne supprime ni ne diminue en rien l'addiction à la nicotine c'est-à-dire la raison principale pour laquelle on fume du tabac ou on vapote. Le conseil médical qui doit être donné est de suspendre l'utilisation de la cigarette électronique, d'acheter des patchs de nicotine et de commencer un sevrage réel, occasion unique de sortir de l'addiction. Pour ceux qui continue à utiliser la cigarette électronique  l'équation du risque a été modifié par ces constatations cliniques. Ce qui domine aujourd'hui c'est l'incertitude, incertitude sur la relation de cause à effet, incertitude sur le contrôle du risque et incertitude sur la possibilité de prévenir de telles complications. Dans le cas où l’état interdirait la commercialisation nous ferions face très probablement à une utilisation frauduleuse de contrebande comme dans tous les décisions de prohibition. Et comme l'état a déjà fort à faire avec le nombre de prohibitions qu'il a instauré il serait peut-être raisonnable qu’il informe les vapoteurs de manière transparente et qu’il les considère comme des adultes responsables.

Tableau N°1. Les questions posées par l’article du BMJ.

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