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Valérie Boyer : "Il faut en finir avec l’opacité sur le coût exact de l’immigration"
©Thomas SAMSON / AFP

Asile et immigration

Valérie Boyer, députée LR des Bouches-du-Rhône, vient de publier un rapport sur l'immigration, l'asile et l'intégration au sein de la Commission des Affaires étrangères. Elle revient sur ces questions pour Atlantico et aborde notamment le sujet des conséquences budgétaires.

Valérie Boyer

Valérie Boyer

Valérie Boyer est sénatrice LR des Bouches-du-Rhône et conseillère municipale de Marseille.

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Atlantico.fr : Vous avez publié un rapport sur les questions d'asile et d'immigration et les conséquences budgétaires de la gestion de ces questions. Quelles en sont les axes principaux et quels problèmes avez-vous rencontré ?

Valérie Boyer : Tout d'abord, il est très difficile d'avoir des éléments chiffrés sur ces questions après une vingtaine d'auditions. J'ai axé mon rapport sur deux sujets principaux : la santé avec l'aide médicale d'Etat et la protection de la maladie universelle, et sur les sujets sociaux. L'objet de ce rapport est de se prononcer sur un budget, ici le budget 303, budget de la mission immigration, asile, intégration. Cette mission se structure autour de trois axes : maîtrise des flux migratoires, intégration des personnes en situation régulière et garantie du droit d'asile. Il faut savoir que le budget de la mission est en augmentation de 4,47% en autorisation d'engagement et de 8% en crédit de paiement par rapport à la loi de finance de 2019. Il est en hausse car il y a plus d'immigrés et donc on a besoin de capacités d'accueil et d'hébergement pour les demandeurs d'asile qui sont renforcés. Le gouvernement a été pour l'instant inopérant dans le fait de juguler les flux. En revanche,  dans l'augmentation du budget, il y a une partie dédiée à la lutte contre l'immigration irrégulière qui baisse de 26,39% et de 9.98% en crédit de paiement. Cela est incohérent avec la réalité car l'immigration irrégulière augmente de plusieurs façons. Dans ce rapport je pointe la difficulté de connaître le coût annuel de l'immigration c'est-à-dire la différence entre ce que l'immigration rapporte et ce qu'elle coûte. Beaucoup d'études existent sur le coût de l'immigration, mais la plus intéressante est celle de Jacques Bichot qui explique que le surcoût pour l'Etat serait de 8.5 milliards d'euros au titre des aides sociales et de la santé, 4.47 milliards pour les frais de justice, 10 milliards pour l'école et l'enseignement supérieur, 1 milliard pour le logement, 500 millions pour les transports. Cela représenterait 25 milliards d'euros en totalité. Le reste des études ou des organismes comme l'OFPRA ne donnent aucuns chiffres. 

Que retiendriez-vous comme piste principale ? 

J'ai voulu porter mon regard sur la santé car lorsque l'on fait un rapport budgétaire, on ne peut pas tout traiter. Je ne suis pas dans le cadre d'une mission d'enquête où l'on creuserait totalement le sujet. Je me suis concentrée sur la santé car elle a un coût et parce qu'elle représente un véritable problème d'attractivité pour la France. On peut constater qu'en dépit d'une diminution des mouvements migratoires vers l'Europe, de l'ordre d'environ 30% pour la France, il y a un fort regain des demandes d'asile qui conduisent à une véritable saturation du système. A titre d'exemple, on avait baissé la durée moyenne d'examen d'un dossier, maintenant elle augmente d'un mois et demi. En 2018, la France a enregistré 123 000 demandes d'asile soit une augmentation de 22% alors qu'elles sont en baisse de 10% partout ailleurs en Europe. On voit bien que l'on a un problème spécifique pour la France et ce en raison de deux phénomènes : les mouvements migratoires secondaires provenant d'autres pays européens et la part importante de demandeurs d'asile venant de pays sûrs (Albanie, Géorgie, Guinée, Côte d'Ivoire). En France, on compte 44% de demandeurs d'asile albanais ou 37% de géorgiens par exemple. La hausse des demandes d'asile en France a des conséquences sur le coût de l'allocation perçue par les demandeurs d'asile et le financement des structures d'hébergement. De ce fait, chaque année, la cour des Comptes note que le budget de l'immigration est sous-évalué. En milieu d'exécution du budget, on doit avoir des crédits complémentaires, rendant les budgets insincères. Je préconise une sincérité budgétaire ainsi qu'une harmonisation à l'échelle européenne, notamment sur les pays sûrs. On ne sait pas si les demandes d'asile concernent les persécutions religieuses, la fuite d'un pays en guerre etc. On ne sait rien et il n'y a aucun élément chiffré. Pour l'immigration illégale, on a des difficultés. Madame Tribalat disait que cela représentait à peu près 400 000 personnes par an. Mais mis à part cela...

