Union populaire : y-a-t-il un seul précédent de succès d’une gauche de rupture dans une démocratie occidentale ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Luc Mélenchon estime que les résultats de la dernière élection présidentielle reflètent le choix d'un retour à la gauche de la rupture.
Jean-Luc Mélenchon estime que les résultats de la dernière élection présidentielle reflètent le choix d'un retour à la gauche de la rupture.
©THOMAS COEX / AFP

La France insoumise

Dans un entretien accordé au Journal du Dimanche, Jean-Luc Mélenchon analyse les votes de l'élection présidentielle de 2022 comme le choix d'un retour à la gauche de la rupture. Une union de la gauche pourrait-elle vraiment engager une rupture ?

Joseph-Macé Scaron

Joseph Macé-Scaron

Joseph Macé-Scaron est consultant et écrivain. Ancien directeur de la rédaction du Figaro magazine et de Marianne, il est, notamment, l'auteur de La surprise du chef (2021) et Eloge du libéralisme (2020), aux éditions de L'Observatoire. 

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Atlantico : Dans une interview au Journal du Dimanche, Jean-Luc Mélenchon a analysé les votes de la dernière élection présidentielle comme le choix du retour à la gauche de la rupture. Cette gauche de la rupture est-elle une illusion ? Une union de la gauche pourrait-elle vraiment engager une rupture ?

Joseph Macé-Scaron : Cela n’est pas là l’opinion d’un penseur de la gauche mais d’un joueur de bonneteau. Dire que les votes qui se sont portés sur sa candidature étaient tous des votes de rupture relève, en effet, du mensonge plus que l’analyse politique. Que s’est-il passé qui autorise de garrotter la vérité? Personne ne peut nié, aujourd’hui, que nos concitoyens ont été privé de campagne durant le premier tour de la présidentielle. La dramatique guerre en Ukraine et son (modeste) corollaire, le refus du Président sortant d’engager le débat - notamment sur son bilan - ont fait la part belle à ceux qui furent les grands acteurs de ce premier tour : j’ai nommé les instituts de sondage. Jamais ces derniers n’ont bénéficié d’un tel pouvoir. Tous les jours, nous étions littéralement abreuvé, gavé de données chiffrées, sommés de suivre par les éditorialistes les évolutions à 0,5%. Or, les sondages portent le vote utile comme les nuées, l’orage. C’est ainsi que s’est imposé dans le débat non pas le bienfondé de telle ou telle mesure ou la condamnation de tel ou tel type de politique mais : comment être sûr de « jouer placé », c’est-à-dire de choisir le leader susceptible d’affronter Emmanuel Macron. Comme l’a dit drôlement un politique, chaque électeur s’est transformé en « un petit Alain Duhamel ». Il y avait le vote utile et le vote futile (RIP le vote de conviction). Faire de ses électeurs des mélenchonistes, des marinistes ou des macronistes purs et durs est juste une supercherie. Il y a fort à parier qu’une partie de ces électeurs vont adapter leur choix en jugeant, en premier lieu, de la situation locale à laquelle ils sont confrontés. Un exemple extrême : le vote anti-Hidalgo va peser aussi lourd à Paris que la volonté de contenir les pleins pouvoirs accordés à Emmanuel Macron. Exactement comme ils l’ont fait aux dernières élections municipales et régionales.

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Si l’on regarde en Espagne avec Podemos ou en Allemagne avec Die Linke, la gauche de rupture a-t-elle eu un succès dans les urnes et une exécution de son programme qui a suivi ? Y a-t-il un exemple de réussite à ce propos dans les démocraties occidentales ?

Revenons aux causes. L’apparition d’une « gauche de rupture » ou, plutôt, d’un populisme de gauche s’est fait après la crise financière de 2008 qui a nettement favorisé le succès électoral de ce qui n’existait jusque là qu’à titre résiduel. C’est ce qui s’est passé en Grèce avec Syriza, en Espagne avec Podemos, en Allemagne avec die Linke et en France avec le Parti de gauche qui est devenu, plus tard, La France insoumise. L’arrivée à la tête du parti travailliste de Jeremy Corbin s’inscrit dans cette logique dans la mesure où ce dernier souhaitait une rupture nette avec le blairisme. Rappelons que le slogan du Labour pour les élections (« For the many, not for the few ») aurait pu servir aux formations que je viens de citer.

La seule formation à avoir rencontré le succès dans les urnes au plan national est la formation de Tsípras qui a enflammé, à l’époque, l’imaginaire des gauches radicales européennes en raison, notamment, du charisme de son leader. Or, quelques mois après l’accession de Syriza au pouvoir, la Grèce et ses créanciers signeront un accord comportant de nombreuses mesures d'austérité et de privatisations dans le pays. La politique économique de Tsípras va s’aligner sur les directives de la Commission européenne. Exit la rupture. D’ailleurs, ce qui est assez farce c’est que Mélenchon qui le portait jadis aux nues a une discrétion de violette sur ce sujet.

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La réussite de ces formations ? Avoir contribué à fracturer encore plus la gauche. Avec elles, nous ne sommes pas confrontés à la gauche de rupture mais à l’interminable rupture de la gauche.

Les classes populaires verront-elles dans cette union de la gauche française, si elle a lieu, un vote qui parlera en son nom ? S’est-elle fait phagocyter ses thèmes et son électorat  ? 

Tout dépend de ce que l’on entend par « classes populaires ». Une étude réalisée lors de la précédente présidentielle réalisée par le politiste Luc Rouban (« Le peuple qui vote Mélenchon est-il le peuple ? ») soulignait que l’électorat du leader de France insoumise était majoritairement des électeurs peu fortunés et appartenant aux catégories populaires mais assez diplômés. Dans une conversation avec l’auteur de ces lignes, Mélenchon avait très bien anticipé le surgissement d’un véritable « Tiers Etat culturel », en France, souffrant, en premier lieu, du déclassement social. Cet électorat se distingue donc clairement de celui de Marine Le Pen composé de salariés peu diplômés. Maintenant, il y a un élément susceptible de rassembler ces classes populaires disparates dans ses attentes : la réforme des retraites. Ce sujet est hautement incandescent pour le pouvoir en place. Cela se traduira-t-il dans les urnes ? Rien n’est moins sûr. Une grande partie des classes populaires considère que le rapport des forces va se jouer dans la rue et non dans les urnes même si le groupe France insoumise à l’Assemblée nationale a pleinement joué son rôle. Pour autant, l’attitude des mélenchonistes durant ces dernières années a légitimité le principe de la violence sociale. Elle risque fort de lui revenir en boomerang.

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