A vous entendre, on a l'impression d'une véritable opacité autour des questions liées à l'immigration. Qu'en pensez-vous ? 

L'AME existe, à titre humanitaire, pour donner des soins aux personnes les plus fragiles, pour éviter la propagation de maladies et pour prévenir les surcoûts liés à des soins retardés et pratiqués dans l'urgence. Cela étant, au regard de la hausse des dépenses de l'AME, on peut s'interroger sur l'efficacité du système car au 31 Décembre 2018 par exemple, il y avait environ 300 000 personnes qui bénéficiaient de l'AME pour un montant de dépenses de 1 milliard d'euros. Là aussi, on devrait harmoniser car la France est le seul pays qui a un panier pour l'AME aussi large. D'autres pays comme l'Espagne ou l'Allemagne ont une aide médicale d'urgence qui répond à ces critères sauf qu'en France, on répond également aux maladies chroniques (diabètes par exemple). En France, je préconise que les soins particulièrement coûteux devraient être soumis à l'agrément préalable des caisses d'assurance maladie. Il est important de savoir qu'aujourd'hui, il n'existe aucune donnée sur l'AME, mis à part que les demandeurs sont de manière générale des hommes, jeunes etc. Là aussi on se prive de statistiques et c'est un interdit dogmatique qui nous empêche de suivre des populations d'un point de vue migratoire et épidémiologique et qui crée de fait une opacité qu'il faut faire cesser. 

Plus important que l'AME, c'est la PUMA (Protection Universelle Maladie), le droit commun. Aujourd'hui, toute personne demandant l'asile, à partir du moment où elle le demande, se voit ouvrir des droits (logement, allocations particulières, scolarisation des enfants…), un numéro de sécurité sociale non-identifié ce qui rend impossible la détection des cotisants. Sachant que 70% des demandeurs d'asile sont déboutés du droit d'asile, on ne peut pas les repérer et comme cela relève du droit commun, l'OFPRA ne prévient pas les caisses d'assurance maladie. On sait que plus de 90% des personnes déboutées du droit d'asile restent en France et continuent probablement à se soigner mais à nouveau, nous n'avons pas plus d'informations dessus. On ne sait pas comment les gens rentrent à l'AME, s'ils rentrent avec un visa de touriste pour se faire soigner à l'hôpital par exemple. A l'expiration du visa, ils sont en situation irrégulière et bénéficient soit de l'AME, soit on leur fait des papiers pour les droits communs. Il faut de la lisibilité !

Enfin, le rapport analyse le problème des mineurs non-accompagnés qui coûtent 30 à 40 000 euros par mineur chaque année, sans compter la scolarité ni la santé. Ces mineurs sont soit placés en foyers collectifs (ASE) soit en familles d'accueil. Cela explose le système. Dans les Bouches-du-Rhône, on a plus de 1000 mineurs non accompagnés, c'est-à-dire ¼ de 25% des mineurs pris en charge par l'ASE, et cela fait exploser le budget qui a déjà augmenté de 44%. Le scandale en France concerne le fait que l'on ne cherche jamais à retrouver les familles de ces mineurs. Au motif qu'ils sont majoritairement africains, on ne se préoccupe pas de leur famille, ou de savoir si leur famille est à leur recherche. C'est honteux.

Le Président de la République est en déplacement à Mayotte. La situation est-elle aussi compliquée dans ce département ? 

Bien entendu. Il faut savoir que Mayotte est le département français le plus impacté par l'immigration dans tous les domaines (insécurité culturelle, délinquance, risques de radicalisation etc.) avec 48% d'étrangers (INSEE) dans la population et 75% des naissances de mères étrangères. Ce chiffre ne cesse d'augmenter par ailleurs. L'aide d'immigration clandestine a été multiplié par 10 entre 2012 et 2017. Les demandes d'asile ont progressé de plus de 110% entre 2017 et 2018. Plus de 60% des enfants scolarisés sont de parents étrangers.  Cette situation n'est plus tenable.

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